Un important contrat décroché par Nova Bus en 2018 pour des modèles hybrides donne des maux de tête au constructeur d’autobus urbains. L’entreprise tente de convaincre Québec de consentir à des augmentations de prix en évoquant la flambée des coûts de production depuis le début de la pandémie.

Quelque 850 autobus urbains hybrides ont été livrés aux 9 sociétés de transport représentées par l’Association du transport urbain du Québec (ATUQ) – dont la Société de transport de Montréal (STM) – dans le cadre de cette entente portant sur un maximum de 1525 unités. À l’époque, cette commande estimée à quelque 2 milliards – si toutes les options étaient exercées – était présentée comme « la plus importante » décrochée par l’entreprise en Amérique du Nord.

« Les constructeurs incluent souvent des ajustements inflationnistes dans les contrats parce que dans quelques années, les prix d’aujourd’hui ne seront plus les mêmes, souligne Christos Kritsidimas, chef des affaires juridiques, publiques et communications externes chez Nova Bus. Ce qui est arrivé avec la pandémie, c’est que les projections sont toutes tombées à l’eau. On a vu les prix de certains matériaux bondir de 20 %. »

Résultat : le constructeur présent à Saint-Eustache et Saint-François-du-Lac souhaite obtenir des « ajustements » pour les « deux dernières années » du contrat qui doit se terminer à la fin de 2024.

Selon nos informations, on parle d’une centaine d’autobus urbains hybrides. Les données financières de Nova Bus ne sont pas accessibles puisqu’elles sont consolidées dans celles du Groupe Volvo, son propriétaire.

Puisque les sociétés de transport ne « financent jamais à 100 % l’achat d’un autobus », Nova Bus tente de sensibiliser le gouvernement Legault à sa cause, souligne M. Kritsidimas. Son nom figure aux côtés de cinq autres représentants de la filiale du Groupe Volvo – dont le président Ralph Acs – dans son inscription qui vient d’être renouvelée au registre québécois des lobbyistes. On cible notamment le ministère de l’Économie et de l’Innovation, celui de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques ainsi que les Transports et la Mobilité durable.

« Puisque l’on sait que le ministère des Transports finance à 80 % les sociétés de transport, nous avons publié notre mandat [de lobbyisme] pour être transparents, dit M. Kritsidimas. Les discussions continuent. On va voir comment elles vont aboutir, mais ce n’est pas fini. »

Ces démarches ne concernent pas l’important contrat de 2,2 milliards décroché en mai dernier pour la livraison de jusqu’à 1230 autobus électriques à neuf sociétés de transport – une commande largement financée par Québec (1,1 milliard) et Ottawa (780 millions).

Loin d’être fait

Nova Bus a cependant du pain sur la planche pour convaincre le gouvernement Legault. Des sociétés de transport comme la Société de transport de Montréal, le Réseau de transport de Longueuil, la Société de transport de Laval et le Réseau de transport de la Capitale (Québec) contactées par La Presse ont dirigé les questions vers l’ATUQ, qui a coordonné l’appel d’offres regroupé concernant les autobus urbains hybrides. Dans une déclaration, l’Association dit avoir fermé la porte à des ajustements dans le cadre de « discussions informelles » avec le constructeur québécois.

« L’ATUQ avait informé Nova Bus de l’impossibilité de revoir le prix de contrats accordés, puisque cela constitue une modification contractuelle majeure, écrit-elle. D’autre part, les contrats prévoient déjà des clauses d’ajustement de prix permettant de considérer à la hausse des prix en fonction de [l’inflation] et des taux de change. »

Mardi, il n’a pas été possible de savoir s’il y avait de l’ouverture du côté du gouvernement Legault. Par courriel, le MTQ s’est limité à répondre que « conformément au mandat de lobbyisme, Nova Bus a fait des représentations auprès du Ministère ».

Si la situation actuelle se traduit par des impacts financiers pour Nova Bus, cela ne s’est pas traduit par des réductions d’effectifs ou d’autres mauvaises nouvelles pour ses employés.

M. Kritsidimas affirme que c’est parce que l’entreprise fait partie du Groupe Volvo – dont la valorisation boursière est d’environ 50 milliards US –, capable de soutenir sa filiale.

Nova Bus n’est pas le seul constructeur ayant vu la rentabilité de certains contrats grugée par l’inflation et la hausse des coûts de production. Établi à Winnipeg, NFI Group – une multinationale de plus de 8000 employés avec des usines dans 9 pays – a affiché des marges négatives en 2022 dans son secteur manufacturier. Elles ont repris du poil de la bête depuis le début de l’année, mais demeurent inférieures à 1 %. Les activités de NFI Group sont plus diversifiées que celles de Nova Bus, puisque la société du Manitoba construit également des autocars.

En commentant les résultats du troisième trimestre en novembre dernier, la direction de NFI Group avait dit s’attendre à ce que les contrats aux marges réduites par l’inflation représentent environ 5 % de ses livraisons pendant les six premiers mois de 2024.

Nova Bus en bref 

Création : 1993

Filiale de Groupe Volvo depuis 1997

Siège social : Saint-Eustache

Usines : Saint-Eustache et Saint-François-du-Lac

Effectif : plus de 1500 salariés

En savoir plus
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    Nombre d’autobus urbains électriques à livrer par Nova Bus en 2024 en vertu de son contrat décroché en 2018
    Association du transport urbain du Québec