(San Francisco) L’an dernier, Mark Zuckerberg a déclaré que 2023 serait « l’année de l’efficacité ». Peu après, Meta a licencié un tiers de ses employés. Amazon, Google et Microsoft ont aussi supprimé des dizaines de milliers d’emplois.

Ça n’a pas été la fin du monde pour eux ; au contraire. Après la saignée, leurs actions ont grimpé en flèche. Certaines divisions ont été plus productives. Et ces entreprises – tout comme X, qui a supprimé 80 % de son personnel depuis 14 mois – continuent à fonctionner.

Ça s’est su dans l’industrie, et l’année 2024 amène une nouvelle vague de coupes dans le secteur techno.

Nouveau mot d’ordre : faire plus avec moins

Après le guillotinage en masse de 2023, les géants Amazon, Google et Microsoft coupent les têtes de façon plus ciblée, éliminant certains projets et réorientant leurs ressources vers des produits clés comme l’intelligence artificielle. De petites boîtes technos comme Flexport, Bolt et Brex, menacées d’extinction, ont fait des coupes sombres et leurs PDG prêchent tous la même chose : faire plus avec moins.

« On voit trois types de mises à pied », dissèque Nabeel Hyatt, associé chez Spark Capital, une société de capital-risque du secteur technologique. « Les gros oligopoles technos qui veulent doper croissance et profits ; les PME ayant trop embauché durant le boom ; et les petites boîtes qui essaient juste de survivre. »

Ces nouvelles coupes sont la plus récente correction après des années de croissance mondiale et de taux d’intérêt quasi nuls : les firmes technos ont pu dépenser sans compter pour attirer les meilleurs talents. C’était la pandémie, et de nombreuses sociétés ont embauché des milliers de nouveaux travailleurs pour répondre à la demande numérique.

Depuis deux ans, les PDG du secteur techno ont dû s’adapter. Avec la fin du confinement, la vie a repris, et on utilise moins la technologie par rapport au pire de la pandémie. Plus de 1000 firmes technos ont supprimé au moins 260 000 postes en 2023, selon Layoffs.fyi, qui compile les mises à pied en technologie.

Licencier n’est plus tabou

Jusqu’à récemment, réduire les effectifs dans la Silicon Valley était l’anathème. Dans la culture techno, le statut d’un patron a longtemps été fonction du nombre d’employés sous ses ordres et de sa capacité à contrer les efforts de débauchage de la concurrence. Bien des dirigeants recrutaient les jeunes informaticiens comme si c’était un sport de combat.

Aujourd’hui, licencier n’est plus tabou. Bien des patrons admettent avoir trop embauché durant la pandémie. Les grandes sociétés font des coupes ciblées dans les domaines où elles veulent investir moins et où certaines compétences ne sont plus requises. Les petites entreprises, qui auparavant trouvaient facilement des capitaux, font des coupes pour rester à flot.

En janvier, Layoffs.fyi dénombre 25 000 licenciements dans une centaine d’entreprises technologiques. Microsoft, Google, Apple, Meta et Amazon devraient donner un signal sur l’état de l’industrie avec leurs résultats trimestriels, attendus cette semaine.

Généralement, les vagues de mises à pied arrivent toutes en même temps, note Sheel Mohnot, associé chez le capital-risqueur Better Tomorrow Ventures. « Quand une société du même secteur ou d’un secteur connexe le fait, ça dédouane les autres, dit-il. Ça devient plus facile de dire : “C’est pas nous, c’est tout le secteur”. »

Meta, qui possède Facebook et Instagram, illustre bien la gradation des mises à pied.

En 2023, M. Zuckerberg a éliminé des « gestionnaires de gestionnaires ». Cette année, Meta a été plus précise, visant spécifiquement les « chefs de programmes techniques » chez Instagram, selon deux personnes au fait des décisions. Un chef de programme technique supervise différents projets au sein d’un département et est responsable du respect des échéances – exactement le type de cadre intermédiaire que Zuckerberg voulait éliminer.

Encore des coupes chez Amazon et Google

Amazon a aussi supprimé des centaines d’emplois ce mois-ci chez Prime Video, MGM Studios et Twitch. Google a fait des milliers de mises à pied, notamment chez YouTube et dans la division qui fabrique le téléphone Pixel, les montres Fitbit et le thermostat Nest. Dans une note interne obtenue par le New York Times, le PDG Sundar Pichai annonce d’autres cures minceur « pour simplifier l’exécution et stimuler la vitesse dans certains domaines ».

« Beaucoup de ces changements sont déjà annoncés, mais en toute franchise, il y aura d’autres décisions spécifiques d’allocation de ressources tout au long de l’année, si nécessaire, et certains rôles pourraient être affectés », a écrit M. Pichai.

La vague de consolidation ne ralentira pas de sitôt.

Les firmes ZIRP

Dans le secteur techno, un nouvel acronyme moqueur – ZIRP (Zero Interest Rate Phenomenon) – désigne les petites firmes qui n’auraient jamais obtenu de financement sans les taux d’intérêt bas qui ont rendu tant de capitaux disponibles.

Ces entreprises, incapables d’attirer d’autres capitaux (désormais attirés par les taux d’intérêt plus élevés), font des coupes dans le personnel et se concentrent sur moins de produits.

« Elles ont sûrement tout reviré pour trouver un modèle d’affaires qui marche, a déclaré M. Mohnot. Mais là, c’est l’heure des comptes.

Cet article a été publié dans le New York Times.

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