Après Montréal, Transcontinental met fin à la distribution du Publisac partout au Québec. Les régions de Toronto et Hamilton en Ontario, ainsi que la banlieue de Vancouver en Colombie-Britannique, sont également touchées, un coup dur pour les journaux régionaux qui comptaient sur ce véhicule pour joindre leurs lecteurs.

Transcontinental utilisera plutôt les services de Postes Canada pour distribuer Raddar, ses feuillets publicitaires d’abord lancés à Montréal, en remplacement du Publisac.

Selon la direction de l’imprimeur, entre février et mai 2024, « ce sont ainsi 2,8 millions de foyers qui s’ajouteront au million d’exemplaires de Raddar qui est déjà distribué [depuis mai dernier] dans la grande région de Montréal ».

Quant à l’impact sur les journaux locaux de cette disparition du Publisac distribué de porte en porte, la direction de Transcontinental dit « regretter les répercussions de la fin du Publisac sur plusieurs journaux hebdomadaires ».

Modèle d’affaires « cassé »

Pour le président du conseil d’administration d’Hebdos Québec, Benoit Chartier, qui représente 115 journaux hebdomadaires locaux répartis dans 16 régions de la province, c’est un coup dur.

« Notre modèle d’affaires est cassé », affirme M. Chartier en entrevue.

C’est une autre épreuve qui s’ajoute à toutes les autres qu’on vit dans les médias. L’ironie de l’histoire, c’est qu’on est victimes d’un règlement municipal de la mairesse de Montréal, Valérie Plante.

Benoit Chartier, président du conseil d’administration d’Hebdos Québec

M. Chartier explique que ses membres doivent revoir complètement leur réseau de distribution en place depuis plus de quarante ans. Deux options sont sur la table, soutient-il. D’un côté, la distribution par la poste, qui coûte, selon ses calculs, quatre fois le prix de l’entente avec Publisac. De l’autre, la distribution dans des points de dépôt fréquentés (boutiques, restaurants, pharmacies, centres pour aînés, centres d’affaires, etc.).

« Mais ce n’est plus la même diffusion, précise-t-il. C’est le lecteur qui est brimé, c’est l’information qui est moins diffusée. »

Le président d’Icimedias, Renel Bouchard, qui possède 23 journaux imprimés et web, croit que le modèle d’affaires avec une distribution par points de dépôt est viable à long terme même s’il n’existe pas encore au Québec. Il cite l’exemple de Burlington aux États-Unis, où l’on distribue 30 000 exemplaires du journal local par semaine.

« Le problème qu’on a actuellement avec la décision de Transcontinental, c’est que c’est trop rapide pour permettre de faire ce virage », soutient-il en entrevue.

En plus des points de dépôt, Renel Bouchard envisage la messagerie dynamique et la distribution directement par ses employés dans les plus petites régions.

Dans la région de Montréal, le remplacement du Publisac en porte-à-porte par les feuillets Raddar distribués par Postes Canada est considéré comme l’une des principales causes de l’atrophie et de la fermeture de nombreux journaux locaux et de quartier depuis un an.

Selon Patrick Brayley, vice-président principal chez TC Imprimeries Transcontinental, « le modèle du Publisac se devait d’évoluer compte tenu des changements réglementaires récents et prévus en matière de distribution et de leurs contrecoups sur les plans opérationnel et financier ».

Pour éviter les problèmes réglementaires

Par ailleurs, se disant « partenaire de longue date des journaux locaux », la direction de TC Transcontinental assure qu’elle « contribuera à promouvoir leur présence dans leurs communautés ainsi que leurs sites numériques, en leur offrant une page gratuite dans Raddar et une visibilité sur [le portail web] raddar.ca ».

De l’avis de l’analyste Adam Shine, chez la Financière Banque Nationale, la décision de Transcontinental s’inscrit dans la volonté de l’imprimeur de raffermir la rentabilité de ses activités de cahiers publicitaires, tout en contournant les restrictions réglementaires sur la distribution d’imprimés publicitaires qui se répandent dans plusieurs villes et localités.

« En élargissant la distribution de Raddar, Transcontinental devrait éviter d’autres problèmes réglementaires liés à ses activités de distribution de circulaires », indique Adam Shine dans une note à ses clients-investisseurs.

« De plus, parce que le dépliant Raddar est distribué par Postes Canada, il atteint en fait plus de foyers que ce que Transcontinental faisait auparavant avec son Publisac, tout en étant peu ou pas touché par les efforts municipaux visant à réduire la distribution de documents imprimés. »