À peine 16 mois après des modifications à la Loi sur le courtage immobilier du Québec pour interdire à un même courtier de représenter à la fois l’acheteur et le vendeur dans une transaction, les règles changeront à nouveau. Des courtiers avaient trouvé une façon de contourner cette interdiction.

Pour contourner la loi, des courtiers immobiliers utilisent actuellement une stratégie d’équipe.

Lors des visites libres d’une propriété vendue par un courtier de son équipe, un courtier attend de futurs acheteurs avec sa carte pour les représenter dans la transaction.

Le courtier des vendeurs et son collègue représentant les acheteurs ont, chacun, des informations personnelles au sujet de leurs clients qui sont cruciales pour la transaction. Que ce soit la situation difficile d’un couple en instance de divorce pressé de vendre, d’une personne en situation de faillite ou le prix plancher que souhaite obtenir un propriétaire.

« Un courtier ne peut pas dire qu’il va être capable de faire abstraction des informations qu’il sait au sujet d’un client et changer de camp quand ça lui chante », affirme en entrevue avec La Presse Caroline Champagne, vice-présidente encadrement à l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).

« Tu ne peux plus être dans une situation où tu représentes l’autre partie, parce que tu ne peux plus être loyal à son égard, tu n’es plus dans une situation où tu protèges ton client », insiste-t-elle.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Conférence de l’OACIQ au Centre Mont-Royal

L’autre stratégie d’équipe est de mettre sur une pancarte à vendre non pas le numéro de téléphone du courtier qui vend la propriété, mais celui d’un collègue qui pourra récupérer les acheteurs qui appellent pour la visiter.

Ces pratiques, maintes fois dénoncées par les consommateurs, mais aussi par les courtiers, sont si répandues que l’OACIQ n’a pas eu le choix d’intervenir.

À partir du 9 novembre 2023, une nouvelle mesure administrative sera obligatoire pour tous les courtiers immobiliers du Québec. Ce changement a été annoncé jeudi lors de l’évènement annuel de l’OACIQ, où étaient réunis plus de mille courtiers immobiliers.

En donnant des balises claires quant aux équipes, ça va les obliger à respecter leurs obligations d’interdiction de double représentation, de protéger les intérêts du client et d’éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts.

Caroline Champagne, vice-présidente encadrement à l’OACIQ

La vice-présidente précise que la Colombie-Britannique a déjà ce type de réglementation.

Qu’ils soient trois, cinq ou vingt membres dans une équipe, tous les courtiers porteront le même chapeau lors d’une transaction : tous les membres de l’équipe devront représenter les vendeurs ou les acheteurs.

Lorsque la rémunération de l’équipe est mise en commun, les courtiers n’ont pas intérêt à ce qu’un acheteur vienne d’une autre agence immobilière ou même d’une autre équipe de la même enseigne. Vient alors une série de doutes dans l’esprit d’un consommateur : « Ai-je eu la meilleure visibilité pour ma maison et le meilleur prix ? Ai-je eu accès à toutes les propriétés à vendre qui répondent à mes besoins ? »

Vous êtes un acheteur et avez l’œil sur une propriété vendue par un membre de l’équipe de votre courtier ? Il doit mettre un terme au contrat, explique Caroline Champagne, et vous pourrez en trouver un autre qui vous donnera des conseils et négociera à votre place.

L’OACIQ invite aussi les courtiers à plus de transparence lorsqu’il y a une vedette au sein d’une équipe. Parfois, cette vedette rencontre les clients lors de la signature du contrat, mais disparaît pour la suite du processus. Les attentes des clients et des courtiers doivent être clarifiées dès le départ.

L’OACIQ obligera les courtiers à inscrire officiellement tous les membres d’une équipe, à avoir des contrats d’équipe et à faire en sorte que toute publicité d’équipe soit claire pour le consommateur.

Les courtiers immobiliers qui contreviennent à la loi s’exposent à des amendes allant de 2000 $ à 50 000 $, à une suspension de permis ou à une obligation de formation.