Il est « impossible » pour Lion Électrique d’être « profitable » pendant qu’elle construit de nouvelles usines, affirme son fondateur et grand patron, Marc Bédard. À l’écouter, il y a cependant une lueur d’espoir pour les investisseurs déçus : les bénéfices pourraient apparaître dès l’an prochain.

En soulignant lundi une « grande première » – l’inauguration d’une usine de batteries à Mirabel –, l’homme d’affaires s’est retrouvé contraint de répondre à des questions entourant la performance boursière et les finances du constructeur d’autobus et de camions électriques.

« Pour la fondation de Lion, est-ce que je suis fier des décisions ? Oui. Est-ce que je suis fier de la valorisation [boursière] aujourd’hui ? Non. Par contre, je ne peux pas y changer grand-chose », a expliqué M. Bédard, en mêlée de presse, en marge de l’évènement.

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L’usine de Lion Électrique à Mirabel permettra d’assembler les batteries qui seront installées sur les autobus et camions électriques construits par l’entreprise.

La Compagnie électrique Lion affiche toujours des pertes d’exploitation, environ deux ans après son arrivée en Bourse. Sur Bay Street, on est loin du sommet de 28,40 $ l’action atteint en juin 2021. Le titre a même touché un creux des 52 semaines la semaine dernière avant de reprendre un peu de poil de la bête. Le titre a gagné 11,9 % lundi, pour clôturer à 2,63 $, ce qui confère une valeur boursière de 581 millions à l’entreprise.

Plusieurs acteurs de l’électrification, comme Rivian et Proterra, ont été secoués en Bourse au cours de la dernière année dans un contexte de volatilité économique, a souligné M. Bédard, en rappelant que Lion n’était pas l’exception à la règle.

Dépenses réduites

Sans aller jusqu’à en faire une promesse, il laisse entendre que les bénéfices – un élément qui contribuerait à rassurer les analystes – pourraient poindre à l’horizon. Une des raisons ? Des investissements qui devraient être beaucoup moins importants à compter de l’an prochain.

Lion s’attend à consacrer environ 65 millions US (87 millions CAN) cette année à son site d’assemblage américain situé en Illinois ainsi que pour l’usine de batteries de Mirabel, dans les Laurentides. Dès 2024, les dépenses en capital vont « vraiment baisser », affirme le président et chef de la direction. L’analyste Ruper Mercer, de la Financière Banque Nationale, croit qu’elles devraient se chiffrer à 52 millions. Chez Valeurs mobilières Desjardins, Benoit Poirier anticipe 40 millions US.

La majorité des dépenses d’investissement à faire ont été faites. Il en reste en 2023. Le défi à court terme consiste à absorber ces coûts à court terme. On ne donne pas de prévisions, mais l’objectif est d’être profitable. Notre but n’est pas de construire toujours et de ne pas être profitables.

Marc Bédard, président et chef de la direction de Lion Électrique

Même si six des neuf analystes qui suivent les activités de Lion recommandent d’acheter l’action de l’entreprise, les investisseurs doivent suivre certains indicateurs, suggèrent-ils. Avec 88 millions US dans les coffres en date du 31 décembre dernier, il existe toujours un risque de dilution si l’entreprise a besoin d’argent, rappelle Tamy Chen, de BMO Marchés des capitaux.

« Nous croyons qu’il faudra encore plusieurs années pour que les commandes de camions électriques soient plus significatives », souligne l’analyste dans un récent rapport, en ajoutant que Lion doit livrer un plus grand nombre de véhicules électriques et s’assurer de produire suffisamment de batteries, ce qui n’est pas une mince affaire.

Repousser les prédateurs

Présent à la conférence de presse, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, a exprimé sa confiance à l’égard de la direction de Lion. C’est plutôt sur la valeur boursière de l’entreprise qu’il garde un œil.

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Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

« Il faut faire attention de ne pas perdre ces sociétés, a-t-il dit. Quand on voit des prix boursiers comme celui-là, ma crainte, c’est que nous sommes vulnérables [à une offre d’achat]. C’est sûr qu’il faut garder un œil ouvert. »

M. Bédard est du même avis, mais prévient qu’il n’est « pas à vendre ». Ensemble, le président de Lion et Power Corporation contrôlent 47,5 % du constructeur de camions et d’autobus électriques – de quoi refroidir les ardeurs d’un acquéreur tenté de présenter une offre d’achat non sollicitée.

« Je ne veux pas parler pour eux [Power Corporation], mais je pense que ça se passe bien, a dit M. Bédard. Ce point-là [une vente], je ne le vois pas. »

Les principaux actionnaires de Lion Électrique

  • Power Corporation du Canada (35,37 %)
  • Marc Bédard (12,13 %)
  • Invesco Capital Management (2,34 %)
  • XPND Croissance (1,98 %)

Source : Refinitiv

Lion Électrique a bénéficié de prêts totalisant 100 millions de la part d’Ottawa et de Québec pour construire son usine, dont la facture est estimée à 185 millions. En exploitant son propre complexe de batteries, l’entreprise ne dépendra plus de fournisseurs externes. Cela devrait lui permettre de réduire le coût de construction d’un véhicule de l’ordre de 10 à 15 %, selon M. Bédard.

Lion défend son camion électrique

Le grand patron de Lion Électrique assure que la Société des alcools du Québec (SAQ) n’est pas insatisfaite de son premier camion 100 % électrique. « C’est une fausse nouvelle, ce n’est pas la position de la SAQ », a dit M. Bédard, en mêlée de presse. Un reportage de Radio-Canada diffusé à la fin de mars avançait que la société d’État était déçue de la performance du Lion8 reçu en février dernier. Le camion aurait été « impropre à la conduite », aurait confié un cadre de la société d’État à Radio-Canada, qui n’a pas révélé l’identité de ce dernier. « C’est normal qu’un véhicule revienne, surtout au début d’une relation d’affaires, a répliqué M. Bédard. Le véhicule n’a pas roulé beaucoup, il y a certains ajustements à faire. Est-ce que les véhicules sont parfaits ? Ça serait ridicule de dire oui. » Radio-Canada assure avoir faites toutes les vérifications nécessaires avant la diffusion du reportage et fait valoir que la SAQ n’a jamais contesté le contenu de celui-ci ou demandé de rectificatif.

En savoir plus
  • 5000 batteries
    Production anticipée cette année à l’usine de Lion Électrique à Mirabel
    source : lion électrique
  • 14 000
    Nombre d’autobus et de camions qui pourront être électrifiés si l’usine remplit ses promesses
    source : Lion électrique