Le patron du Grand Prix de Trois-Rivières en a assez de se faire « tirer des roches par les environnementalistes ». Il veut démontrer que la course automobile contribue à la transition énergétique et souhaite attirer l’attention des grandes sociétés pétrolières canadiennes.

« Ce n’est pas parce qu’on organise des courses automobiles qu’on ne fait pas partie de la solution », lance Dominic Fugère.

Le directeur général du Grand Prix de Trois-Rivières (GP3R) cite en exemple le projet sur lequel il travaille depuis cinq ans : une manche du championnat de rallycross électrique Nitro RX qui se déroulera les 20 et 21 janvier à Trois-Rivières.

Il s’agira de la toute première course de rallycross électrique sur glace en Amérique.

L’objectif, dit-il, est de faire un week-end de course 100 % énergie renouvelable. « Les voitures de la principale catégorie rouleront à l’électricité. Il y aura aussi des véhicules côte à côte de BRP qui rouleront avec une essence synthétique renouvelable, et les voitures du championnat canadien de rallye rouleront aussi avec ce carburant », dit-il.

Un banc d’essai

Ce week-end de course sur glace fait partie du programme environnemental intégré « GP3Vert » lancé en 2017.

Ce programme avait notamment été lancé pour tenter de calmer la grogne des environnementalistes envers la course automobile.

Le sport automobile est un bon endroit pour agir comme banc d’essai dans des conditions contrôlées afin de migrer vers la mobilité durable, vers l’électrification, ou à tout le moins vers la décarbonation des transports.

Dominic Fugère, directeur général du GP3R

Il rappelle qu’à ses débuts, il y a 150 ans, la course automobile était un banc d’essai de performance pour voir qui était le plus rapide. « C’est encore le cas, mais dans les années 1970 et 1980, c’est devenu un banc d’essai de sécurité et c’est là que les freins antiblocages, l’antipatinage et les ceintures de sécurité ont été développés et améliorés. Tout ça vient du sport automobile. »

Par la suite, précise-t-il, ce fut un banc d’essai pour la consommation et l’efficacité. Il cite en exemple les moteurs à injection électronique. « Aujourd’hui, nous voulons positionner la course automobile pour la mobilité durable. Oui, l’électrification des transports, mais aussi l’utilisation de carburants alternatifs carboneutres. »

PHOTO FOURNIE PAR LE GP3R

Dominic Fugère, directeur général du GP3R

Il soutient que l’essence synthétique sans pétrole permet de réduire de 90 % l’empreinte de la course. « On est capable de prendre une mécanique conçue en 1958 et lui permettre d’avoir sa place dans la transition énergétique. »

Dominic Fugère souligne que des entreprises canadiennes comme Carbon Engineering et Huron Energy, notamment, développent des technologies en ce sens et il souhaite leur donner un endroit pour tester leurs concepts et montrer que la mobilité durable peut être « excitante ».

« Notre programme GP3Vert est vraiment intégré, car on n’utilise pratiquement aucun diesel pétrolier pour le montage de notre site. Les activités en piste sont responsables de 7 % de nos émissions de carbone. Il faut donc regarder ailleurs. Il faut améliorer le transport. On fait venir le matériel et les voitures d’Europe par bateau, car c’est moins néfaste pour l’environnement que par avion. On entend aussi utiliser du gaz naturel renouvelable plutôt que du gaz propane pour chauffer les bâtiments et les tentes qui serviront de paddocks », explique-t-il.

On veut aider les gens à comprendre la transition énergétique. Et surtout rejoindre un public qui n’est pas toujours réceptif aux idées un peu plus progressistes en matière d’environnement.

Dominic Fugère, directeur général du GP3R

Au-delà de 60 % des amateurs de course qui assistent au Grand Prix de Trois-Rivières sont des cols bleus, selon Dominic Fugère. « Il y a beaucoup de gars de moteurs. Ils font du motocross, du bateau et du quatre-roues la fin de semaine. Pour eux, ça fait moins partie de leur quotidien que par les gens urbains de Montréal. On peut donc leur montrer qu’il est possible de faire une différence en réduisant notre impact sur la planète. »

Dominic Fugère ne veut plus entendre que les courses qu’il organise sont une « activité d’un autre siècle ».

« On diminue nos émissions pendant nos activités et on sert de banc d’essai. Ça peut réduire les barrières à l’entrée quand, par exemple, un carburant alternatif sera développé pour un usage à plus grande échelle. »

La prochaine étape, à ses yeux, est de trouver un partenaire qui veut utiliser les courses comme banc d’essai et de visibilité.

« Les sources d’énergie alternative au pétrole ne sont pas uniquement liées à l’électricité. Voyons voir comment les grandes pétrolières pourraient se servir de nos courses pour ouvrir de nouvelles possibilités et avoir une longueur d’avance. »

À propos du carburant de course

Dominic Fugère explique que le carburant de course qui sera utilisé en janvier à Trois-Rivières est fait de carbone capturé dans l’atmosphère « adjuvé » avec de l’hydrogène vert provenant de l’hydroélectricité. « Pour s’assurer de la stabilité, on ajoute des alcools comme de l’éthanol fabriqué à partir de résidus agricoles et alimentaires. » Il ajoute que le carburant qui sera utilisé a été développé en collaboration avec le géant pétrolier Aramco. « Les pétrolières étaient à la COP27 en raison de leur expertise en capture de carbone », souligne Dominic Fugère. Ce n’est pas demain que le carburant alternatif qui sera utilisé durant les courses en janvier sera accessible à monsieur Tout-le-Monde. « Ce carburant nous coûte environ 10 $ le litre pour rouler en piste, mais on est capable de voir comment il réagit dans un moteur et de le placer dans des conditions extrêmes. Lorsque les compagnies augmenteront sa production, le prix va descendre. C’est ça, le pari », dit-il.