Le chercheur allemand Karlheinz Brandenburg est le créateur du MP3, ce fameux format de compression qui a chamboulé l'industrie de la musique. À la fin des années 90, il est allé au MIDEM de Cannes (la plus grande foire commerciale de l'industrie de la musique) pour présenter son concept à des professionnels sceptiques, voire peu intéressés. Maintenant, ils accourent pour en savoir plus long sur les idées du professeur Brandenburg.

Le chercheur allemand Karlheinz Brandenburg est le créateur du MP3, ce fameux format de compression qui a chamboulé l'industrie de la musique. À la fin des années 90, il est allé au MIDEM de Cannes (la plus grande foire commerciale de l'industrie de la musique) pour présenter son concept à des professionnels sceptiques, voire peu intéressés. Maintenant, ils accourent pour en savoir plus long sur les idées du professeur Brandenburg.

C'est qu'il n'a pas fini de sévir, cet amoureux de la musique et visionnaire des technologies numériques. De passage à Montréal dans le cadre des rencontres Pop & Policy, tenues à l'Université McGill à l'occasion du festival Pop Montréal, le chercheur et directeur du volet Technologies des médias numériques de l'institut Fraunhofer a été invité à se projeter dans l'avenir.

«Je n'ai pas de boule de cristal, mais je vois plusieurs modèles d'affaires cohabiter pour les années qui viennent: téléchargement à l'unité, accès illimité par abonnement, différents niveaux de qualité selon la nature de l'offre. Une offre beaucoup plus vaste, en somme. Chose certaine, les jours où le modèle physique était unique sont définitivement derrière nous.»

Essayons d'extrapoler, professeur. Il se gratte la barbe et précise sa pensée.

«Une chose est très importante: l'accès à la musique. Nous avons déjà de vastes possibilités, six millions de titres sur iTunes, mais cela doit encore progresser considérablement. Voilà le défi. C'est pourquoi il faut une offre de plus en plus diversifiée: il faut faire vivre différentes formes d'expériences à l'amateur de musique. Plutôt que d'acheter mes CD à mon magasin préféré, j'espère un jour avoir accès à un service de téléchargement varié et facile d'accès.

«Un exemple? Usant d'une technologie mise au point par mon centre de recherches, le logiciel Muffin sera repris par l'entreprise Magix. Muffin consulte vos archives protégées par le droit d'auteur, il analyse vos goûts pour ensuite vous proposer une liste inspirée. En fonction de ce que vous ressentez au moment où vous lancez la recherche, le logiciel extrapole à partir de vos goûts. Avec une précision de plus en plus grande (pattern rythmique, harmonisation, texture, etc.), la technologie de Muffin analyse les genres musicaux qui vous sont chers.»

Autre défi selon Karlheinz Brandenburg: le son immersif.

«C'est l'avenir des fichiers de compression. Il ne s'agit pas de donner l'impression d'être au centre d'un orchestre mais bien de recréer la nette impression d'une salle de concert. Il y a beaucoup de travail à faire en ce sens. Actuellement, nous travaillons sur le concept de «wave field synthesis» (synthèse de champ d'onde), un concept que nous estimons supérieur au surround 5.1 déjà en vogue.»

La synthèse de champ d'onde, en fait, est un principe de spatialisation du son qui vise à reproduire les différents fronts d'ondes d'une source initiale sur une zone étendue de l'espace. Ainsi, les conditions réelles d'un concert sont plus fidèlement évoquées. On est déjà loin du bon vieux MP3, conçu à l'origine pour la diffusion radiophonique.

«L'idée, se souvient Karlheinz Brandenburg, était venue du professeur Seitzer alors que j'étais étudiant au doctorat. Jusqu'alors, on ne pouvait transmettre que la voix parlée en la numérisant via ISDN (Integrated Service Digital Network). Mon directeur de thèse m'avait proposé d'explorer de faire de même avec la musique; je m'étais dit que ça pourrait peut-être marcher. J'ai travaillé ensuite avec d'autres étudiants sur ce projet, nous avons monté une équipe d'une dizaine de personnes qui ont finalement mis au point le format de compression.»

C'était en 1992. Quinze ans plus tard, le MP3 et son cousin AAC dominent le monde de la musique numérisée. Totalement.

«Le MP3 d'aujourd'hui, précise le chercheur, est assez semblable à ce qui a été créé à l'époque, bien que du travail ait été fait sur la qualité de l'encodage. Le MP3 se maintient parce qu'il est partout - il fait partie des équipements de base de Microsoft Windows, par exemple.

«Notre équipe a aussi accompli beaucoup de travail sur le format AAC, dont la technologie est comparable au MP3. Le AAC, cependant, donne une meilleure compression et donc une meilleure qualité audio - déjà supérieure au CD dans bien des cas. Pour beaucoup de consommateurs, le MP3 est suffisant, mais les amateurs de haute fidélité exigent davantage. En ce sens, le format AAC et les technologies d'immersion ne cessent de gagner du terrain. Cela pourrait être la prochaine grosse affaire.»