Dans la tourmente financière et ébranlée par les grèves à Hollywood, Technicolor Creative Studios – l’un des principaux acteurs dans le créneau des effets visuels à Montréal – a discrètement sabré environ 12 % de sa main-d’œuvre, soit environ 120 personnes, dans la métropole.

Le studio français établi à Paris a effectué au moins trois rondes de compressions depuis le début de l’année, a constaté La Presse. Le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale a été mis au courant de la plus récente pas plus tard que le mois dernier. Environ 75 salariés avaient alors perdu leur gagne-pain dans les bureaux de la rue Wellington.

« Au cours des derniers trimestres, le groupe a été confronté à des défis opérationnels ainsi qu’à un environnement de marché défavorable, a indiqué l’entreprise, dans une déclaration envoyée par courriel. La double grève historique des scénaristes (cinq mois) et des acteurs (environ quatre mois) à Hollywood a accentué ces défis sectoriels. »

L’empreinte de Technicolor se décline chez ses studios Moving Picture Company (MPC) et Mikros. Depuis mai dernier, MPC Montréal est dirigé par Ludovic Iochem, qui a notamment travaillé sur des mégaproductions comme Quantum of Solace et Avengers : Endgame. Ce dernier n’a pas répondu aux questions de La Presse envoyées par courriel.

Technicolor avait ouvert son studio au Québec en 2013 après avoir obtenu un prêt sans intérêt de 1,2 million consenti à l’époque par le gouvernement péquiste de Pauline Marois. Le généreux crédit d’impôt remboursable – dont la portion québécoise est maintenant de 36 % – pour des services de production cinématographique avait aussi pesé dans la balance.

Difficultés importantes

La multinationale française compte plus de 11 700 employés répartis dans 11 pays, d’après son site web. Sa santé financière s’est toutefois dégradée au cours des dernières années, particulièrement depuis la pandémie de COVID-19, qui avait temporairement interrompu les tournages.

Malgré un chiffre d’affaires totalisant 1,2 milliard CAN en 2022, la société a perdu quelque 145 millions. Les choses ne s’améliorent pas. Depuis le début de l’exercice financier, Technicolor a vu ses revenus plonger de 31 %. Dans la division MPC, le recul avoisine 45 %. Les débrayages des scénaristes et des acteurs à Hollywood expliquent ce déclin.

Parallèlement, Technicolor traîne une dette d’environ 945 millions. Avant l’annonce d’une stratégie visant à quitter la Bourse de Paris, le 2 octobre dernier, le titre de l’entreprise s’était effondré de 93 % depuis le début de 2023. Sa valeur boursière avait fondu à 60 millions.

« Technicolor se tient aux côtés de ses clients […] alors qu’ils se préparent à relancer leurs productions dès que la grève des acteurs […] sera résolue, dit-elle. Le groupe est prêt à saisir les occasions commerciales qui se présenteront et à adapter son organisation dès que le marché se redressera. »

En recul

Les licenciements effectués par l’entreprise au Québec surviennent dans un contexte où le volume d’affaires dans le créneau des effets visuels s’est contracté de 5 % en 2022 pour s’établir à 740 millions, selon le plus récent rapport annuel du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ).

Techicolor et ses filiales ne sont vraisemblablement pas les seules à souffrir du conflit survenu au sud de la frontière. Pour l’instant, le Bureau n’est pas encore en mesure de chiffrer l’ampleur des répercussions provoquées par les deux grèves.

« Nous sommes en train de compiler les chiffres recueillis lors de plusieurs réunions avec les acteurs de l’industrie ainsi qu’au moyen d’un questionnaire qui leur a été envoyé, souligne la conseillère au marketing et aux communications du Bureau, Viviane Agostino. Il nous est donc très difficile pour l’instant de vous fournir ces informations. »

Selon les avis de licenciements transmis au gouvernement québécois, des studios comme Effets visuels Frontier (15 personnes) et Production Double Negative (24 employés) ont aussi effectué des compressions depuis le début de l’année.

En savoir plus
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    Il y a trois « grands » écosystèmes d’effets visuels dans le monde, selon le BCTQ. Le Québec en fait partie.
    source : Bureau du cinéma et de la télévision du Québec