Il s’agit de la première expérience « réellement 5G » offerte au grand public canadien. Pour 13 matchs du Canadien de Montréal, depuis le 19 mars jusqu’au 7 mai, RDS offre aux propriétaires de téléphones 5G une façon totalement interactive et futuriste de se promener sur la patinoire grâce à 80 caméras.

La Presse en a fait l’expérience. Les possibilités amusantes indéniables sont considérablement ternies par une consommation monstrueuse de données cellulaires et de nombreux bogues.

D’entrée de jeu, il faut être équipé d’un téléphone compatible 5G sur le réseau de Bell, propriétaire de RDS, et trouver un secteur où la 5G est offerte. Nous avons choisi un secteur du quartier Villeray à Montréal, mardi soir dernier, où nous l’avons trouvée, et obtenu une belle vitesse de 378 Mb/s, trois fois plus rapide que la 4G.

Premiers contacts

Dans l’application mobile Vision 5G RDS, on a en mortaise en bas à droite l’image « normale », celle que tous les téléspectateurs voient. Sur le reste de l’écran du téléphone, on choisit d’abord trois angles déjà sélectionnés : derrière chaque gardien ou vue fixe sur le centre de la patinoire.

C’est la partie amusante de l’expérience, et l’application répond plutôt rondement à ces trois possibilités. On continue de voir la patinoire même pendant les publicités et les entractes. « Ce sont 300 ingénieurs de Bell qui ont bâti ça, ça fait des mois qu’on le teste, explique en entrevue Nicholas Payant, vice-président, connectivité et infrastructures chez Bell. Avec la 5G, on parle de la latence réduite et de la bande passante augmentée : c’est ça qu’on met à l’œuvre. »

809 Mo en 15 min

En faisant glisser son doigt sur l’écran, on peut déplacer la caméra partout sur la patinoire. Avec deux doigts, on peut « pincer » l’écran pour zoomer, glisser de haut en bas pour reculer ou avancer l’image. Cette fois, l’expérience est bien moins fluide et les images sont plutôt saccadées et pixélisées.

Après quelques essais, on veut revenir à l’image plus classique, avec des prises de vue choisies par un professionnel.

La plus mauvaise surprise, nous l’avons eue après à peine une quinzaine de minutes, quand nous avons reçu un texto de Bell nous prévenant que nous avions dépassé notre forfait de données et que les frais excédentaires avaient atteint 50 $, le maximum permis par le CRTC. Finies les données cellulaires.

En fait, notre téléphone avait consommé 809 Mo en une quinzaine de minutes, et un imbroglio technique avec Bell nous empêchait d’avoir plus de données. Soyez prévenu : la rediffusion d’un match pendant 2 h 30 min vous bouffera théoriquement entre 8 et 11 Go de données, selon la vitesse de la 5G dans votre secteur.

M. Payant ne se défile pas, la 5G est très gourmande. « Il faut que tu aies un forfait de données adapté à tes besoins. Ici, ça te donne une idée des possibilités de la technologie. Ça se peut que tu veuilles faire cette expérience uniquement pour certaines parties. »

WiFi médiocre

Et pas question de l’offrir en LTE, précise-t-il, qui serait incapable d’avoir la latence adéquate et une bande passante suffisante pour les 80 caméras.

Mais même si cette expérience est classée « vraie 5G », Bell permet d’y avoir accès avec l’internet résidentiel, sur un téléphone compatible. Après la terminaison de nos données cellulaires, nous avons donc poursuivi le test sur un réseau internet résidentiel, pas celui de Bell, à une vitesse respectable de 120 Mb/s avec un routeur ultrarapide conçu pour le jeu vidéo.

L’application RDS prévient à ce moment-là qu’il faut disposer d’une vitesse d’au moins 50 Mb/s et se brancher à une fréquence 5 GHz du routeur. Nous remplissions ces deux conditions.

Sur le WiFi résidentiel, toutefois, plus question d’utiliser les fonctions 5G amusantes. Toutes nos tentatives pour tourner la caméra, zoomer ou reculer ont donné un résultat médiocre, encore plus saccadé et pixélisé que sur le réseau cellulaire.

Trop gourmande avec la 5G, inutilisable avec l’internet résidentiel… L’expérience Vision 5G RDS est-elle recommandable ? Peut-être comme divertissement ponctuel, mais sûrement pas pour une utilisation régulière en 2021, avec des forfaits de données inadaptés. Manifestement, Bell veut surtout en faire une vitrine exposant dès maintenant les possibilités de la 5G. « On tient parole : on a dit qu’on offrirait de vraies expériences 5G, on a bâti quelque chose qui n’existait pas », dit M. Payant.