Après la pandémie, les Fermes Lufa se sont retrouvées avec plus ou moins le même nombre de commandes hebdomadaires. Par contre, la facture moyenne de chacune était plus petite. Pour joindre une nouvelle clientèle, l’entreprise s’apprête à lancer sa première campagne de publicité.

Quand la pandémie a forcé les gens à rester à la maison, les affaires de Lufa ont bien sûr explosé. L’entreprise est une pionnière de l’agriculture urbaine commerciale au Québec, mais elle permet aussi à ses abonnés de faire leur épicerie complète en ligne grâce à ses partenariats avec des producteurs et distributeurs locaux qui offrent du fromage, du détersif pour les vêtements et du vin.

Lufa était donc en première ligne pour répondre aux besoins des consommateurs pris à la maison, qui avaient soif de produits locaux et un budget discrétionnaire bien garni : la valeur des commandes est passée du simple au double au début de la pandémie, raconte le fondateur de Lufa, Mohamed Hage.

Ça tombait bien, car les projets d’expansion de l’entreprise prévoyaient déjà l’aménagement d’un nouveau centre de distribution dans d’anciens locaux de Sears, à Saint-Laurent, ainsi que l’ajout d’une ferme intérieure et d’une serre sur le toit, à la même adresse.

Ça n’est pas tout : Lufa va inaugurer le printemps prochain une autre serre sur le toit d’un Walmart, au Marché central de Montréal.

L’entreprise avait le vent dans les voiles. Mais l’inflation s’est invitée au menu. Et le vent a tourné.

Mohamed Hage ne s’en cache pas : 2022 a été très difficile.

Le nombre de paniers remplis par Lufa chaque semaine est resté relativement stable, autour de 30 000, mais il y a eu une baisse de la valeur moyenne de la commande.

L’hypothèse de Lufa : sa clientèle magasine ailleurs pour certains produits offerts dans son marché. Par exemple, les amateurs de tomates restent fidèles – impossible de trouver des tomates plus fraîches à longueur d’année, plaide Mohamed Hage, car le client les reçoit à la maison quelques heures après qu’elles ont été récoltées. Par contre pour le beurre ou la farine, certains sont tentés de se tourner vers les enseignes qui affichent de bas prix.

Pour ramener cette clientèle, Lufa a baissé les prix de nombreux produits et l’affiche très clairement dans son marché virtuel.

Ces ajustements ont été possibles grâce à une augmentation de l’efficacité – les pertes ont été réduites de 1 %. Il y a aussi eu réduction des marges sur certains produits, pour les fournisseurs comme pour Lufa. Quitte à avoir des mois déficitaires. « Quelques années de break even, ça n’est pas la fin du monde », dit Mohamed Hage, qui parle de Lufa avec une vision à très long terme. « L’important, c’est les 50 prochaines années », dit-il.

Lufa a aussi ajouté des formats qui permettent des rabais – le format familial n’était pas fréquent dans le marché avant, mais y trouve maintenant sa place. Un exemple : en achetant deux laitues Boston, le client épargne autour de 30 %.

Il y a aussi eu des gains sur le plan de la production agricole. « On s’améliore comme producteur, depuis 12 ans », dit la directrice des communications de Lufa, Yourianne Plante. Produire une tomate en 2023 nous coûte moins cher qu’en 2011. »

Le prix de certains produits a aussi tout simplement baissé, après avoir atteint des sommets en 2021-2022, notamment dans les aliments biologiques.

On a vite compris que, s’il y a une récession, les gens ne vont pas nécessairement donner la priorité aux produits locaux ou biologiques. C’est donc très important que l’on soit compétitif.

Mohamed Hage, fondateur, Lufa

Nouvelle compétition

Si l’entreprise pouvait s’attendre à une diminution de l’engouement post-pandémie, l’inflation et les changements de comportements des consommateurs que cela impose étaient moins prévisibles.

D’autant plus que Lufa vivait une croissance maintenue depuis sa fondation – autour de 30 % à 40 % par année, dit Hage. Le ressac a frappé fort dans ce groupe « d’optimistes ».

L’entreprise doit aussi composer avec les épiceries traditionnelles qui ont également développé un meilleur service de livraison – on ne croisait pas de camion Voilà ! sur la route en 2020.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

La ferme intérieure de Lufa, à Saint-Laurent

Pour aller chercher de nouveaux clients, Lufa lance sa toute première campagne publicitaire. Elle va être essentiellement virtuelle, à l’exception d’un panneau publicitaire.

« On n’a jamais eu besoin de faire de campagne de publicité, dit Yourianne Plante. On était chanceux. Le bouche-à-oreille et les évènements faisaient l’affaire. Maintenant, on arrive à un point où il faut parler à la masse. On veut aller chercher monsieur et madame Tout-le-Monde. De Québec à Gatineau. Notre territoire de livraison. »

La campagne de publicité vante le rapport qualité-prix et Lufa veut envoyer le message que ses prix dans les catégories comparables, le bio, par exemple, sont compétitifs.

« On ne veut pas être un service pour les riches. On veut servir tout le monde », dit Mohamed Hage dont le but est de ramener Lufa à une croissance annuelle de 40 %. Un objectif ambitieux.

Les Fermes Lufa

Fondation : 2009, par Mohamed Hage

La première serre a été inaugurée en 2011 sur un toit du quartier Ahuntsic.

Nombre de serres : quatre, qui totalisent une superficie de production de plus de 300 000 pieds carrés, et une ferme intérieure, à Saint-Laurent

Nombre d’abonnés : 62 336

Lufa va semer pour la première fois le 7 mars 2024 dans sa nouvelle serre du Marché central de Montréal, pour une production deux mois plus tard.

L’entreprise veut augmenter sa production de 10 % à 20 % dès 2024.