L'Université de Sherbrooke a remis le 15 mars dernier un doctorat honoris causa à la cinéaste de renommée internationale Alanis Obomsawin pour sa contribution au progrès de la justice sociale et au respect des droits autochtones.

La cinéaste émérite a reçu le titre de docteure d'honneur pour l'ensemble de son oeuvre et en raison de son engagement exemplaire auprès des nations amérindiennes.

Alanis Obomsawin est décrite comme l'une des plus éminentes documentaristes autochtones. Depuis plus de 50 ans, elle donne la parole aux peuples amérindiens par le truchement des documentaires qu'elle scénarise, réalise et produit.

L'Université de Sherbrooke a tenu à rendre hommage à Mme Obomsawin en lui décernant un doctorat d'honneur pour souligner sa grande détermination à défendre les droits autochtones et à perpétuer l'héritage de ces peuples. Aux yeux du recteur, Pierre Cossette, le parcours de l'artiste sert d'exemple et de modèle pour chacune et chacun d'entre nous : « L'Université de Sherbrooke s'est donné la mission de former des citoyennes et des citoyens responsables qui changent le monde. En remettant un doctorat d'honneur à madame Alanis Obomsawin, nous souhaitons bien sûr souligner son parcours remarquable, le respect et l'ouverture dont elle a fait montre, et sa grande détermination à favoriser le rapprochement et la tolérance. Mais nous voulons aussi, par ce geste, inviter nos étudiantes et étudiants, ainsi que la communauté universitaire et l'ensemble de la société, à s'inspirer du parcours et de l'oeuvre de cette grande documentariste. »

Claude Gélinas, professeur d'éthique appliquée au Département de philosophie, a prononcé l'éloge. Il a dépeint la cinéaste sous les traits d'une pionnière qui, par sa volonté de briser l'isolement et le silence, a contribué à une prise de conscience de notre société à l'égard des peuples autochtones. « Alanis Obomsawin donne la parole à celles et ceux qui refusent d'abdiquer. Son travail en est un de mémoire et d'espoir. [...] Son oeuvre constitue, en ce sens, un important legs à la société. Et nous la remercions profondément pour cela. »

Était également présente Jocelyne Faucher, secrétaire générale de l'UdeS.

La séance fut précédée de la projection du documentaire Les événements de Restigouche, qui relate les rafles menées par la Sûreté du Québec en 1981 dans la réserve de Restigouche, en Gaspésie. La projection a été suivie d'une causerie portant sur la carrière de Mme Obomsawin. La cinéaste a profité du moment pour faire un retour sur le documentaire visionné. Pour clore la séance universitaire et pour rendre hommage à la nouvelle docteure d'honneur institutionnelle, des membres de la communauté d'Odanak se sont joints à la cérémonie afin d'interpréter des chants abénaquis.

Alanis Obomsawin naît le 31 août 1932 en territoire abénaquis, dans l'État du New Hampshire, aux États-Unis. L'année après sa naissance, sa famille s'établit dans la réserve d'Odanak, près de Sorel, d'où sa mère est originaire. C'est à cet endroit qu'elle est initiée, très jeune, à l'histoire des Abénaquis.

Les chants et légendes qu'on lui enseigne nourrissent son imaginaire. Ils lui servent également de refuge lorsque, à l'âge de neuf ans, elle déménage avec sa famille à Trois-Rivières, loin de toute communauté autochtone. Seule enfant amérindienne de son école, la jeune Abénaquise est victime de discrimination. Cette épreuve marque le début d'un combat acharné en faveur des droits autochtones.

Elle démarre sa carrière en 1960 comme chanteuse professionnelle à New York. En 1967, l'Office national du film (ONF) la recrute comme conseillère en cinéma autochtone, puis comme documentariste. Première cinéaste autochtone à l'emploi dans cette institution, elle réalise son premier film en 1971, Christmas at Moose Factory, qui nous offre une incursion inédite dans la réalité quotidienne des communautés autochtones.

Mme Obomsawin a réalisé plus de 50 documentaires sur les questions autochtones. Elle utilise son talent pour documenter les enjeux qui touchent les Premières Nations, comme l'itinérance (Sans adresse, 1988), les conflits culturels (Kanehsatake : 270 ans de résistance, 1993), l'accès à l'éducation (Hi-Ho Mistahey!, 2013) et les droits de l'enfant (On ne peut pas faire deux fois la même erreur, 2016). Alanis Obomsawin est également engagée de manière personnelle dans la société. Auteure et interprète, elle a livré des prestations musicales pour des causes humanitaires.

En 50 ans de carrière, elle a reçu une quantité impressionnante de distinctions au Canada et aux États-Unis. Ses réalisations lui ont notamment valu le titre de grande officière à l'Ordre national du Québec en juin 2016, la distinction honorifique la plus prestigieuse du Québec. Elle a aussi reçu une dizaine de grades honorifiques, dont un doctorat en droit de l'Université Concordia (1993) et un doctorat en lettres de l'Université McGill (2017). En 2017, la cinéaste a signé son 50e film en 50 ans de carrière, Le chemin de la guérison, l'un des meilleurs longs métrages de l'année au Festival international du film de Toronto.

L'Université de Sherbrooke est fière d'être la première université francophone à lui décerner un doctorat honorifique.