Pour le dernier soir de la programmation en salle du 29e Festival international de jazz de Montréal, on a pu voir sur scène hier pas moins de cinq lauréats du prix Oscar-Peterson!

D'abord, au Gesù, le contrebassiste Michel Donato accueillait le pianiste François Bourassa et le saxophoniste Yannick Rieu. Chaude était l'atmosphère de la soirée dans cet amphithéâtre bondé, qui a culminé dans une séance d'improvisation collective autour d'un jazz-blues bien senti. Avec Michel Donato, dont on célébrait un demi-siècle de carrière, s'étaient précédemment succédé des duos de choix avec Karen Young, James Gelfand, André Leroux, François Bourassa et Yannick Rieu.

Ce dernier s'est retrouvé plus tard à la salle Wilfrid-Pelletier, où l'on commémorait le 25e anniversaire de l'étiquette de disques Justin Time.

Jones au centre de la célébration

Il était tout indiqué que le pianiste vedette de la maison montréalaise, l'incontournable Oliver Jones, premier musicien à signer un contrat avec Justin Time, soit au centre de cette célébration, soit le concert de clôture en salle du FIJM. On a d'ailleurs entendu Oliver dans plusieurs numéros au cours de la soirée, notamment avec son excellent trio (Éric Lagacé, contrebasse, Jim Doxas, batterie), avec le saxophoniste Chet Doxas, aux côtés des chanteuses Coral Egan et Ranee Lee, ou encore avec le nouveau lauréat du fameux prix décerné à un musicien dont la contribution au jazz canadien s'avère majeure: le contrebassiste Dave Young, originaire de Winnipeg et résidant de Toronto.

Ce merveilleux jazzman, il faut le souligner, est au reste du Canada ce que Donato est au Québec. Pour l'occasion, Dave Young a choisi d'interpréter avec notre Oliver une pièce que le regretté Oscar Peterson lui avait écrite: OP & D. Doit-on préciser ce que signifient ces initiales? Parmi les numéros ayant soulevé la foule à la Wilfrid, on retiendra les pièces du violoniste Billy Bang, reprises de son album Vietnam: The Aftermath. Il était alors accompagné entre autres par la jeune contrebassiste Brandi Disterheft, originaire de Vancouver. Le talent de cette jeune femme est plus qu'évident. On l'imagine déjà dans les grandes ligues; Esperanza Spalding (une autre jeune louve de la contrebasse) n'a qu'à bien se tenir!

Plus tard, le Montreal Jubilation Gospel Choir, la chanteuse d'origine sud-africaine Lorraine Klaasen, le duo Dawn Tyler-Watson/Paul Deslauriers et le bluesman néo-orléanais Bryan Lee ont complété le programme consacré aux 25 ans de JustinTime.

Plus tôt dans la soirée, le supersouffleur James Carter a avait rempli le théâtre Jean-Duceppe afin d'y répéter les exploits qui ont fait sa réputation. Dans les suraiguës comme dans les harmoniques graves, ce surdoué du saxophone et de la clarinette (basse) produit toujours le même impact: il met les jazzophiles dans sa poche. Il faut dire que les références dont il fait usage (hard bop, jazz manouche, bossa nova, quelques ornements free, etc.) ont toutes été parfaitement digérées par son excellent quintette, dont font partie le superbe trompettiste Curtis Taylor et le fougueux pianiste Gerard Gibbs. Les artistes dont il s'inspire sont tous passés à l'histoire (Billie Holiday, Django Reinhardt, Clifford Brown, Eric Dolphy, etc.).

Quant à James Carter, on ne peut dire qu'il déborde d'imagination en tant que compositeur ou directeur artistique. Il est d'abord un performer, au plus grand bonheur de ses fans.

Dans un tout autre ordre d'idée, à la Cinquième Salle, on aura eu le temps d'assister à une bonne quarantaine de minutes de l'Argentin Daniel Melingo, étrange et doué tanguero, assurément une bête de scène. Chose certaine, ce missile non guidé finit par atteindre sa cible! L'élégante âpreté et la chaleur de sa voix, cette ambivalence dans le ton, ce cynisme contagieux, la liberté des orchestrations (contrebasse, guitare, bandonéon, violon, clarinette, banjo, trombone, etc.), le caractère imprévisible de sa dégaine, la facture retro nuevo de cette musique métisse et exploratoire, la connexion franche avec tous les tangos, voilà autant d'indices qui mènent à croire que Melingo sera une des révélations «world» en 2008.