(New York) La plateforme OnlyFans a finalement renoncé mercredi à bannir les contenus sexuellement explicites qui ont largement contribué à sa popularité, assurant avoir le soutien de banques et opérateurs de paiements, qui menaçaient de couper les ponts.  

Le fondateur et directeur général du site, Tim Stokely, avait lié cette décision initiale à la menace de grandes banques de mettre un terme à leurs relations avec OnlyFans, par crainte de voir leur réputation entachée.

« Nous avons réuni les garanties nécessaires pour soutenir notre communauté diverse de créateurs et avons suspendu le changement de réglementation prévu pour le 1er octobre », a tweeté OnlyFans.

« OnlyFans fait front pour l’inclusion et nous continuerons à offrir un hébergement à tous les créateurs », a poursuivi la plateforme.

Sollicitée par l’AFP, elle a indiqué avoir reçu l’assurance de « banques partenaires » qu’OnlyFans « peut soutenir tous types de créateurs ».

Dans une interview au Financial Times publiée mardi, Tim Stokely avait notamment accusé la banque américaine BNY Mellon d’avoir refusé d’effectuer des virements de comptes d’utilisateurs à ceux de créateurs.

« Nous n’avions pas le choix », avait-il alors dit de la décision de bannir « tout contenu sexuellement explicite » mais pas la nudité. Sollicité par l’AFP, BNY Mellon s’est refusé à tout commentaire.

Selon le fondateur, la banque britannique Metro Bank avait clôturé le compte de l’entreprise OnlyFans en 2019. Contacté par l’AFP, l’établissement n’a pas souhaité réagir.

Fondé en 2016 au Royaume-Uni, OnlyFans a décollé à la faveur de la pandémie de coronavirus, qui a maintenu chez eux des centaines de millions d’internautes.

La plateforme revendique aujourd’hui plus de 150 millions d’utilisateurs, un chiffre multiplié par plus de 15 en deux ans seulement.

OnlyFans dit compter plus de 1,5 million de créateurs de contenu, auxquels le site dit reverser plus de 5 milliards de dollars par an.

Sur le site, les « fans » peuvent payer pour s’abonner aux profils qui les intéressent et avoir ainsi accès à des contenus mis à jour selon différentes périodicités.

« Pas dignes de confiance »

Depuis plusieurs mois, OnlyFans cherche à faire évoluer son image afin de la rendre plus respectable. Aujourd’hui, les contenus mis en avant sur la plateforme n’ont rien de sexuel ni d’érotique, la plateforme mettant l’accent sur les vidéos de recettes de cuisine, de fitness ou de conseils santé.

Pour autant, OnlyFans s’est imposé depuis plusieurs années comme une destination majeure pour les créateurs de contenu érotique ou pornographique payant, qui brassent des centaines de millions de dollars.

Nombre d’entre eux ont critiqué l’annonce d’OnlyFans, certains soulignant que la plateforme ne parlait que de suspension du changement initialement prévenu, pas d’annulation.

« OnlyFans a déjà montré qu’ils étaient prêts à se débarrasser des travailleurs du sexe s’ils pensaient que cela se justifiait financièrement », a réagi auprès de l’AFP Lydia Caradonna, qui se définit comme travailleuse du sexe et activiste.

« Je ne serai pas à l’aise tant qu’ils ne donneront pas des garanties aux (créateurs de contenu à caractère sexuel) qu’ils sont à l’abri sur la plateforme », a-t-elle ajouté, « et je ne pense pas qu’ils en soient capables, car les sociétés de paiement leur mettent la pression. »

L’an dernier, Visa et Mastercard avaient suspendu temporairement les transactions financières sur des sites du géant du porno en ligne MindGeek, après publication d’informations selon lesquelles s’y trouvaient des vidéos de « revenge porn » (mise en ligne de scènes de sexe pour se venger d’un ancien partenaire).

En avril, Mastercard a annoncé le renforcement des obligations auxquelles doivent satisfaire les plateformes de contenu pornographique pour accéder à ses services. À compter d’octobre, elles devront notamment pouvoir vérifier l’identité et l’âge des créateurs qui mettent du contenu en ligne sur leurs sites.

Début décembre, dans un exposé accablant, le journaliste du New York Times Nicholas Kristof avait montré que Pornhub (qui appartient à MindGeek) laissait proférer sur sa plateforme des vidéos de viol, notamment de mineurs, qui étaient monétisées par leurs créateurs.

OnlyFans nécessite de s’enregistrer et de fournir une identité précise pour pouvoir poster du contenu.

De plus en plus d’utilisateurs et d’observateurs suggèrent à OnlyFans et aux plateformes qui mettent en ligne du contenu érotique ou pornographique d’accepter les cryptomonnaies, ce qui leur permettrait d’échapper au contrôle des établissements financiers traditionnels.

Lydia Caradonna émet des doutes sur cette solution, soulignant que beaucoup des utilisateurs prêts à payer pour du contenu pornographique sont des « hommes mûrs », « qui ne sont pas forcément très au point sur le plan technologique ».