(Hong Kong) Le patron du promoteur immobilier chinois ultra endetté Evergrande est soupçonné « d’infraction à la loi » et placé sous surveillance des autorités, a indiqué jeudi le groupe après la suspension de la cotation de son action à la Bourse de Hong Kong.

Cette annonce intervient au lendemain d’une information de presse selon laquelle le dirigeant de l’entreprise, Xu Jiayin, se trouverait en résidence surveillée.

Les échanges sur l’action du groupe ont été suspendus jeudi matin à la Bourse de Hong Kong. Aucune raison spécifique n’a été donnée pour justifier cette décision.

Les achats et ventes des actions de ses filiales de services immobiliers et de construction de véhicules électriques ont également été interrompus à 9 h (21 h heure de l’Est).

« L’entreprise a fait l’objet d’une notification des services compétents selon laquelle M. Xu Jiayin […] fait l’objet de mesures coercitives en raison de soupçons de crime ou délit en infraction à la loi », a indiqué jeudi soir Evergrande dans un communiqué à la Bourse de Hong Kong.

Le groupe n’a pas donné davantage de détails. Le terme de « mesures coercitives » désigne généralement en Chine une forme de privation de liberté afin de garantir le bon déroulement d’une procédure pénale.

Mercredi, l’agence d’informations financières Bloomberg, citant des sources anonymes, avait affirmé que le fondateur et patron du groupe surendetté avait été interpellé au début du mois par les autorités chinoises et se trouvait en résidence surveillée.

Détention

A la mi-septembre, la police de la métropole de Shenzhen (sud) avait déclaré avoir arrêté plusieurs employés d’Evergrande. Elle n’avait pas précisé leur nombre ni ce qui leur est reproché.

Selon Caixin, un média économique chinois réputé, deux anciens cadres d’Evergrande ont par ailleurs été placés en détention.

Les cotations d’Evergrande et de plusieurs filiales avaient repris début août à Hong Kong après une suspension de plus de 15 mois, faute pour l’entreprise d’avoir respecté les délais de publication de ses résultats financiers.

Le 27 septembre, l’entreprise avait annoncé ne pas être en mesure d’émettre de nouveaux emprunts obligataires car sa filiale, Hengda Real Estate Group, « faisait l’objet d’une enquête », empêchant un plan de restructuration.

Cette annonce intervenait deux jours après l’annonce par le groupe que des réunions ayant pour thème sa restructuration, prévues lundi et mardi, n’auraient finalement pas lieu.

Evergrande, dont la descente aux enfers fait régulièrement les gros titres, avait à la fin juin une ardoise colossale estimée à 328 milliards de dollars (307 milliards d’euros).  

Cette semaine, la branche immobilière de l’entreprise n’a pas été en mesure d’effectuer un paiement important au titre d’un remboursement obligataire.

Le secteur immobilier en Chine a connu ces dernières décennies une croissance fulgurante, dans un pays où l’achat d’un bien avant même sa construction permettait de financer d’autres projets.

Mais l’endettement des groupes a atteint des niveaux tels que les autorités ont décidé d’y mettre le holà à partir de 2020.  

« Partie émergée de l’iceberg »

Depuis, l’accès au crédit s’est considérablement réduit pour ces groupes dont une partie peine désormais à terminer les chantiers, alimentant une crise de confiance des acheteurs potentiels qui plombe les prix.

L’énorme dette d’Evergrande a contribué à l’aggravation de la crise du marché immobilier en Chine, faisant craindre un temps une contagion mondiale.

« Si Evergrande n’est que la partie émergée de l’iceberg et si les risques de contagion se matérialisent, une crise de confiance sur les marchés de la dette onshore, qui ont jusqu’à présent évité de nombreux défauts, pourrait éclater et conduire à un sévère ralentissement », a estimé Heron Lim, directeur économiste adjoint de Moody’s Analytics, à l’AFP.

Cette crise inédite a touché ces derniers mois un autre poids lourd du secteur, Country Garden, longtemps réputé solide financièrement. Le groupe avait fin 2022 une dette considérable qu’il estimait à quelque 1152 milliards de yuans (213 milliards de dollars CAN).

Dans un pays où l’immobilier pèse plus du quart du PIB et fait vivre une armée de travailleurs peu qualifiés, elle a également aggravé le ralentissement général de la deuxième économie mondiale.  

Le gouvernement a fixé un objectif de croissance économique « d’environ 5 % » pour 2023, ce qui constituerait l’une de ses plus mauvaises performances depuis des décennies, si l’on exclut la période de la pandémie de COVID-19.