En entrevue avec La Presse, le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, s’estime confiant du succés de Vidéotron hors Québec, une expansion qui fera suite au rachat par son entreprise de Freedom Mobile.

Maintenant que l’acquisition de la filiale sans fil de Shaw est conclue, le grand patron de Québecor soutient que la stratégie visant à attirer de nouveaux clients sera mise en œuvre « relativement rapidement », et se dit convaincu que l’entreprise qu’il dirige a tout ce qu’il faut pour s’imposer dans le reste du Canada.

« Si vous me demandez s’il nous manque quelque chose, la réponse est non, il ne nous manque rien pour avoir du succès », lance Pierre Karl Péladeau dans une entrevue visant à faire le point sur l’achat de Freedom Mobile, une transaction de 2,85 milliards réalisée en marge de la fusion de Rogers et Shaw.

« Nous avons tous les atouts nécessaires pour offrir un produit de très haute qualité, très avantageux. »

Le processus d’approbation de la transaction s’est étiré sur de nombreux mois, au point que les équipes de direction de Freedom et de Shaw étaient un « peu sur pause », dit Pierre Karl Péladeau.

C’est à nous de reprendre le tempo et de lancer des campagnes de marketing.

Pierre Karl Péladeau

À cet effet, il préfère demeurer discret sur les détails. « Nos concurrents sont toujours à l’affût et à l’écoute. On ne veut pas divulguer nos stratégies. »

Québecor ne disposera pas des mêmes outils (journaux, chaînes télé, etc.) qu’au Québec pour annoncer ses produits. Les dépenses de marketing seront donc plus importantes.

Des forfaits grâce à VMedia

Pierre Karl Péladeau n’est néanmoins pas du même avis que ceux qui croient que Québecor est pénalisée parce que l’entreprise ne peut proposer tous les services en bouquets offerts par la concurrence.

Il explique que l’acquisition l’an passé du fournisseur indépendant de télécommunications VMedia, qui offre la télévision IP, l’internet et la téléphonie avec des abonnés surtout dans la grande région de Toronto, permettra d’offrir des produits en assemblage.

En plus de tirer avantage de VMedia, Pierre Karl Péladeau ajoute que l’entreprise a d’autres outils à sa disposition, notamment l’accord d’itinérance bouclé avec Rogers.

Il souligne aussi que Vidéotron est passée de zéro abonné au cellulaire au lancement des activités sans fil il y a 15 ans à 1,7 million d’abonnés aujourd’hui.

« C’est le témoignage du succès de nos stratégies et on entend bien les déployer dorénavant pour Freedom. »

L’acquisition de Freedom, qui compte aussi 1,7 million d’abonnés, permet de doubler d’un coup le nombre d’abonnés à des services sans fil au sein de l’entreprise.

Le succès de l’expansion hors Québec se mesurera, selon Pierre Karl Péladeau, avec les résultats qui seront présentés d’un trimestre à l’autre, l’amélioration du bilan, des marges bénéficiaires, des flux de trésorerie, la réduction du niveau d’endettement et la croissance du nombre d’abonnés. « Et aussi par ce qu’en diront les analystes au fur et à mesure que le temps passera », précise-t-il.

Pas de projections

Lorsqu’on lui demande si un échéancier est fixé pour jeter l’éponge dans l’éventualité où le projet d’expansion à l’extérieur du Québec ne fonctionnerait pas, il durcit le ton. « Il n’est pas question de tirer la plug. Ça m’étonnerait que ce soit le cas dans six mois, dans deux ans ou dans cinq ans. Il y a un quatrième opérateur qui est né », dit-il.

« Avec un meilleur produit, de meilleurs tarifs et une itinérance qui coûtera moins cher, le succès sera au rendez-vous. »

M. Péladeau soutient même ne pas entrevoir d’« énormes défis ». « Nous avons l’expertise d’opérateur. » Pour l’aspect commercialisation et le placement média au Canada, il rappelle que Québecor a déjà été un des plus importants éditeurs de journaux au pays.

Québecor n’offre jamais de prévisions et n’a pas l’intention de commencer à le faire. Pierre Karl Péladeau n’a donc pas souhaité révéler les objectifs financiers fixés à l’interne pour les parts de marché à atteindre, les revenus, le nombre d’abonnés ou autres.

On garde nos objectifs pour nous. On se consacre à améliorer nos activités. Gérer les projections nécessite un gars de finance uniquement là-dessus. C’est plus utile de consacrer nos ressources à attirer des clients, améliorer notre réseau et commercialiser adéquatement nos produits.

Pierre Karl Péladeau

Les dépenses en immobilisations à venir se chiffreront en centaines de millions. « Mais elles ne pénaliseront pas notre capacité à générer des flux de trésorerie libres », assure Pierre Karl Péladeau.

Les résultats de Québecor reflètent depuis près de deux ans maintenant un ralentissement de croissance causé notamment par le stade plus mature atteint par les activités de l’entreprise dans le sans-fil au Québec ainsi que par l’intensification de la concurrence offerte par BCE dans la province.

« La réalité est que Québecor a besoin de Freedom », affirme l’analyste Tim Casey, de la BMO, dans un rapport publié lundi.

L’action de Québecor a dépassé la barre des 34 $ lundi à Toronto, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis mai 2021. Le titre a clôturé la première séance boursière de la semaine en hausse de 1 %, à 33,80 $.

Fin des hostilités entre Québecor et Rogers

Après avoir appuyé le projet de fusion de Rogers et Shaw pendant des mois et rassuré le fédéral en achetant la filiale sans fil de Shaw, Québecor a annoncé lundi avoir réglé un litige qui l’opposait à Rogers depuis deux ans.

La principale filiale de Québecor, Vidéotron, réclamait 850 millions à Rogers en lien avec un partenariat de 20 ans signé en 2013 pour le développement conjoint d’un réseau sans fil 4G LTE au Québec et dans la région d’Ottawa.

Le projet de Vidéotron et Rogers avait tourné en dispute commerciale menant au dépôt d’une poursuite en Cour supérieure du Québec à l’automne 2021.

Québecor accusait Rogers d’avoir provoqué une impasse dans le développement du réseau commun alors que les deux parties peinaient à s’entendre sur le partage des coûts liés à une mise à jour du réseau. Les relations étaient devenues tendues au point de mener à l’élaboration de solutions de rechange comme la mise sur pied de réseaux parallèles.

La direction de Québecor a fait savoir lundi que les entreprises demeurent engagées à poursuivre l’entente et à investir dans le réseau conjoint.

Pierre Karl Péladeau n’a pas voulu préciser les modalités du règlement. « Nous avons convenu avec Rogers que c’est confidentiel. » Il ajoute simplement que la direction actuelle de Rogers est revenue à l’essentiel de l’esprit de l’entente de départ, qui était de s’assurer d’avoir le meilleur réseau au meilleur coût.