Malgré les pertes, les licenciements et l’argent emprunté auprès d’institutions comme Investissement Québec (IQ) l’an dernier, les dirigeants de Lion Électrique auront droit à des primes. Elles atteignent 1,1 million – le double par rapport à 2022. Cependant, le fondateur Marc Bédard mettra en jeu le montant auquel il aura droit et rien ne garantit qu’il empochera la somme.

En dépit d’une année mouvementée en 2023, les patrons du constructeur d’autobus d’écoliers et de camions électriques ont « atteint leurs objectifs », estime le conseil d’administration, dans la circulaire envoyée aux actionnaires de l’entreprise établie à Saint-Jérôme en vue de l’assemblée annuelle du 15 mai prochain.

« Les objectifs personnels fixés par le comité des ressources humaines et de la rémunération […] étaient conformes au plan d’affaires et à la stratégie de la société, l’objectif étant de générer des avantages à long terme plutôt que des résultats positifs immédiats à court terme qui ne seraient pas nécessairement durables », fait-on valoir dans le document de 83 pages.

Il s’agit, notamment, de l’achèvement des usines à Joliet, dans l’Illinois, ainsi qu’à Mirabel (batteries), du lancement de deux nouveaux modèles (autobus scolaire et un camion urbain) et de la certification d’un modèle de batterie.

Dans l’ensemble, les cinq principaux dirigeants de Lion ont vu leur rémunération globale, qui tient compte du salaire de base, des primes, des options sur des actions et autres avantages, atteindre 4,7 millions en 2023. Il s’agit d’une progression annuelle de 32 %. En tenant compte du repli boursier, qui a dégonflé la valeur des options d’achat et des attributions en actions de la haute direction, les émoluments reculaient à 3,4 millions au 31 décembre dernier.

Année difficile

À la Bourse de Toronto, l’action de Lion a retraité de 20 % en 2023 au terme d’une année très mouvementée. Pour renflouer ses coffres, le constructeur québécois a emprunté 98 millions à IQ – le bras financier de l’État québécois –, au Fonds de solidarité FTQ et à Fondaction. Les débentures convertibles s’accompagnent cependant d’un taux de 13 %. Lion a aussi obtenu des prêts de 90 millions de la famille Saputo et du Groupe Mach.

Cela n’a toutefois pas été suffisant. Pour réduire ses dépenses, l’entreprise a dû licencier 150 personnes – 10 % de son effectif – des deux côtés de la frontière en novembre dernier.

Les défis sont toujours bien présents. Son coussin financier demeure mince et la compagnie doit continuer de se serrer la ceinture pour espérer atteindre la rentabilité. Une autre réduction d’effectif a eu lieu en février dernier à Saint-Jérôme. Depuis le début de l’année, son titre a retraité de 33 % sur Bay Street. Lundi, l’action a clôturé à 1,55 $.

L’argent public dans Lion Électrique :

  • 2008 – 2021 : 7 millions en subventions pour de la R-D
  • 2021 : 19 millions d’Investissement Québec pour l’achat d’actions
  • 2021 : 100 millions en prêts de Québec et d’Ottawa
  • 2022 : 30 millions en prêts de la Caisse de dépôt et placement du Québec

Pour les patrons de Lion, les facteurs qui déterminent l’ampleur de la prime concernent le rendement de l’entreprise (50 %) ainsi que des « objectifs personnels ». C’est visiblement cette deuxième catégorie qui a permis aux gestionnaires d’obtenir des versements. La circulaire évoque la « réalisation de projets d’expansion », comme l’accélération de la cadence dans les usines de production à Saint-Jérôme et Joliet (États-Unis).

« Le rendement personnel du membre de la haute direction visé est établi selon des critères clairs et prédéterminés pour l’atteinte des objectifs personnels », fait valoir Lion, sans toutefois lever le voile sur ces critères.

Cette situation peut donner l’impression que la performance de l’entreprise n’a pas d’incidence négative sur les primes des dirigeants, souligne Yan Cimon, professeur titulaire de stratégie à la faculté des sciences de l’administration de l’Université Laval. Ce spécialiste des questions de gouvernance croit que Lion pourrait y aller d’un effort sur cet aspect.

« Sans publier les contrats de travail des gestionnaires, est-ce qu’on pourrait, par exemple, dévoiler les principales lignes directrices qui guident les objectifs personnels liés à la rémunération ? dit l’expert. Lorsque cela va moins bien dans l’entreprise, on peut quand même mieux expliquer les tenants et aboutissants des émoluments. »

Pas garanti

Le fondateur de Lion n’est pas certain de toucher les quelque 430 000 $ auxquels il aurait droit. Puisque le constructeur se trouve toujours dans une posture délicate, M. Bédard a consenti à ne pas recevoir sa prime en espèces. Elle sera convertie en options sur des actions.

Une option d’achat d’action permet à un employé de l’acheter et constitue l’un des mécanismes de rémunération utilisés par les sociétés cotées en Bourse. C’est en mai prochain que le conseil d’administration devrait trancher sur les modalités de cette entente, notamment le prix d’exercice des options. Si Lion ne livre pas la marchandise et que le prix de son titre reste déprimé, M. Bédard pourrait ne jamais toucher la somme.

À l’inverse, dans le cas d’une poussée boursière, la prime du fondateur de Lion pourrait s’avérer beaucoup plus importante.

Lion Électrique en 2023 :

  • Revenus : 254 millions
  • Perte nette : 104 millions
  • Livraisons : 852 véhicules
  • Liquidités dans les coffres : 30 millions US
  • (En date du 31 décembre 2023)
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    Avec une participation d’environ 0,8 %, Investissement Québec est le cinquième actionnaire en importance de Lion.
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