(Granby) Québec et Ottawa n’ont pas hésité à entrer dans la course aux subventions pour séduire les acteurs de la filière des batteries, une approche qui ne fait pas l’unanimité. « On ne fait pas de cadeaux à personne », rétorque le premier ministre François Legault, en affirmant que ceux qui prétendent le contraire s’adonnent à de la « petite politique ».

Agacé par cette question, M. Legault a choisi d’aborder lui-même le sujet en confirmant l’arrivée de Solutions énergétiques Volta Canada à Granby, mardi, au cours d’une conférence de presse à grand déploiement réunissant des représentants des trois ordres de gouvernement.

Estimé à 750 millions, ce projet est soutenu financièrement par un prêt-subvention de 150 millions du gouvernement Legault et jusqu’à 70 millions du gouvernement Trudeau. Il entraînera la création de 260 emplois.

« J’ai entendu des choses qui m’achalent un petit peu, a lancé M. Legault, pendant son allocution. Chaque fois que le gouvernement donne de l’aide à une entreprise, on s’assure que les retombées pour les Québécois excèdent ce montant d’aide. Il faut comprendre que le secteur manufacturier, son repositionnement est en train de se jouer actuellement. De penser que ça serait une bonne idée de ne rien faire et d’attendre, je pense que ça serait une erreur. »

Annonces coûteuses

Cette sortie du premier ministre survient moins de trois semaines après l’attribution d’une aide financière à Ford pour convaincre le constructeur automobile et ses partenaires de construire une usine de matériaux de cathode – l’un des principaux éléments de la batterie que l’on retrouve dans les véhicules électriques –, à Bécancour.

Dans quelques semaines, Québec et Ottawa devraient sortir le chéquier une fois de plus lorsque le fabricant de cellules Northvolt confirmera un projet d’environ 7 milliards sur la Rive-Sud de Montréal.

Au cours de son allocution, François Legault s’est abstenu de nommer les personnes visées par ses remarques. En point de presse, il est cependant allé plus loin en citant Québec solidaire (QS) et son co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois.

« [Ils] aiment beaucoup dire qu’on ne devrait pas aider les méchantes riches entreprises, a lancé M. Legault. Sauf que si l’on donne un dollar à une entreprise comme on le fait aujourd’hui et que ça rapporte aux Québécois, on est gagnants et on s’assure d’avoir ici des emplois de l’avenir pour nos jeunes. »

Aux côtés de son ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, et du ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, M. Legault n’avait toutefois pas de retombées précises à chiffrer lorsqu’il lui a été demandé s’il pouvait offrir un portrait.

En rappelant que des endroits comme les États-Unis et l’Europe offrent des subventions encore plus généreuses, M. Champagne a pris la balle au bond. Il a abondé dans le même sens que M. Legault en faisant valoir que la filière des batteries n’en est qu’à ses balbutiements et qu’il faudra du temps pour mesurer l’ampleur des retombées.

« On est en train de créer une nouvelle industrie comme nous avons eu l’industrie des pâtes et papiers, l’industrie de l’aluminium et de la biofabrication, a dit le ministre fédéral. On est en train de bâtir l’avenir. On ne peut pas faire une équation sur cinq à dix ans. »

Une première

Dans le parc industriel de Granby, Solutions énergétiques Volta, propriété du groupe sud-coréen Solus Advanced Materials, produira des feuilles de cuivre. Elles entrent dans la fabrication de l’anode, le pôle négatif de la batterie lithium-ion. Il s’agira de la première installation du genre au Canada.

La production devrait démarrer vers 2026. L’usine produira alors 25 000 tonnes de feuilles de cuivre annuellement. Elle doublera sa production l’année suivante avec l’ajout d’un deuxième bâtiment afin d’atteindre 63 000 tonnes par année. Cela devrait permettre de produire une partie des matériaux nécessaires pour 2,5 millions de véhicules chaque année.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, LA PRESSE CANADIENNE

Solutions énergétiques Volta Canada produira des feuilles de cuivre. Sur la photo, du cuivre en rouleau.

Président de Solus Advanced Materials et de Solutions énergétiques Volta, Daeje Chin a lui aussi défendu l’aide financière offerte à son entreprise. En anglais, il a expliqué que l’argent servirait à éponger les coûts de construction et que l’arrivée de la multinationale attirerait d’autres entreprises du même créneau dans la région.

« Vous devez croire en eux, a dit M. Chin, en faisant référence à MM. Legault, Fitzgibbon et Champagne. Ce sont de bons partenaires. Nous aurions pu aller partout, comme aux États-Unis. Mais il y avait des éléments importants pour nous ici. »

À Granby, Solus a racheté une usine qui produisait autrefois des feuilles de cuivre pour le marché des circuits imprimés. Le bâtiment est déjà construit et une partie de l’équipement peut être réutilisé. Cela accélère le processus.

M. Chin a également vanté l’approvisionnement en hydroélectricité. En Hongrie, où Solus exploite aussi une usine de feuilles de cuivre, la fluctuation des prix du gaz naturel – l’énergie utilisée pour alimenter les installations – en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie a parfois multiplié par cinq le prix de la facture énergétique, a-t-il dit.

En savoir plus
  • 26 millions
    Partie du prêt offert par Québec à Solutions énergétiques Volta qui pourrait se transformer en subvention
    Source : gouvernement du Québec
    20 personnes
    Effectif de Volta à Granby
    Source : Solutions énergétiques Volta