Le cellulaire au volant est là pour rester. Après plus d'un an de délibérations, la Table québécoise de sécurité routière proposera de mettre de côté les recommandations faites par l'Assemblée nationale il y a un an.

Le cellulaire au volant est là pour rester. Après plus d'un an de délibérations, la Table québécoise de sécurité routière proposera de mettre de côté les recommandations faites par l'Assemblée nationale il y a un an.

Selon les informations obtenues par La Presse, lors de leur réunion du 29 mai, les membres ont eu droit à une lecture de la première version de leur rapport, un document d'une soixantaine de pages qui sera rendu public à la fin du mois de juin. La semaine précédente, la ministre des Transports, Julie Boulet, avait rencontré le groupe et promettait «d'agir rapidement» pour renforcer la sécurité routière. La route a fait 717 victimes en 2006; la Société d'assurance automobile y va actuellement de publicités-chocs pour inciter les conducteurs à réduire leur vitesse et à s'interdire toute consommation d'alcool. On estime que 40% des conducteurs qui ont péri avaient pris de l'alcool, une proportion qui grimpe à 49% chez les 25-44 ans.

Formée pour conseiller le gouvernement inquiet de l'augmentation irréversible de la mortalité sur les routes, la Table québécoise est présidée par Jean-Marie De Koninck, l'initiateur de l'Opération Nez rouge. On y trouve des représentants de toutes les associations touchant le transport, des motocyclistes aux propriétaires d'autobus scolaires, en passant par les camionneurs et Vélo Québec.

S'y retrouvent aussi des représentants de la Fédération québécoise des municipalités, des villes de Montréal, Québec et Sherbrooke.

Les policiers de Québec et de Montréal et ceux de la Sûreté du Québec y participent aussi.

Au gouvernement, on indique que la ministre des Transports Julie Boulet souhaitera procéder à une large consultation à l'automne sur la base des propositions de ce groupe. On reconnaît ne pas savoir si un projet de loi est possible avant la fin de 2007.

Radars photo

Sur l'usage des cinémomètres, un recours controversé, le groupe proposera d'aller de l'avant rapidement, de prévoir des projets-pilotes, mais aucune date butoir ne sera fixée. Un sous-comité sera chargé de raffiner les propositions, en clair une soupape pour gagner du temps, évalue un participant.

La ministre Boulet «aimerait bien des projets-pilotes» en 2008, mais les patrons politiques restent bien conscients des réticences dans plusieurs milieux devant l'application de cette mesure. «On a fait valoir que si cela peut se faire en France ou en Allemagne, pourquoi pas ici», confie-t-on au gouvernement Charest.

Les lobbies de l'industrie du camionnage, de la location d'autos et surtout du taxi ont fait lourdement valoir qu'il n'était pas question pour eux de gérer ces contraventions, de rechercher lequel de leur chauffeur, camionneur ou client était au volant au moment où le cliché a été pris. L'industrie du camionnage et celle du taxi exigeront d'être soustraites de l'application de cette mesure, peut-on déjà prévoir.

On a rappelé que, lorsqu'il était titulaire des Transports, Guy Chevrette tenait à ce que de tels outils soient disponibles aux policiers, et qu'à l'époque, les juristes avaient fait valoir qu'une photo n'était pas une preuve suffisante aux yeux des tribunaux pour intenter des poursuites.

Avant les élections, le gouvernement Charest avait obtenu qu'on reporte après le scrutin le dépôt du rapport de ce groupe, pour ne pas avoir à trancher la question controversée des cinémomètres.

Antidémarreurs

La Table de concertation suggère aussi que les nouvelles automobiles vendues au Québec soient dotées d'antidémarreurs pour vérifier le taux d'alcoolémie des conducteurs, mais encore là, il n'y a pas de date d'application suggérée. Surtout, on est conscient de l'impossibilité pour le Québec d'imposer seul l'obligation de prévoir un tel dispositif.

La Table québécoise de sécurité routière proposera de façon générale de mieux encadrer l'usage du cellulaire, mais on ne propose pas, comme l'avait fait la commission des transports de l'Assemblée nationale en juin 2006, de forcer le recours aux appareils mains libres.

Au Canada, seule Terre-Neuve a depuis trois ans proscrit l'utilisation du cellulaire. En Ontario, un projet de loi en ce sens est toujours à l'étude à Queen's Park. L'Alberta a déposé un projet de loi que des adversaires, le CAA notamment, sont parvenus à faire retirer. Dans les autres provinces, on est toujours en réflexion devant ce problème. Dans de nombreux États américains, l'utilisation d'un cellulaire est interdite aux chauffeurs d'autobus d'écoliers et aux apprentis conducteurs. Au New Jersey, le cellulaire au volant est carrément prohibé, et une amende de 250$US frappe les contrevenants. Dans plusieurs pays, dont l'Australie, l'Autriche, le Japon, la Grèce, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, l'utilisation du cellulaire au volant est formellement interdite.

Le groupe proposera aussi de doubler les interceptions et les barrages routiers pour contrer l'alcool au volant. Les maintenir au niveau actuel n'a plus d'effet dissuasif, explique-t-on. Les corps de police présents, la SQ et les policiers montréalais notamment, ont souligné toutefois que ces barrages mis en place le soir coûtaient cher en heures supplémentaires.

Aussi le groupe insistera pour que, systématiquement, la Couronne rappelle les antécédents des gens coupables de conduite en état d'ébriété pour obtenir des amendes plus élevées pour les récidivistes.