L'idée de facturer 5$ par mois aux abonnés d'Internet pour compenser les pertes encourues dans le partage illégal des fichiers musicaux au pays (estimées à 1,6 milliard l'an dernier) provient de la Songwriters Association of Canada (SAC).

L'idée de facturer 5$ par mois aux abonnés d'Internet pour compenser les pertes encourues dans le partage illégal des fichiers musicaux au pays (estimées à 1,6 milliard l'an dernier) provient de la Songwriters Association of Canada (SAC).

«Les gens mettent du temps à s'habituer à l'idée, c'est tout à fait normal», pense l'auteur-compositeur Eddie Schwartz, un des principaux initiateurs de la proposition.

«Nous ne parlons pas d'un petit changement, mais bien d'un changement majeur dans l'industrie de la musique. Il n'est pas surprenant que la première réaction puisse être négative, notamment du côté des étiquettes de disques. Les employés craignent qu'une telle mesure leur fasse perdre leur emploi. Sans doute, mais ils le perdront de toute façon pendant que nous parlons!»

M. Schwartz croit au potentiel économique de cette proposition. «Au Canada, nous pourrions générer des revenus annuels d'un milliard de dollars au lieu de rien du tout. Alors? Cette cagnotte s'ajouterait aux revenus traditionnels de plus ou moins 400 millions de dollars réalisés par l'industrie de la musique l'an dernier.» Sans fournir de détails techniques, Eddie Schwartz soutient que la somme de ces contributions serait partagée par tous les ayants droit.

Il ne croit plus aux mesures contraignantes: la gestion du trafic P2P par les fournisseurs d'accès Internet, les poursuites judiciaires, très peu pour lui. Il ne croit pas non plus que l'offre légale sera tuée par la licence globale. «Pour quelques cents par jour, on pourra s'en tenir au téléchargement P2P, mais rien n'empêchera le consommateur de payer pour des enregistrements de meilleure qualité. On vous dit que le public ne sera pas d'accord avec une telle taxe? Les sons de cloche qu'on reçoit nous mènent à penser le contraire. Pourquoi les consommateurs seraient-ils d'accord? Parce que notre proposition est raisonnable. Elle vaut mieux que toutes ces poursuites inutiles.»

Une taxe impopulaire

Graham Henderson, président de l'Association de l'Industrie canadienne de l'enregistrement (CRIA), ne partage pas ce point de vue. Le lobby canadien des multinationales de la musique a toujours rejeté la licence globale, alléguant qu'elle légitimerait le piratage et empêcherait l'implantation de l'offre légale.

«Cette proposition ne pourra jamais décoller, croit Henderson. On peut déjà ressentir l'impopularité d'une telle taxe. Je sympathise avec les créateurs, car ils ont un besoin urgent de rémunération, mais je sais aussi que cette proposition n'a pas d'avenir dans le contexte international. La France n'a-t-elle pas rejeté la licence globale pour plutôt favoriser une gestion serrée du trafic P2P? Les gouvernements britannique et japonais n'envisagent-ils pas faire de même? Aux États-Unis, les plus puissants fournisseurs d'accès Internet (AT&T, Comcast) ne gèrent-ils pas le trafic P2P? L'avenir de la musique ne se trouve-t-il pas là plutôt que dans ce projet maladroit?»

Entre les représentants de multinationales et les artistes indépendants, le fossé se creuse au Canada anglais. La Canadian Music Creators Coalition (CMCC) regroupe plus de 200 artistes ou groupes indépendants, tels Steven Page des Barenaked Ladies, Sarah McLachlan, Avril Lavigne ou Brendan Canning, de Broken Social Scene.

«Nous estimons que cette proposition de la Songwriters Association of Canada est progressiste, affirme Brendan Canning. Nous la soutenons aussi parce que nous n'espérons pas grand-chose de ce que proposera bientôt l'actuel gouvernement conservateur avec son projet de loi sur le droit d'auteur. Il faut désormais admettre qu'il est beaucoup trop difficile de policer l'Internet. Condamner une personne pour téléchargement illégal pendant que 10 000 autres poursuivent cette activité sans se faire prendre, c'est un concept pour le moins bizarre! Au nom du progrès, cette contribution de 5$ demeure un point de départ qui n'exclut pas d'autres types de rémunération fondés sur des ententes privées.

«Les chances de succès de cette proposition? Ça prendra du temps. De plus en plus d'artistes se solidariseront autour de l'idée mais... j'ai bien peur qu'il faille encore attendre l'échec des lois répressives.»

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