(Paris) Les compagnies aériennes américaines s’inquiètent d’un potentiel « chaos » provoqué par le déploiement de la 5G aux États-Unis, une crainte qui tient aux risques d’interférence entre les fréquences utilisées par cette technologie de l’internet mobile et des instruments de bord essentiels à l’atterrissage des avions.

En quoi la 5G est-elle susceptible de poser un risque pour l’aviation ?

Les fréquences utilisées par la 5G sont proches de celles utilisées par les radio-altimètres des avions. Les opérateurs téléphoniques américains se sont vu attribuer la bande de fréquences allant de 3,7 à 3,98 gigahertz (GHz) pour les besoins de la 5G, un droit qu’ils ont payé plusieurs dizaines de milliards de dollars.

Le secteur aérien redoute que cela ne brouille les données des radioaltimètres, un radar qui mesure la distance séparant l’avion du sol, essentiel aux instruments de nuit notamment pour atterrir ou en cas de mauvaise visibilité. Ces derniers fonctionnent dans le spectre des 4,2 à 4,4 GHz.

S’il n’y a donc pas de risque d’interférence directe entre les fréquences, la puissance d’émission des antennes 5G ou une partie des émissions dirigée vers le haut pourrait poser problème à certains altimètres, susceptibles d’être brouillés par ces fréquences proches.

Qu’ont décidé les autorités américaines ?

Airbus et Boeing avaient alerté les autorités américaines en décembre sur ces « interférences potentielles », l’agence américaine de l’aviation (FAA) ayant obtenu de repousser le lancement de la 5G au 19 janvier le temps de s’assurer de la parfaite sécurité du système.

« S’il y a un risque potentiel pour les passagers aériens, nous sommes obligés de restreindre l’activité de vol concernée jusqu’à ce que nous puissions prouver qu’elle est sûre », affirme-t-elle.

La FAA a validé l’utilisation de deux modèles radioaltimètres et donné son aval pour 48 des 88 aéroports américains les plus directement affectés par les risques d’interférences 5G.

Le risque est-il propre aux États-Unis ?

« Ce n’est pas un sujet mondial ou européen, c’est vraiment un sujet spécifique sur l’utilisation de la 5G et sa mise en œuvre aux États-Unis en termes de bandes de fréquences et de puissance », a assuré le patron d’Airbus Guillaume Faury début janvier.

En Europe, la bande-cœur de fréquences pour la 5G a été délimitée entre 3,4 et 3,8 GHz, des fréquences moins proches de celles des radioaltimètres qu’outre-Atlantique.

En Corée du Sud, pays très en pointe dans le déploiement de cette technologie mobile, les fréquences 5G ne vont pas au-delà de 3,7 GHz. Le Japon, qui permet à ses opérateurs d’aller jusqu’à 4,1 GHz, ne prévoit « aucune mesure d’atténuation au-dessous de 4 GHz-c’est-à-dire aucune restriction dans le spectre où se dérouleront les opérations 5G aux États-Unis-, et il n’y a pas eu de déclarations d’interférences », plaide le CTIA, l’organisme regroupant les acteurs de la téléphonie mobile américains.

Quelles mesures pour limiter les risques ?

Zones de protection, orientation des antennes et puissance d’émission : la France s’est saisie dès la fin 2020 des risques d’interférence.

« Des zones de protection ont été mises en place autour de 17 grands aéroports français appliquant des procédures d’atterrissage de précision par tous les temps afin de limiter la puissance d’émission des antennes 5G à proximité immédiate de ces aéroports », selon la Direction générale de l’aviation civile (DGAC).

« Nous sommes dans un cadre normal d’atténuation et de prévention des risques », en lien avec l’Agence européenne de sécurité aérienne (EASA), confie-t-on de même source.

Les opérateurs 5G doivent limiter la puissance des émissions et ne peuvent orienter leurs faisceaux vers le haut dans des « zones de sécurité et de précaution » s’étendant sur plusieurs kilomètres à chaque extrémité de la piste, selon l’Agence nationale des fréquences (ANFR).

De fait, les zones de précaution mises en place autour des aéroports américains concernent seulement les 20 dernières secondes du vol de l’avion, contre 96 secondes en France, constate la FAA américaine. Les opérateurs n’y ont pas d’obligation d’incliner leurs antennes 5G vers le bas comme en France et la puissance d’émission est plus forte.

« Aux États-Unis, les niveaux de puissance réduits temporairement tels qu’ils sont prévus à travers le pays resteront 2,5 fois plus élevés qu’en France », admet le régulateur américain de l’aérien.