Le PDG de Bell, Mirko Bibic, est d’accord avec son grand rival Pierre Karl Péladeau sur un point : la concurrence des grandes plateformes numériques comme Netflix est « déloyale ». L’entente avec le PDG de Québecor s’arrête toutefois là : permettre aux revendeurs d’avoir accès au réseau de fibre optique de Bell, comme on le lui a ordonné récemment, « met en péril l’expansion », selon lui, du géant canadien des télécommunications.

M. Bibic a fait ces remarques devant une audience de quelque 420 gens d’affaires réunis au Palais des congrès lors d’un évènement organisé par le Cercle canadien de Montréal. Il a décrit dans un premier temps « des conditions extrêmement difficiles » pour le secteur canadien des télécommunications, notamment pour Bell, qui a annoncé la suppression de 1300 emplois en juin dernier.

« La radiodiffusion se trouve à la croisée des chemins, a déclaré M. Bibic. Personne n’est épargné par la tourmente. Et je dois sonner l’alarme. » Les revenus de Bell Média ont diminué de 130 millions cette année, comparativement à 2019. « L’an dernier, nous avons perdu 40 millions de dollars dans nos services de nouvelles. Nous avons donc dû prendre des décisions difficiles. »

Pas suffisant

Il a notamment décrit longuement les investissements, dans le contenu et les réseaux, que Bell a multipliés pour affronter la concurrence ; 4 milliards ont ainsi été investis dans le réseau au Québec, les méthodes de vente publicitaire ont été modernisées et sa plateforme Crave compte plus de 11 500 heures de contenu francophone.

Ce n’est pas suffisant pour concurrencer les grandes plateformes américaines, qui n’ont aucune obligation d’investissement dans le contenu canadien, a plaidé M. Bibic.

« Nous ne pouvons tout simplement pas rivaliser avec les diffuseurs étrangers en raison des limites du système actuel […]. Plusieurs gouvernements fédéraux et le CRTC n’ont pas réagi avec la même agilité à l’arrivée de l’internet. Et c’est tout l’écosystème qui est maintenant en péril. » Les récentes propositions législatives du gouvernement Trudeau sont « un pas dans la bonne direction, estime-t-il, mais ça ne bouge pas assez vite ».

Devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), qui tient présentement des audiences publiques à Gatineau, Bell demande d’abord un allègement des obligations des radiodiffuseurs traditionnels. On souhaite en outre que les producteurs américains et les plateformes étrangères soient obligés de collaborer avec les entreprises canadiennes.

« C’est plus dur que jamais d’avoir accès au contenu américain, car les grandes ligues sportives et les principaux studios demandent des prix plus élevés, ou refusent carrément de vendre leur contenu aux diffuseurs canadiens, a-t-il affirmé. De plus en plus, les studios et les réseaux américains vendent leurs émissions directement à la population canadienne. »

Expansion en péril

M. Bibic a également demandé une contribution de ces plateformes aux fonds de production canadiens, avec une partie qui serait consacrée aux nouvelles.

Le danger pour Bell, cependant, ne vient pas que de l’étranger, a-t-il déclaré. Il s’en est pris à la plus récente décision du CRTC de forcer Bell à ouvrir son réseau de fibre optique aux revendeurs.

« Dans les derniers mois, nous avons déployé notre réseau pure fibre à Trois-Pistoles, Saint-Côme, Lac-Beauport et des dizaines d’autres communautés à travers la province », a-t-il illustré. La décision du CRTC « compromet le modèle d’affaires des investissements futurs, dénonce-t-il. Ça mettra en péril l’expansion de notre réseau dans des collectivités de l’Outaouais, des Laurentides, de l’Estrie, du Bas-Saint-Laurent, du Saguenay–Lac-Saint-Jean et bien plus ».