(Ottawa) Une alliance improbable entre les épiciers indépendants du Canada et les trois plus grandes chaînes du pays se forme au milieu des accusations voulant que les épiceries soient responsables de la forte hausse des prix des produits alimentaires.

Les législateurs ont, à tour de rôle, fustigé mercredi les dirigeants de Loblaw, Metro et Empire lors d’une audience parlementaire à Ottawa, accusant les détaillants de faire grimper les prix des aliments pour augmenter leurs profits.

Les allégations ont incité un critique généralement virulent des trois géants à prendre la décision inhabituelle de les défendre sur la question de l’inflation alimentaire.

« Je ne suis en aucun cas un apologiste des chaînes — nous avons beaucoup de problèmes avec elles », a affirmé jeudi Gary Sands, vice-président principal des politiques publiques de la Fédération canadienne des épiciers indépendants.

« Mais les indépendants observent les mêmes hausses de fournisseur que les chaînes, a-t-il expliqué. Les détaillants à la fin de la chaîne d’approvisionnement sont devenus le point de mire de la colère de tout le monde face à la hausse des prix des aliments […], mais nous savons que ces facteurs échappent à leur contrôle. »

Le problème est que les fournisseurs de produits alimentaires répercutent les augmentations de coûts sur les épiciers.

Alors que les fournisseurs procédaient, par le passé, à une augmentation de prix par année, M. Sanders a noté qu’ils augmentaient maintenant les prix deux ou trois fois par an, souvent avec des hausses de plus de 10 %.

Et les épiciers indépendants reçoivent les mêmes augmentations de prix stupéfiantes de la part des fournisseurs de produits alimentaires que les grandes chaînes, a-t-il enchaîné.

Il n’existe tout simplement aucun modèle d’affaires au Canada où il est impossible d’empêcher de répercuter ces augmentations sur les clients.

Gary Sands, vice-président principal des politiques publiques de la Fédération canadienne des épiciers indépendants

Pourtant, les principaux épiciers ont affiché des résultats financiers exceptionnels dans un contexte de forte inflation des produits d’épicerie, qui a atteint 11,4 % en janvier, par rapport au même mois l’an dernier.

Les trois grands épiciers ont affiché des profits plus élevés au premier semestre de 2022 par rapport à leur performance moyenne au cours des cinq dernières années, selon un rapport de l’Université Dalhousie.

Ces entreprises se défendent en affirmant que leurs bénéfices ont peut-être augmenté, mais que leurs marges alimentaires sont restées stables.

Selon elles, les marges plus élevées proviennent des ventes de pharmacies, de cosmétiques et de vêtements, tandis que les ventes globales ont bénéficié de la migration des dépenses des consommateurs des restaurants vers les épiceries.

Le président de Loblaw, Galen Weston, a indiqué mercredi aux députés que les bénéfices de l’entreprise s’élevaient à environ 1 $ pour chaque tranche de 25 $ dépensée en épicerie.

Alors que les Canadiens cherchent un coupable, M. Sands a noté que la hausse des prix des aliments provenait de facteurs de confluence : l’invasion de l’Ukraine, les sécheresses et les inondations, la hausse des coûts de l’énergie et de la main-d’œuvre, les perturbations aux frontières et la grippe aviaire.

« Nous recherchons tous un bonhomme Sept-Heures à qui attribuer la hausse des prix, mais il n’existe pas, a-t-il affirmé. Nous ne pouvons même pas simplement blâmer les fournisseurs, car leurs coûts d’intrants augmentent également. »

Code de conduite en préparation

Pendant ce temps, M. Sands — un membre du comité créant un nouveau code de conduite pour les épiceries — s’est dit heureux de voir le soutien au code exprimé par Loblaw, Sobeys et Metro.

« J’ai hâte d’entendre un soutien similaire de Walmart et Costco. »

Le comité parlementaire a approuvé à l’unanimité une motion pour inviter les dirigeants de Walmart Canada et de Costco Wholesale Canada à témoigner.

M. Sands a souligné qu’une partie importante du code de conduite des épiciers était terminée. Le comité traite toujours des domaines liés à l’arbitrage, à l’application et à la gouvernance, a-t-il ajouté.