(San Francisco) Le réseau social audio Clubhouse a été propulsé par les confinements de 2020, mais la plateforme a mis toutes les chances de son côté pour s’imposer dans l’économie de l’attention, au-delà de l’effet de mode, en lançant un nouvel usage.

« Au printemps dernier, j’étais très actif sur Clubhouse. Et puis j’étais très occupé par ailleurs, ce n’était plus une priorité. Mais là, à nouveau, il s’y passe des choses que je ne peux pas manquer », raconte à l’AFP Sheel Mohnot, un investisseur californien suivi par plus d’un million de personnes sur l’application.

Le réseau de conversations en direct, disponible uniquement sur iOS (Apple) et sur invitation – pour l’instant – joue à fond sur le FOMO (« fear of missing out » ou « la peur de manquer quelque chose »).

Mais ce n’est pas le seul ingrédient du succès de Clubhouse, lancé confidentiellement en mars dans la Silicon Valley et désormais fréquenté par quelque 2 millions de personnes dans le monde toutes les semaines.

Aller sur Clubhouse, c’est la possibilité de promener son chien ou de faire la cuisine en écoutant des conversations sur le financement des start-up ou l’éducation, ou encore des jeux de culture générale.

Mais contrairement aux podcasts, tout se passe en direct, et il est possible de participer, sous réserve d’y être invité par les modérateurs.

Stars et élites

Sauf quand la discussion se transforme en évènement avec des invités de marque, comme le comédien Kevin Hart au printemps dernier, et surtout, plus récemment, des interviews de Mark Zuckerberg, le créateur et patron de Facebook et aussi d’Elon Musk, le fondateur de Tesla et SpaceX.

Pour ce dernier, la capacité maximum de 5000 personnes ayant été atteinte, des « pièces » secondaires ont été ouvertes.  

« J’ai suivi sur YouTube, où quelqu’un retransmettait », relate Bobby Thakkar, un consultant chez Ampersand Ventures qui a adopté Clubhouse dès ses débuts. Il y passait alors facilement 25 heures par semaine, à la faveur des restrictions de déplacement liées à la pandémie.

« Tout le monde se connaissait », se souvient-il. Aujourd’hui, il préfère les salons restreints, celui de son cercle d’amis ou ceux liés à son travail.  

En tant qu’intervenant régulier, Sheel Mohnot apprécie le changement d’échelle : « C’est comme quand vous préparez un podcast, c’est plus excitant de s’adresser à un grand nombre de personnes ».

Au printemps dernier, l’homme d’affaires a pris part à toutes sortes d’expériences, y compris une rencontre amoureuse dans un salon de Clubhouse, avec des participants qui observaient le rituel. Il anime désormais deux émissions hebdomadaires, une sur les fintech et une sur la culture indienne-américaine.

À ses débuts, Clubhouse s’est vu reprocher d’être un club élitiste fermé.  

Mais les premières communautés qui s’y sont formées autour des investisseurs californiens, dont l’Afro-Américain Chris Lyons (suivi par 1,8 million de personnes), continuent de jouer un rôle majeur dans son attrait : il faut « en être ».

L’ère de l’audio

« L’année 2020 a été traumatisante pour les États-Unis », souligne David Bchiri, directeur aux États-Unis du cabinet de conseil Fabernovel, en référence à la pandémie et à la vague de colère contre le racisme institutionnalisé.

« Clubhouse est tombé à pic comme plateforme où les gens pouvaient amener leur réflexion et leurs émotions ».  

La plateforme fait désormais face aux défis des réseaux, de la monétisation à la rémunération des créateurs, et surtout l’épineuse modération des contenus.

« Nous voulons maintenant ouvrir Clubhouse au monde entier », ont déclaré les fondateurs Paul Davison et Rohan Seth fin janvier.

En Chine, l’aventure a duré une semaine, avant que Pékin ne bloque l’application. Mais ailleurs, elle est en plein essor.

Soutenue par plus de 180 investisseurs après une nouvelle collecte de fonds, Clubhouse vaudrait environ un milliard de dollars, selon The Information.

« Le dernier tour de table met une sorte de barrière à l’entrée contre un éventuel rachat », note David Bchiri, qui y voit un effort des investisseurs, menés par le cabinet de capital risque Andreessen Horowitz, « pour éviter qu’un des géants de la tech ne leur mette la main dessus ».

Signe que le nouvel usage fait des émules, Twitter teste les « Spaces » – des salons audio où 10 personnes peuvent s’exprimer et s’adresser à un nombre infini de personnes. La rumeur enfle autour d’un produit similaire chez Facebook.

« On est rentrés dans l’ère de l’audio », constate David Bchiri. Il estime que « nos petits enfants ne connaîtront pas les claviers. Ils n’auront plus besoin d’interagir avec les machines de cette façon, tout se fera avec des commandes vocales ou directement par la pensée ».