Alors que le syndicat s’inquiète de ne recevoir que des « miettes » du tramway de Québec, la firme qui a décroché le contrat assure au contraire que l’usine de La Pocatière réalisera le plus gros des travaux estimés à 1,34 milliard.

« C’est une mauvaise lecture de la situation », a soutenu le porte-parole d’Alstom, Olivier Marcil, au sujet de la sortie du syndicat affilié à la CSN qui a déploré que la construction des voitures du tramway échappe à l’usine de La Pocatière au profit du Mexique.

Les voitures du tramway de Québec ne seront pas construites au Mexique, a assuré le porte-parole de la multinationale lors d’un entretien avec La Presse. « Les voitures seront construites à partir de pièces provenant de différents fournisseurs, y compris de fournisseurs du Québec, dans une nouvelle chaîne de montage à La Pocatière », a-t-il expliqué.

L’ancienne usine de Bombardier de La Pocatière, rachetée par Alstom en 2021, sera l’usine de l’entreprise qui aura la plus grande part du contrat du tramway de Québec, a affirmé M. Marcil.

Alstom a été le seul soumissionnaire à la suite de l’appel d’offres lancé par la Ville de Québec. Le contrat signé lundi par les parties prévoit la construction de 34 rames de 4 voitures pour un total de 136 voitures, et leur maintenance pour une période de 30 ans, au coût de 1,34 milliard.

Les tramways 100 % électriques sont ceux de la gamme Citadis d’Alstom qui roulent déjà dans plusieurs villes françaises, de même qu’à Ottawa, Rotterdam et Rio de Janeiro. Le tramway de Québec roulera sur un trajet de 29 kilomètres et devrait être prêt en 2029.

Le design et l’ingénierie des voitures ont été réalisés par les ingénieurs d’Alstom à Saint-Bruno-de-Montarville, et elles seront assemblées à l’usine de La Pocatière, qui était « au cœur de notre offre à la Ville de Québec », selon l’entreprise.

Du contenu local

Contrairement au contrat du Réseau express métropolitain (REM) accordé à la Caisse de dépôt sans exigence de contenu local (les voitures ont été construites en Inde), celui du tramway de Québec venait avec des conditions.

« Il y avait deux obligations importantes à l’appel d’offres, soit un minimum de 25 % de contenu local et la réalisation de l’assemblage final au Québec », a précisé Olivier Marcil, en ajoutant que l’usine de La Pocatière aurait « la part du lion » du contrat du tramway.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Voiture de tramway au centre d’innovation d’Alstom à Saint-Bruno-de-Montarville

La part de 25 % de contenu local devrait être dépassée, selon le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, qui estime que les syndiqués de l’usine s’inquiètent à tort.

« L’usine n’a jamais été dans une bonne position », a-t-il dit en réponse aux questions du chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon.

« Quand Alstom a acheté Bombardier, il y avait 100 personnes [à l’usine] et ils n’avaient plus de contrats. Aujourd’hui, il y a 400 personnes et ils ont de la misère à recruter », a aussi dit le ministre, interrogé par La Presse.

« Ils assemblent », dit Fitzgibbon

« Il faut comprendre c’est quoi, La Pocatière. La Pocatière ne fait pas des trains de A à Z, ils n’ont jamais fait aucun train de leur vie. Ils assemblent. »

Avec le contrat de la Ville de Québec, l’usine hérite « du gros de l’ouvrage », selon lui.

Du côté syndical, on soutient au contraire que l’usine de La Pocatière a déjà construit des trains et en construit encore, puisqu’elle fabrique actuellement les voitures du tramway de Toronto. Se limiter aux opérations d’assemblage risque de lui faire perdre son expertise.

« On ne lève pas le nez là-dessus, mais on aurait voulu avoir plus », a fait savoir Louis Bégin, président de la Fédération de l’industrie manufacturière de la CSN.

M. Bégin rappelle que le gouvernement de M. Fitzgibbon a accordé un « prêt pardonnable » de 56 millions à Alstom pour moderniser l’usine de La Pocatière dans le but d’en faire un centre d’expertise dans le transport collectif.

La part de 25 % de contenu local apparaît bien insuffisante pour viser cet objectif, selon le syndicat, et elle devrait être augmentée.

Pour le ministre, il s’agit d’une autre discussion. « Il faut choisir nos batailles », a-t-il dit. « Est-ce qu’on veut intégrer au Québec les tramways au complet ? s’est-il demandé. Peut-être que si on a quatre ou cinq REM qui s’en viennent, on va convaincre Alstom de faire une vraie usine de fabrication de morceaux. On n’en est pas là, mais on les courtise. »

Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse, à Québec