RONA passe en mode offensif. Visiblement déterminée à se démarquer de ses compétiteurs, l’entreprise qui a procédé à des mises à pied au cours des derniers mois est en train de mettre en place une stratégie de baisse de prix sur bon nombre de ses produits, ont confirmé à La Presse plusieurs marchands interrogés.

Autre changement : les magasins Réno-Dépôt pourraient bien disparaître du paysage québécois, croit le président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT), Richard Darveau.

Après avoir récemment annoncé la conversion de sa succursale de Hull en RONA+, l’entreprise se dit sûre que ce changement « tracera le chemin pour l’arrivée prochaine de cette nouvelle enseigne au Québec ».

En ce qui concerne les baisses de prix, « c’est une stratégie qui va être testée dans les prochaines semaines ». « Ils vont commencer par un nombre limité de magasins et ça va toucher toutes les gammes de produits », a affirmé à La Presse un marchand affilié RONA qui possède quelques magasins. Les cinq propriétaires de quincailleries RONA à qui nous avons parlé ont tous confirmé la même information, sans vouloir que leur identité soit révélée par crainte de représailles de la part de l’entreprise.

« RONA veut devenir compétitif », a ajouté un autre marchand. Quelque 28 000 articles pourraient ainsi subir une baisse de prix. En magasin, La Presse a pu constater que, pour le moment, la stratégie n’a pas été dévoilée au grand jour. Aucune pancarte n’en faisait la promotion. Une employée sur le plancher nous a toutefois informés que les baisses commençaient peu à peu à s’afficher. Elle a notamment donné l’exemple d’un lavabo coûtant 309 $, maintenant affiché à 199 $.

Du côté du siège social, on a refusé de s’avancer sur le sujet. « Parce qu’il s’agit d’informations concurrentielles et sensibles, nous ne commenterons pas, a répondu par courriel le service des communications de RONA. Nous testons constamment différentes stratégies de prix à travers notre réseau afin de toujours mieux servir notre clientèle tout en assurant la santé à long terme de l’organisation. »

« C’est sûr que quand il y a du stock à sortir, il faut que tu liquides, mentionne pour sa part Richard Darveau, questionné à propos d’une possible baisse de prix généralisée dans l’industrie. Les stocks se sont accumulés. »

Alors que les années pandémiques ont permis aux quincailleries et aux centres de rénovation de faire des affaires d’or, voilà que les consommateurs – notamment en raison de l’inflation – réduisent leurs dépenses et se contentent de travaux plus modestes, selon une analyse des tendances du marché effectuée par Soumission Rénovation, qui fait le lien entre les clients et les entrepreneurs.

L’année 2023 se caractérise par une baisse significative de 27 % de la valeur moyenne des projets par rapport à 2022. Cette diminution est marquée par une préférence croissante pour les travaux de moins de 10 000 $, tandis que les projets de grande envergure de plus de 50 000 $ ont connu une diminution notable.

Extrait de l’analyse

Le nombre de gros projets est passé de 3289 en 2022 à 2298 en 2023.

« Les taux d’intérêt élevés ont une influence directe sur la popularité des projets nécessitant un emprunt substantiel. Les projets de petite envergure, payés comptant ou avec un emprunt modeste, continuent de gagner en attractivité. »

Richard Darveau est toutefois d’avis que les ventes vont reprendre. « Chaque semaine depuis décembre, il n’y a pas une ville ou un gouvernement qui n’annonce pas des mesures pour stimuler la construction de bâtiment », observe-t-il.

Quel avenir pour Réno-Dépôt ?

Si les ventes repartent à la hausse, le nombre de magasins Réno-Dépôt, lui, pourrait afficher une tendance à la baisse. En novembre 2022, la chaîne de rénovation Lowe’s annonçait la vente de toutes ses activités canadiennes, dont les enseignes RONA et Réno-Dépôt, à la société de capital-investissement new-yorkaise Sycamore Partners, pour une somme en espèces de 400 millions US et une contrepartie différée calculée sur le rendement futur.

Depuis lors, RONA a entamé la conversion de sa cinquantaine de magasins Lowe’s situés à l’extérieur du Québec en RONA+.

Et voilà que le mouvement semble avoir gagné la Belle Province puisque l’entreprise a annoncé un premier changement d’enseigne de Reno-Dépôt à RONA+ pour son magasin de Hull.

« Les conversions à l’enseigne RONA+ qui ont eu lieu dans les autres provinces du Canada ont eu des impacts très positifs sur la performance des magasins. Nous sommes sûrs que ce projet pilote au magasin Réno-Dépôt de Hull aura des résultats positifs et tracera le chemin pour l’arrivée prochaine de cette nouvelle enseigne au Québec », a indiqué l’entreprise dans une déclaration officielle.

L’entreprise décrit RONA+ comme étant une expérience de quincaillerie « bonifiée ». « RONA+ offrira aux rénovateurs et aux décorateurs amateurs, ainsi qu’aux clients Pros, une infinité de possibilités, une incroyable gamme de produits, des milliers de bas prix et un service d’experts en magasin. »

Réno-Dépôt compte actuellement 20 magasins au Québec. Pour l’AQMAT, cette décision illustre sans doute un désir d’uniformisation. « Les quatre lettres R-O-N-A sont vraiment plus en vue depuis que le groupe new-yorkais [Sycamore] a mis la main sur l’entreprise, souligne-t-il. Il fallait qu’ils se débarrassent du mot Lowe’s. Le mot RONA se retrouve beaucoup plus présent dans le reste du Canada que depuis les années Lowe’s. Tant qu’à faire, c’est un peu comme quand on commence à rénover, pourquoi garder Réno-Dépôt au Québec ? »

Est-ce une bonne stratégie ? « Ça facilite les communications. Tu as une seule image de marque à véhiculer, elle est bilingue. Ça m’apparaît logique que tout soit intégré sous les quatre lettres, d’un océan à l’autre. »

Pertes d’emplois

Rappelons par ailleurs que RONA a annoncé récemment la suppression de 180 emplois au siège social de Boucherville, en magasin et au centre de distribution de Terrebonne, installation qui cessera ses activités en mars 2024. Ces mises à pied s’ajoutent aux 275 postes supprimés au Québec il y sept mois. Ailleurs au Canada, des employés de bureau et de magasins ont également perdu leur gagne-pain, pour un total de 120.

RONA en bref

  • Entreprise fondée il y a 85 ans
  • Propriétaire : Sycamore Partners, une société américaine
  • Enseignes : RONA, RONA+, Réno-Dépôt et Dick’s Lumber
  • Nombre total de magasins : 425 (corporatifs et affiliés)
  • Nombre d’employés : 22 000
  • Siège social : Boucherville