General Dynamics prépare une expansion d’envergure à son usine de Salaberry-de-Valleyfield pour renflouer les stocks d’un obus qui s’est révélé crucial dans la guerre en Ukraine, qui s’étire. L’effectif de ce géant de la défense devrait gonfler d’environ 40 % en Montérégie, a appris La Presse.

Ce qu’il faut savoir

General Dynamics fabrique des matériaux d’artillerie à Salaberry-de-Valleyfield.

Le géant américain planifie une importante modernisation du complexe.

L’objectif est notamment de produire davantage un type d’obus très prisé par les troupes militaires ukrainiennes.

Quinze nouveaux bâtiments projetés, une nouvelle chaîne de fabrication de matériaux d’artillerie et des travaux sur 1,8 hectare de terrain : sans tambour ni trompette, la multinationale américaine a récemment donné un aperçu de ses ambitions dans un avis de projet transmis plus tôt cette année au gouvernement québécois.

« Le site de General Dynamics Produits de défense et systèmes tactiques-Canada (GD-OTS) Salaberry-de-Valleyfield prévoit actuellement une phase importante de modernisation de son site », peut-on notamment lire.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

General Dynamics emploie près de 500 personnes à Salaberry-de-Valleyfield.

Ce chantier devrait s’échelonner jusqu’en 2028. Les premiers coups de pelle ne sont cependant pas pour tout de suite. Ce projet risque d’être assujetti à la procédure du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), qui prévoit notamment la préparation d’une étude d’impact et des consultations publiques. Selon l’échéancier fourni dans l’avis de projet, la construction des bâtiments devrait débuter vers la fin de 2025.

Dans un courriel envoyé à La Presse, le spécialiste de la défense n’a pas voulu s’avancer sur la taille de l’investissement, mais il a précisé que cela devrait se traduire par la création de quelque 200 nouveaux emplois. Au moment d’écrire ces lignes, il n’avait pas été possible de joindre le directeur général de GD-OTS Salaberry-de-Valleyfield, Daniel Lepage.

GD-OTS compte environ 500 employés à Salaberry-de-Valleyfield, dont quelque 350 syndiqués. Le complexe a été construit en 1940, au début de la Seconde Guerre mondiale. Dans la province, GD-OTS exploite aussi des usines à Repentigny et à Saint-Augustin-de-Desmaures, près de Québec. Le groupe produit mensuellement plusieurs milliers d’obus de 155 mm au Québec.

Deux terrains de football

En Montérégie, on recense plus de 150 bâtiments et bâtiments accessoires, selon les documents transmis au gouvernement du Québec. Compte tenu des procédés chimiques et de la manipulation d’explosifs, les activités (séchage, prémélange, mélange, enrobage, etc.) sont « divisées dans plusieurs bâtiments afin de réduire les conséquences en cas d’incident », comme une déflagration.

Jusqu’à 15 nouvelles unités – un séchoir d’explosifs et des unités de mélange, d’extrusion et de coupe ainsi que d’enrobage – pourraient être construites. D’après les informations disponibles, leur superficie combinée serait d’environ 135 000 pieds carrés (12 500 mètres carrés), soit l’équivalent d’un peu plus de deux terrains de football.

« Cette modernisation est requise non seulement afin de consolider les activités à Salaberry-de-Valleyfield, mais aussi pour améliorer la sécurité des procédés et augmenter la capacité de fabrication de propulsif afin de répondre aux besoins du marché », explique la multinationale.

GD-OTS devrait avoir tourné la page sur son projet d’expansion au moment où la convention collective de ses syndiqués viendra à échéance. Représentés par le Syndicat national des produits chimiques de Salaberry-de-Valleyfield-CSN, les syndiqués avaient voté en faveur d’un nouveau contrat de travail de cinq ans l’an dernier. Des hausses salariales de 25 % échelonnées sur cinq ans étaient prévues.

Selon la convention collective actuelle, le salaire horaire oscille entre 33 $ pour certains postes administratifs tandis que des techniciens balistiques peuvent toucher 53 $ l’heure. Ces taux ne tiennent pas compte des différentes primes horaires prévues à la convention collective, par exemple pour certains quarts de travail. Le syndicat n’était pas disponible, vendredi, pour s’entretenir avec La Presse.

Effort de guerre

L’expansion du complexe situé en Montérégie s’inscrit dans le cadre d’un effort concerté visant à accroître la production d’agents propulseurs d’artillerie, notamment pour l’obus de 155 mm, qui est très prisé par les forces ukrainiennes depuis le début de l’invasion russe, il y a plus de deux ans.

Pour fournir Kyiv, les alliés de l’OTAN ont puisé dans leurs réserves, ce qui a fait fondre les stocks disponibles. Dans ce contexte, le 25 mars dernier, la Corporation commerciale canadienne, l’agence de passation de contrats entre gouvernements, et l’armée américaine annonçaient une entente pour mettre la table à une « expansion de la capacité » chez GD-OTS à Salaberry-de-Valleyfield.

« Cet accord permettra de répondre aux besoins croissants des États-Unis et de leurs alliés en Ukraine, et de renforcer la résilience des chaînes d’approvisionnement entre le Canada et les États-Unis dans le domaine de la défense », faisait-on valoir, au moment de l’annonce.

Plusieurs alliés du Canada ont déjà signé des accords pour accroître leur production de munitions. Dans la mise à jour de sa politique de défense, en avril dernier, le gouvernement Trudeau avait prévu 9,5 milliards sur deux décennies pour « accélérer » la capacité de production au pays de munitions d’artillerie. Ottawa soulignait qu’il était « de plus en plus difficile d’acquérir ces munitions à l’étranger ».

Richard Shimooka, chercheur à l’Institut canadien Macdonald-Laurier, qui se spécialise notamment dans les dossiers en matière de défense, qualifie cette réaction de tardive dans le contexte géopolitique actuel, marqué par la guerre en Ukraine et celle entre Israël et le Hamas.

« Cela témoigne d’un manque de compréhension de la situation dans laquelle nous nous trouvons, explique-t-il, dans un entretien téléphonique. Le Canada peine à respecter ses promesses en matière d’approvisionnement de matériel militaire parce que la capacité de production est déficiente. »

Le terrain du complexe exploité par General Dynamics à Salaberry-de-Valleyfield appartient au gouvernement québécois. Sa gestion relève d’Investissement Québec, le bras financier de l’État québécois. L’entreprise est locataire des lieux.

En savoir plus
  • 4,2 km⁠2
    Superficie du terrain sur lequel se trouve l’usine de General Dynamics à Salaberry-de-Valleyfield.
    Source : geNERAL DYNAMICS
    2025
    Année où la procédure du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement devrait être terminée.
    Source : general dynamics