La liste des programmes en culture abolis par le gouvernement Harper continue de s'allonger: au total sept d'entre eux disparaîtront sous peu. Ces coupes soulèvent l'ire du milieu culturel et des partis d'opposition qui demandent des comptes à la ministre du Patrimoine, Josée Verner.

Ceux-ci préparent déjà leur offensive afin d'obliger Mme Verner à revenir sur ses décisions. Cette dernière demeure toutefois introuvable.

Depuis quelques jours, Patrimoine Canada, sans faire de bruit, a décidé de mettre la hache dans plusieurs programmes. Le Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants, le Programme de souvenirs de musique et le Programme du long métrage volets éducation et accès se sont ajoutés hier à la liste des victimes de cette vague de compressions. La plupart des organismes culturels concernés ont appris la nouvelle vendredi lors d'un bref coup de fil du Ministère. L'Observatoire culturel canadien a également été aboli l'hiver dernier, une décision qui est presque passée inaperçue.

Plus tôt cette semaine, on a appris la mort de PromArt, du Programme national de formation dans le secteur du film et de la vidéo (PNFSFV), du Fonds des réseaux de recherche sur les nouveaux médias (FRRNM) et de Routes commerciales.

Pendant ce temps, la loi du silence règne à Patrimoine Canada. Le service des communications du Ministère apprend vraisemblablement les décisions au compte-gouttes. «Je n'ai aucune information à donner aujourd'hui», a répondu le porte-parole, Charles Drouin, en fin de journée hier. De plus, il est impossible de s'entretenir avec Josée Verner. À son cabinet, les employés se contentent de répondre aux journalistes «que la ministre a un horaire chargé».

Concert de protestations

La fin annoncée de ces programmes et le silence de Mme Verner provoquent la colère des différents organismes culturels. L'Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ) et l'Association canadienne de production de films et de télévision (ACPFT) ont fait parvenir hier une lettre à la ministre afin de solliciter une rencontre avec elle et «discuter de l'avenir de l'industrie», a confirmé hier Claire Pelletier, directrice des communications de l'APFTQ.

«Nous craignons que ces réductions des fonds culturels canadiens ne portent atteinte à l'industrie du film et de la télévision, alors même que beaucoup de producteurs s'interrogent sur les répercussions que l'internet et les autres politiques fédérales de financement auront sur eux (...)», a déclaré par voie de communiqué, Guy Mayson, président-directeur général de l'ACPFT.

Plusieurs maisons de production, comme Vidéo Femmes, souffriront également de ces coupes. La compagnie, qui est notamment derrière le documentaire Déroute et parcours, portant sur le cancer du sein, a produit depuis 2000 une douzaine d'oeuvres grâce au Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants. Celui-ci disparaîtra le 31 mars 2009.

Pour sa part, Culture Montréal encourage ses membres à se prononcer haut et fort en faisant part de leur mécontentement au Ministère et en demandant au gouvernement fédéral de revenir sur ses décisions, «qui minent l'avenir de la métropole».

Même son de cloche du côté du Mouvement pour les arts et les lettres (MAL) qui juge cette façon de faire «consternante, déplorable et arbitraire». «Les artistes et les travailleurs culturels sauront occuper l'espace public pour dénoncer les manoeuvres conservatrices et en expliquer les conséquences aux Québécois et aux Canadiens», a affirmé l'écrivain Stanley Péan.

Pour leur part, les diplômés de l'Institut national de l'image et du son (INIS), organisme touché par la décision de sabrer dans le Programme national de formation dans le secteur du film et de la vidéo (PNFSFV), ont lancé un groupe sur le site Facebook pour inciter les gens à faire connaître leur mécontentement et pour les tenir informés des derniers développements (www.facebook.com/group.php?gid=24692169952).

Coderre promet la «guerre»

Se disant préoccupée, la ministre québécoise de la Culture, Christine St-Pierre a même demandé à rencontrer son homologue fédérale afin de comprendre les motifs de ses décisions. Au moment de mettre sous presse, elle n'avait toutefois pas reçu de confirmation concernant un possible entretien. «Je voudrais qu'on revoie ces décisions ou que l'on trouve des mesures compensatoires, a mentionné Mme St-Pierre au cours d'une entrevue téléphonique avec La Presse. On ne devrait pas couper, mais augmenter ces budgets-là.»

Furieux, le porte-parole libéral en matière de patrimoine, Denis Coderre, promet que ce sera la «guerre» avec ce gouvernement-là, sans préciser davantage ce qu'il entend faire. «Avec la ministre du Patrimoine, c'est: il n'y a pas de service au numéro que vous avez composé», lance-t-il.

Et si les libéraux prenaient le pouvoir, remettraient-ils sur les rails les programmes abolis par les conservateurs? «C'est la première chose que je ferais comme ministre de la Culture», assure M. Coderre.

Au Bloc québécois, la députée Claude DeBellefeuille, critique en matière de patrimoine, a comparé les événements des derniers jours à un raz-de-marée. «On fait ça en catimini pendant les Olympiques, reproche-t-elle. C'est comme un bulldozer qui détruit tout ce qu'il n'aime pas.»

Les programmes abolis

PromArt: 4,7 millions

Programme national de formation dans le secteur du film et de la vidéo (PNFSFV): 2,5 millions

Fonds des réseaux de recherche sur les nouveaux médias (FRRNM): 4,7 millions (2006-2007)

Fonds canadien du film et de la vidéo indépendants: 1,5 million

Routes commerciales: 9 millions

Programme du long métrage (volets éducation et accès): 300 000 $

Programme de souvenirs de musique: 300 000 $

Total *: 23 millions

* Ces chiffres ont été obtenus selon les données fournies sur les différents sites internet des programmes.