(Paris) Malgré les préoccupations éthiques suscitées par l’intelligence artificielle (IA), la dimension éthique est quasiment absente des compétences recherchées par les employeurs qui recrutent dans les métiers de l’IA, constate l’OCDE dans un rapport publié lundi.

Sur les postes qui impliquent de « développer et adapter des systèmes d’IA », les employeurs « ne mentionnent que rarement l’éthique » nécessaire à la prise de décision, fait valoir l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Pour arriver à cette conclusion, l’OCDE a testé la présence de mots clés associés à « l’éthique de l’IA », « l’IA digne de confiance », « l’IA responsable » ou « l’IA éthique » dans les offres d’emploi en ligne d’une quinzaine de pays.  

Dans l’écrasante majorité des États étudiés, « moins de 1 % de l’ensemble des offres d’emploi » liées à l’IA contenait en 2022 des mots appartenant au champ lexical de l’éthique.  

La Nouvelle-Zélande est la plus avancée en la matière, mais à peine 1,63 % de ses offres d’emploi liées à l’IA comportaient en 2022 un de ces mots clés. Les postes vacants en lien avec l’IA en France (0,13 %) et en Belgique (0,04 %) mentionnent encore plus rarement la dimension éthique.

Ces chiffres suggèrent qu’« en dépit d’engagements forts des États et d’intentions affirmées par les entreprises spécialisées dans le développement de l’IA, l’éthique n’est pas encore priorisée dans les décisions de recrutement », contrairement aux compétences techniques par exemple, déplore l’OCDE.

« Nous devons nous assurer de développer des systèmes d’IA qui soient bénéfiques sur le plan éthique », a insisté lors d’une conférence de presse Andreas Schleicher, directeur de l’Éducation et des Compétences à l’OCDE.

Le rapport est publié trois jours après la fin d’un sommet mondial sur la sécurité de l’intelligence artificielle.

À cette occasion, la Chine, les États-Unis, l’Union européenne et une vingtaine de pays sont convenus du « besoin urgent de comprendre et gérer collectivement les risques potentiels » de l’IA, de façon « à garantir que l’IA est développée et déployée de manière sûre et responsable ».

Les IA génératives, capables de produire texte, sons ou images sur simple requête en une poignée de secondes, ont fait des progrès exponentiels ces dernières années, ce qui laisse espérer de grands progrès dans la médecine notamment, mais fait aussi craindre une explosion de la désinformation, des pertes massives d’emplois ou encore le vol de propriété intellectuelle.

Malgré les immenses bouleversements promis par l’IA, la demande de compétences liées à cette technologie reste modeste, selon l’OCDE.

« En moyenne », parmi les quatorze pays étudiés, « la proportion des offres d’emploi en ligne requérant des compétences en matière d’IA a progressé de 0,3 % en 2019 à 0,4 % en 2022 ».

« Même si le nombre d’offres d’emploi est très restreint », il n’est question ici que des développeurs de systèmes d’IA et « ces métiers ont une influence énorme », a souligné lundi Andreas Schleicher.

« Ces quelques développeurs structurent nos vies », a-t-il poursuivi, « et chaque emploi est concerné par l’intelligence artificielle », a-t-il poursuivi.

L’OCDE met enfin en exergue des attitudes très diverses face à l’impact attendu de l’IA : « 42 % des adultes » perçoivent ces technologies comme « plutôt utiles », et 35 % comme « plutôt nuisible », selon M. Schleicher, qui s’est appuyé sur une enquête menée en 2021.