Avec le marché immobilier qui s’est brusquement renversé en septembre, le travail des courtiers immobiliers se complique et les étudiants en courtage devront peut-être repousser leur rêve à plus tard.

Après deux années fastes durant lesquelles les acheteurs ont fait l’acquisition de propriétés presque les yeux fermés, les courtiers devront maintenant affiner leurs compétences, croient les porte-parole de Royal LePage et de RE∕MAX.

« Je ne veux pas minimiser le travail d’un courtier, mais on gérait des encans, essentiellement », affirme en entrevue Marc Lefrançois, courtier immobilier agréé chez Royal LePage Tendance.

« Maintenant, on n’a plus ce loisir-là, poursuit-il. On ne peut plus pricer [établir le prix] une maison un peu n’importe comment. Des fois, les courtiers les mettaient trop chères et ça marchait pareil. »

« Avant, quelqu’un prenait un contrat de courtage et c’était quasiment de l’argent en banque, c’était sûr que ça allait se vendre avec le marché qui progressait », renchérit Georges Bardagi, dirigeant d’Équipe Bardagi et président de RE/MAX du Cartier G. B.

Au cours des deux dernières années, les acheteurs n’avaient pas le temps de réfléchir avant de faire des offres d’achat. La pression était à son comble, ils achetaient sans condition, souvent après une visite de cinq minutes. Or, la joute a changé. Un vendeur qui attend son acheteur plusieurs mois n’a plus le gros bout du bâton, et les courtiers inscripteurs devront se retrousser les manches.

Négocier avec une personne qui a pris tout son temps pour vous présenter son offre, ce n’est pas une dynamique qui est très intéressante pour un vendeur.

Marc Lefrançois, courtier immobilier agréé chez Royal LePage Tendance

C’est pourquoi les courtiers doivent dorénavant savoir comment établir la bonne valeur marchande, qui revêt une importance déterminante dans le processus de vente, tout comme la mise en marché et les qualités de communication avec les vendeurs. « Les nouveaux venus vont devoir développer de nouvelles compétences, surtout quand la maison ne se vend pas assez vite au prix établi », précise Georges Bardagi, qui explique que les nouveaux venus n’ont pas appris à gérer les conversations difficiles avec les vendeurs dont la maison ne se vend pas ou dont la valeur est revue à la baisse.

À ses débuts, dans les années 1990, dans un marché baissier, il était systématiquement le porteur de mauvaises nouvelles. « Pendant cinq ans, j’allais voir les clients en leur disant : vous avez perdu 30 000 $, ce n’est pas pire que le voisin qui a perdu 50 000 $. »

La ruée vers l’or en béton

Voyant un Klondike dans l’immobilier, plusieurs se sont rués sur le métier. À preuve, les demandes de délivrance de permis ont augmenté. Elles sont passées de 1805 en 2020 à 2197 en 2021. Le nombre de courtiers immobiliers a bondi de 14 772 (en 2020) à 16 682 (en 2022), selon les données fournies par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).

Si on demande aux courtiers, ils vont dire qu’il y a de la pénurie de personnel dans tout sauf pour les courtiers, il y en a toujours trop.

Georges Bardagi, dirigeant d’Équipe Bardagi et président de RE/MAX du Cartier G. B.

Le courtier, qui a 32 ans d’expérience, précise qu’il y a toujours eu un fort taux de roulement dans l’industrie et qu’en ces temps de plein emploi, d’autres métiers plus payants pourraient séduire les courtiers.

« Ces deux dernières années, on recevait beaucoup d’appels de jeunes qui commençaient ou faisaient une deuxième carrière. C’était énorme. Ça rentrait à la pelletée. Avec le marché qui devient plus difficile, je ne suis pas sûr qu’il va y avoir assez de business pour tout le monde », remarque de son côté Marc Lefrançois.

Un plan B pour les nouveaux venus

C’est le constat qu’est en train de faire Maxime Paquette. Il a quitté son emploi pour suivre la formation à temps plein en immobilier résidentiel. Une formation de cinq mois au coût de 5500 $. Lorsqu’il a commencé ses cours, les statistiques au sujet du ralentissement des ventes n’étaient pas sorties.

« Je suis déjà dans l’immobilier, j’ai des immeubles à revenus et comme tout le monde, j’ai vu la flambée du marché pendant la COVID », relate-t-il pour expliquer son inscription à la formation.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Maxime Paquette

« Je vais terminer mon cours et voir comment le marché va se stabiliser. S’il n’est pas rentable, je vais aller faire autre chose en attendant. À part les courtiers qui sont vraiment au top et vendent trois ou quatre maisons par mois, tous ceux qui commencent n’auront pas le choix d’avoir un deuxième emploi. »

Maxime Paquette a déjà un DEP en extraction de minerais et a plusieurs années d’expérience dans le nord du Québec. « Ce sera ma bouée de secours si je ne perce pas comme je veux en immobilier. »

Le marché immobilier n’est pas comme la Bourse, rassure Georges Bardagi. Il y a des naissances, des décès, des successions, des séparations, des cas de transfert d’employés dans d’autres villes. « Il y a toujours du mouvement dans tous les marchés », conclut-il.