L’une des étoiles montantes québécoises de l’électrification, Taiga, lutte pour sa survie. Ses coffres se vident, sa production est temporairement au point mort et près du tiers de ses employés ont été mis à pied depuis le début de l’année. De son propre aveu, il existe une « incertitude significative » sur son avenir.

À la recherche de financement, le constructeur de motoneiges et de motomarines électriques, qui s’est fait prêter 15 millions par le bras financier de l’État québécois au printemps 2023, compte également se serrer la ceinture. Cette décision, annoncée mardi à l’occasion de la publication des résultats du quatrième trimestre et de fin d’exercice, s’accompagne de mauvaises nouvelles.

Il y aura une pause forcée, d’une durée indéterminée, au sein de l’usine située dans l’arrondissement montréalais de Lachine. De plus, 70  nouvelles mises à pied s’ajoutent à la trentaine de licenciements survenus en février dernier. L’automne dernier, Taiga comptait plus de 300 salariés. Son effectif a depuis fondu du tiers. Le président-directeur général de l’entreprise, Samuel Bruneau, n’était pas disponible pour accorder des entrevues, mardi.

Cela s’accompagne d’un sérieux avertissement : un doute sur la capacité du constructeur québécois à poursuivre ses activités s’il n’arrive pas à trouver de nouvelles sources de financement tout en réduisant ses dépenses.

« Il existe une incertitude importante susceptible de jeter un doute significatif sur la capacité de la société à poursuivre ses activités », souligne Taiga, dans son rapport financier trimestriel. Rien ne garantit que la société sera en mesure de poursuivre ses activités et de continuer à s’acquitter de ses obligations et de son passif lorsqu’ils deviendront exigibles.

Signe que le portrait risquait d’être peu réjouissant, l’entreprise avait annoncé, jeudi dernier, qu’elle retardait le moment de la diffusion de ses résultats financiers. La direction a également annulé la conférence téléphonique avec les analystes financiers.

En date du 31 décembre dernier, il ne restait que 5,3 millions dans les coffres de la jeune pousse québécoise. C’est bien moins comparativement aux 23 millions à pareille date en 2022. Elle avait toutefois obtenu un peu d’oxygène le 11 mars dernier quand Exportation et Développement Canada (EDC) avait accepté de lui prêter 5,25 millions de plus.

Au printemps dernier, Investissement Québec – le bras investisseur du gouvernement québécois – Northern Private Capital, une firme privée d’investissement de Toronto, avait volé à son secours en lui offrant un financement privé de 40 millions portant intérêt à un taux annuel de 10 %. En octobre dernier, c’était autour d’EDC de lui prêter 15 millions.

Retour sur terre

Après des débuts prometteurs à la Bourse de Toronto, où l’action se négociait à un peu plus de 13 $, le titre a constamment perdu des plumes pour clôturer, mardi, à 64 cents. Cela conférait une valeur boursière d’environ 20,5 millions à Taiga.

« C’est l’histoire d’entrepreneurs étudiants qui inventent des produits extraordinaires, souligne Louis Hébert, professeur de stratégie à HEC Montréal. Mais quand on promet des choses, il faut livrer. La compagnie a aussi eu des enjeux extraordinaires à gérer : la pandémie et les pénuries de pièces. Cela a accentué la pression sur la fragilité du modèle. »

Selon l’expert, Taiga se trouve actuellement dans une « très mauvaise posture » et risque « carrément de manquer d’argent ». La pente à remonter est abrupte, estime M. Hébert.

Les ventes de motoneiges ont été décevantes chez Taiga lorsque le tapis blanc s’est fait attendre à bien des endroits en Amérique du Nord. BRP a aussi observé ce coup de frein, ce qui fait en sorte que la multinationale aura besoin de 300 personnes en moins pour assembler des motoneiges à Valcourt cette année.

En marge d’une allocution devant le Cercle canadien de Montréal, mardi après-midi, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, avait été interrogé sur les enjeux financiers de Taiga. Le constructeur n’avait pas encore annoncé l’interruption temporaire de sa production et ses mises à pied.

« Je ne veux pas parler d’un cas privé, avait répondu M. Fitzgibbon. Taiga fait face à des enjeux. Je pense qu’ils ont de bons actionnaires. On va voir ce qui va se passer. »

Taiga souhaite redonner du lustre à ses finances en ajustant sa production à la demande saisonnière et en ajoutant les ventes par l’intermédiaire de concessionnaires à son modèle de distribution pour tenter de stimuler les ventes. L’entreprise a produit 417 véhicules au quatrième trimestre et a livré 242 unités. Ses stocks atteignaient 33,2 millions au 31 décembre dernier – le double de ses revenus annuels.

Shawinigan sur la glace

À l’été 2021, le constructeur de motoneiges et motomarines électriques avait obtenu des prêts pouvant aller jusqu’à 40 millions de Québec et Ottawa pour construire une nouvelle usine à Shawinigan, en Mauricie. Cela n’est plus une priorité.

« La société estime qu’il est peu probable que la construction d’une usine ait lieu à Shawinigan dans un avenir rapproché alors que la société maximise l’utilisation de son usine de Montréal, qui a une capacité totale de production de 8000 véhicules », précise Taiga, dans un courriel.

Les sommes offertes par les deux ordres de gouvernement pour le projet à Shawinigan n’ont pas été décaissées.

Taiga en bref

Année de fondation : 2015

Entrée à la Bourse de Toronto : 2021

Première motoneige électrique produite : 2021

Président-directeur général : Samuel Bruneau

En savoir plus
  • 2442
    Nombre de précommandes chez Taiga au 31 décembre dernier
    Source : Taiga
    1056
    Motoneiges et motomarines produites par l’entreprise en 2023
    Source : Taiga