(Ottawa) Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a déclaré mardi que les Canadiens ne sauront vraisemblablement pas avant le scrutin d’octobre si Huawei pourra participer au réseau sans fil 5G de prochaine génération.

Le Canada a besoin de plus d’informations des États-Unis sur la nature exacte de la menace potentielle à la sécurité que poserait le géant chinois de la technologie, a indiqué M. Goodale à La Presse canadienne, mardi. Or, compte tenu du temps qui reste avant le déclenchement de la campagne, au début du mois de septembre, le ministre a soutenu qu’il était peu probable que cette décision soit prise d’ici là.

M. Goodale était à Londres mardi pour une importante rencontre de l’alliance « Five Eyes », qui réunit le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande pour le partage de renseignement.

La réunion a commencé par des divisions sur l’opportunité de laisser Huawei fournir de l’équipement pour le système 5G. Les États-Unis et l’Australie ont interdit tout recours à Huawei, considérée comme un organe du renseignement militaire chinois — une accusation réfutée par l'entreprise chinoise.

De son côté, M. Goodale a rappelé que le Canada poursuivrait son analyse rigoureuse afin de choisir l’entreprise la mieux adaptée pour fournir les équipements de la nouvelle technologie 5G au pays. Le ministre a déclaré en entrevue téléphonique que ses homologues américain et australien l’avaient questionné sur le choix éventuel d’Ottawa, en soulignant que des élections se profilaient à l’horizon.

La décision finale du gouvernement fédéral est aussi liée à un conflit politique plus large avec la Chine : la République populaire a emprisonné deux Canadiens à la suite de l’arrestation à Vancouver de Meng Wanzhou, cadre supérieure de Huawei, en vertu d’un mandat d’extradition américain.

Clarifier la menace

Le chef conservateur, Andrew Scheer, a réitéré mardi son point de vue selon lequel Huawei devrait être exclue du nouveau réseau 5G au Canada. Mais il a ajouté que si les libéraux pensaient le contraire, ils devraient prendre leur décision maintenant et être prêts à la défendre pendant la campagne électorale. « S’ils pensent que c’est une bonne chose d’avoir la participation de Huawei dans un élément de notre télécommunication très, très sensible, pourquoi ne pas faire l’annonce aujourd’hui et la défendre pendant la campagne électorale ? », a-t-il dit en point de presse à Ottawa.

M. Goodale a soutenu que le Canada, à l’instar du Royaume-Uni, cherchait « à clarifier » la nature spécifique de la menace à la sécurité invoquée par Washington. Il a ainsi laissé entendre que les préoccupations américaines pourraient en fait être davantage liées à la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine.

« De hauts responsables américains ont fait remarquer à l’occasion que cela pourrait être résolu dans le contexte des négociations commerciales », a déclaré M. Goodale. « Donc, ma demande aux États-Unis, encore une fois, c’est de connaître clairement leur position. » En attendant, « nous avons conclu qu’il serait erroné de prendre des décisions spécifiques concernant Huawei », a dit le ministre.

Les membres de l’alliance « Five Eyes » ont également réaffirmé mardi leur volonté de protéger les enfants des prédateurs sexuels en ligne, en accordant plus d’attention que jamais à ce dossier, a déclaré M. Goodale.

La réunion était présidée par la nouvelle ministre britannique de l’Intérieur, Priti Patel, qui a été nommée à ce poste la semaine dernière, lorsque Boris Johnson est devenu premier ministre du Royaume-Uni.