Les producteurs hollywoodiens aiment bien tourner au Québec, mais ils commencent à y être à l’étroit. Pour répondre à la demande d’Hollywood, le Québec devrait doubler sa capacité de tournage d’ici quelques années en construisant de nouveaux studios, estime le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec.

Selon nos informations, des investisseurs québécois comme étrangers étudient actuellement la possibilité d’ouvrir de nouveaux studios de tournage dans la région de Montréal. Les studios MELS (Groupe TVA) et Grandé Studios pourraient aussi être tentés d’agrandir leurs installations.

Selon le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ), les studios actuels ne suffisent plus à répondre à la demande en provenance d’Hollywood. Pour profiter pleinement de la hausse des productions destinées aux plateformes numériques, le Québec devrait plutôt passer de 447 000 à 800 000 pieds carrés d’espace de tournage.

Il faut minimalement doubler notre capacité pour redevenir un acteur intéressant.

Pierre Moreau, PDG du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec

Pour ajouter 400 000 pieds carrés d’espace de tournage (ainsi que 800 000 pieds carrés en ateliers et entrepôts), il en coûterait à des investisseurs environ 382 millions de dollars (dont 100 millions en équipements), selon un rapport de la firme RCGT commandé par le ministère de l’Économie du Québec et le BCTQ.

Un « potentiel incroyable », dit le ministre Fitzgibbon

Le gouvernement Legault aimerait voir le Québec augmenter sa capacité d’accueillir des tournages étrangers. « Il y a un potentiel incroyable au Québec. Quand j’ai parlé à des producteurs étrangers, ils m’ont mentionné qu’ils avaient plus d’intérêt à venir au Québec, mais il manque de capacité [de tournage]. Nous avons deux solides acteurs [MELS et Grandé]. Pourquoi ne pas bonifier cette offre d’infrastructures ? Différentes discussions ont lieu présentement », a dit le ministre de l’Économie du Québec, Pierre Fitzgibbon, en entrevue avec La Presse.

En doublant sa capacité d’accueil, le Québec ferait passer ses dépenses en tournages étrangers de 400 millions à 800 millions par année. Le BCTQ est convaincu de pouvoir « vendre » pour 800 millions par année de tournages étrangers si on construit assez de nouveaux studios.

Le BCTQ et le ministère de l’Économie du Québec ont reçu récemment un rapport de la firme RCGT sur la situation des studios de tournage en Amérique du Nord. Conclusion : les studios à Los Angeles et à New York fonctionnent déjà au maximum de leur capacité, si bien que les villes concurrentes comme Toronto, Vancouver et Atlanta n’hésitent pas à construire de nouveaux studios.

De 2019 à 2021, Toronto passera de 2,6 millions à 4,6 millions de pieds carrés, et Vancouver, de 2,5 millions à 3,1 millions de pieds carrés. Montréal a une capacité d’accueil beaucoup plus modeste de 447 000 pieds carrés, soit 227 000 pieds carrés dans les studios MELS (Groupe TVA) et 220 000 pieds carrés dans les studios Grandé, inaugurés en 2016.

Une série de 100 millions refusée à cause du manque de studios

L’automne dernier, le studio Warner avait choisi de tourner une série télé de 100 millions à Montréal. Sauf que le projet est tombé à l’eau. La raison : il n’y avait pas d’espace disponible pour tourner (deux films à grand déploiement étaient déjà en ville). La série a finalement été tournée à Toronto. « Ils avaient besoin de 80 000 pieds carrés, et on ne les avait pas, dit Pierre Moreau, du BCTQ. Depuis deux ans, on refuse des projets parce qu’on n’a pas de place. »

En 2021, le BCTQ pense dépasser pour la première fois la marque de 400 millions de dollars en tournages étrangers au Québec. Le record québécois : 399 millions en 2002-2003.

À moyen terme, sans nouveaux studios, le BCTQ ne voit pas comment le Québec pourrait accueillir plus de 425 millions par an – un chiffre très loin du volume de tournages étrangers à Toronto et à Vancouver. « On aura laissé passer la parade », dit le PDG du BCTQ.

« Netflix, Amazon, Disney produisent à grande échelle et le volume de production augmente. La question est de savoir comment on peut se positionner pour avoir une plus grande part de ces tournages », dit Stéphane Paquet, PDG de Montréal International, l’agence de promotion économique de la métropole.

Le rapport de la firme RCGT vise 16 terrains à Montréal, à Laval et sur la Rive-Sud pouvant accueillir de nouveaux studios (critère important : être situé à moins de 35 minutes de voiture du centre-ville et de l’aéroport). Trois terrains particulièrement intéressants sont situés sur le bord du canal de Lachine, à LaSalle et à Lachine, et dans le Technoparc près de l’aéroport. Cinq terrains dans l’ouest de Laval sont aussi bien situés. Il faut généralement entre 12 et 15 mois pour construire un studio.