Mieux préparés que jamais, les patients se pointent dorénavant à leurs rendez-vous après avoir navigué pendant des heures. Une pratique forçant parfois les médecins à devenir des critiques officiels de la toile.

Mieux préparés que jamais, les patients se pointent dorénavant à leurs rendez-vous après avoir navigué pendant des heures. Une pratique forçant parfois les médecins à devenir des critiques officiels de la toile.

Le médecin du CHUM Marquis Fortin se souvient bien d'un patient particulièrement mordu du cyberespace. Entre ses tests et la divulgation de ses résultats, il avait déjà tout déniché : diagnostics possibles, traitements et effets secondaires. «Je n'ai eu qu'à lui confirmer quelque chose qu'il avait déjà lu et vérifié dans Internet», raconte l'omnipraticien. «Parfois, ce sont les patients qui m'apprennent quelque chose.»

Selon le Dr Fortin, les patients se montrent plus avertis, voire plus sophistiqués dans leurs questions. «Mon travail se complexifie : je dois maintenant faire de l'analyse critique avec eux, vérifier leurs sources, leurs références, et me faire une idée de l'information qu'ils m'apportent.» Il n'est pas rare selon lui qu'un patient pénètre dans son bureau et propose une thérapie ou un médicament non disponible au Canada, mais dont il a lu les effets bénéfiques sur la toile.

Le privé change la donne

Avec la forte présence du privé dans le système de santé américain, nombreux sont les sites à offrir de la publicité ou des produits pharmaceutiques. On y trouve même de véritables catalogues de médecins et de spécialistes. Cette prolifération d'informations parfois douteuses a poussé le Dr Peter Goldschmidt à se consacrer pendant une décennie à éduquer les Nord-Américains sur les dérives du Web. «Lorsque les gens recherchent de l'information sur le Net, la santé est leur sujet numéro un», soutient-il.

L'institut qu'il a fondé, le Institute for Health Improvement, s'est associé au Consumer Reports WebWatch, un organisme américain de défense des consommateurs. Résultat : la publication régulière sur healthratings.org de critiques de sites spécialisés. Par exemple, le géant Yahoo ! et son portail Yahoo Health !, y perdent quelques plumes. On y note la qualité de l'interface et la diversité des sources, mais on déplore l'absence de politique éditoriale et de contrôle de la qualité de l'information. On écorche également au passage l'envahissement des publicités, toujours mises à l'avant-plan, bien avant les articles rigoureux. «Notre but est de faire une vérification indépendante, à l'insu des personnes concernées», indique le Dr Goldschmidt.

Garder un oeil critique

À Santé Canada, on confirme ne pas avoir de lignes directrices ou de programmes de certification en la matière. «Nous pouvons garantir l'information qui se trouve sur notre site, mais dès que nous indiquons un lien externe, il y a une mention qui dit que nous ne pouvons plus garantir l'exactitude des informations», précise un porte-parole, Paul Duchesne. Il note toutefois que le Réseau canadien de la santé offre des conseils aux internautes pour départager les sites fiables des sites douteux.

Au dire de Christian Lamontagne, de passeport-santé.net, il y a un consensus à l'effet qu'on ne puisse pas donner de conseils directement aux individus dans le Web. «Nous ne répondons jamais aux questions personnelles.» Même politique pour servi cevie.com, le portail de Canal Vie. Jadis ouvert aux questions, il a abandonné cette pratique et rappelle explicitement que le but de ce service n'est pas de poser un diagnostic.

Selon M. Lamontagne, la présence de publicités ou non est un bon indicateur de la crédibilité d'une source. Mais tous n'ont pas les moyens de se priver de tels revenus pour des considérations éthiques. Sur doctissimo.fr, une bible d'informations, un article sur la nutrition côtoie sans problème une bannière des cuisines Kraft.

«Le vrai problème, c'est qu'on ne peut pas demander à un site de déterminer lui-même son niveau de crédibilité», explique le Dr Marquis Fortin. Au Québec, chaque site est libre de choisir ses propres critères scientifiques et n'a pas à se conformer à des normes particulières.

Il existe bel et bien un organisme international, Health on Net (HON), pour vérifier la crédibilité d'une ressource donnée. Passeport-santé a notamment reçu la certification de l'organisme suisse. Selon une étude publiée en 2003 par l'Institute for Health Improvement, seulement 16 % de tous les sites examinés se qualifieraient pour recevoir le sceau d'approbation HON. Par ailleurs, l'étude soulève que certains sites affichent la certification HON sans jamais l'avoir reçue.

Pour le Dr Marquis Fortin, il y aura toujours dans Internet ce qu'il appelle «les sites pornos de la médecine», qu'il juge inutiles pour les patients. «Je ne défrise pas du tout devant cette situation, confie le médecin, mais c'est sûr que je dois maintenant adapter mon discours, le ramener à la situation très personnelle du patient.»

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