Alors que l’intelligence artificielle (IA) consomme des quantités astronomiques d’énergie souvent polluante, deux partenaires québécois, Micro Logic et QScale, pourraient avoir trouvé une solution alléchante : un centre de traitement de données vert à Lévis propulsé par une plateforme infonuagique 100 % québécoise.

Les deux partenaires annonceront ce mardi une collaboration qui, selon le communiqué, « fera du Québec un incontournable de l’IA à travers le monde ». Un des rares fournisseurs infonuagiques au Québec, Micro Logic installera dans le centre de données de QScale des serveurs très puissants consacrés aux calculs dits de « haute densité ». Très énergivores, ils sont notamment utilisés pour l’entraînement de l’intelligence artificielle, ainsi que la simulation pour des applications industrielles, commerciales, scientifiques et universitaires. On s’attend à ce que les installations desservent les premiers clients à la fin de l’été.

Cette solution logicielle, vante en entrevue le PDG de Micro Logic, Stéphane Garneau, est basée sur « un cloud 100 % souverain », pouvant donc garantir à ses clients que les données demeurent sous juridiction canadienne.

Serre fin 2024

Ces serveurs seront installés dans la première phase, sur les huit prévues, du centre de données QScale à Lévis, en banlieue de Québec. Cette installation est la première au Canada à avoir reçu l’attestation OCP Ready pour son efficacité énergétique. Elle profite notamment du climat québécois, d’un système de refroidissement liquide et d’un bloc d’approvisionnement de 142 mégawatts d’hydroélectricité pour proposer à ses clients « de 80 à 90 % de réduction d’émissions de gaz à effet de serre », précise Martin Bouchard, président de QScale.

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Stéphane Garneau (à gauche), PDG de Micro Logic, et Martin Bouchard, PDG de QScale

« Fin 2024, début 2025 », affirme-t-il, une serre utilisant la chaleur émise par les serveurs commencera ses activités. On pourrait théoriquement y faire pousser quelque 82 000 tonnes de tomates par année.

Nuance importante pour attirer des clients internationaux, le centre de données exploité par Micro Logic dans les installations de QScale sera spécialisé dans le traitement des données, et non dans leur stockage et leur utilisation en temps réel. Autrement dit, le délai de réponse, la « latence » qu’on tente de réduire avec des centres de données plus proches, a moins d’importance.

« On offre une solution qui n’existe à peu près pas à travers le monde, estime M. Garneau. Un client en Grande-Bretagne embarqué dans un processus de réduction de ses émissions de GES, et qui a des besoins pour traiter ses données, va perdre plusieurs années d’efforts s’il recourt à des installations utilisant de l’énergie fossile. »

« Un gros aimant »

En entrevue, les deux PDG se montrent particulièrement enthousiastes au sujet de l’impact que pourrait avoir ce centre de traitement des données pour le Québec. « La demande mondiale est folle, note M. Garneau. On veut s’assurer que le Québec, le Canada aient une espèce de souveraineté du traitement informatique. Si ce sont seulement les géants de l’industrie qui le contrôlent, que va-t-il arriver à nos entreprises ? […] C’est comme une course à l’armement. Comme l’autonomie alimentaire, il faut s’assurer de ne pas donner ça à l’étranger. »

M. Bouchard, lui, estime en outre que ce centre sera « un gros aimant qui va attirer beaucoup de projets ». Les ententes d’approvisionnement pour la phase 1 du centre, à hauteur de 142 mégawatts, sont signées avec Hydro-Québec. Pour la suite des choses, « on est en attente de certaines décisions », laisse-t-il tomber.

Avant février dernier, la société d’État avait l’obligation de brancher tous les projets de moins de 50 MW. Le gouvernement et Hydro-Québec doivent maintenant de concert autoriser les projets de plus de 5 MW. « On pense qu’on coche beaucoup de cases dans les nouveaux critères », estime M. Bouchard.

Il reconnaît qu’un centre de données n’est pas un grand créateur d’emplois, mais insiste sur son effet sur l’écosystème. Stéphane Garneau estime que Micro Logic est un « exemple concret » de cet impact. « On est rendus à 350 emplois, on va doubler. Le volet avec QScale va créer encore des centaines d’emplois », annonce-t-il.

En savoir plus
  • 300 millions
    Tonnes d’émissions en équivalent CO2 émises par les centres de données dans le monde en 2021
    Source : Agence internationale de l’énergie