(Québec) C’est une première en Amérique du Nord : un train de passagers alimenté par de l’hydrogène vert circulera au Québec cet été en vertu d’un projet-pilote annoncé par le gouvernement Legault, jeudi, en partenariat avec Alstom. Québec a profité de l’occasion pour modérer son discours sur l’hydrogène vert après avoir rejeté en bloc un grand nombre de projets visant à développer ce nouveau carburant plus tôt cette semaine.

Environ le tiers des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports pourra être éliminé grâce à l’hydrogène vert, a indiqué le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui avait un discours beaucoup moins enthousiaste au sujet de cette filière mardi.

Le géant français Alstom, qui a acheté Bombardier Transport il y a trois ans et dont le plus gros actionnaire est la Caisse de dépôt, mettra en service son train Coradia iLint, alimenté par une pile à l’hydrogène, sur le Chemin de fer de Charlevoix à partir de juin, pour une période d’essai de trois à quatre mois. Ce train démonstrateur, fabriqué en Allemagne et dont la pile est produite en Ontario, retournera en Europe cet automne. Il n’est pas adapté aux conditions hivernales du Québec.

L’entreprise Harnois Énergies fournira l’hydrogène vert, alors que HTEC Québec apportera son aide pour le stockage de cette source d’énergie et le ravitaillement du train.

Le projet est évalué à près de 8 millions de dollars, dont 3 millions proviennent du gouvernement.

Le Chemin de fer de Charlevoix, qui appartient au Groupe Le Massif, relie Québec à La Malbaie, une distance de 148 km. Le Coaradia iLint, qui a déjà parcouru 1175 km sans recharge en Europe, sera l’un des trois trains en circulation pendant la période estivale. Sa capacité est de 120 passagers.

Le premier ministre François Legault inscrit ce projet-pilote dans le plan de son gouvernement visant à faire du Québec « un leader mondial de l’énergie verte » et à gagner la course à la carboneutralité en Amérique du Nord.

« Notre objectif, c’est de démontrer qu’une alternative est possible » aux locomotives à diesel, a affirmé de son côté le président d’Alstom Amériques, Michael Keroullé.

« On a un plan qu’on a présenté au gouvernement et à différents partenaires pour amener les technologies à un niveau de maturité requise pour commencer l’industrialisation à l’horizon 2030, a-t-il ajouté. Il y a encore beaucoup d’incertitude sur la technologie. Ça va prendre quelques années. Ensuite, on regardera la phase industrielle et, bien entendu, la possibilité de construire dans les meilleures conditions ici dans la région. »

Michael Keroullé a d’ailleurs signalé que le projet-pilote servira entre autres à « confronter nos ingénieurs qui opèrent à partir du Centre d’expertise de Saint-Bruno aux réalités de l’hydrogène, du rechargement et du fonctionnement ».

Mardi, Pierre Fitzgibbon paraissait bien peu intéressé aux projets qui visent à développer la filière de l’hydrogène vert. Parmi les projets présentés par des entreprises à Hydro-Québec demandant un total de 23 000 MW d’électricité, « il y a des demandes de 9000 MW d’hydrogène vert, ça n’arrivera pas », avait-il lancé.

Il a apporté des nuances importantes jeudi. Parmi les projets qui obtiendront le feu vert – représentant entre 8000 et 10 000 MW sur les 23 000 MW de demandes –, il y en aura une partie visant le développement de la filière de l’hydrogène vert, a-t-il indiqué. Cette partie représenterait combien de MW ? Mystère pour l’instant.

« On ne fera pas 9000 MW de projets d’hydrogène vert, parce que ce n’est pas réaliste, on n’a pas l’électricité. Par contre, on va appuyer certains projets stratégiques comme celui d’Alstom », a répondu le ministre. Il faudra que le gouvernement soit selon lui « sélectif », mais « de là à éliminer l’hydrogène, ce serait une erreur stratégique ».

Ce nouveau carburant « va jouer un rôle important » dans le secteur des transports, responsable de 45 % des émissions de gaz à effet de serre. « Probablement une partie, un tiers, va devoir passer par l’hydrogène parce que les batteries ne sont pas disponibles », a indiqué Pierre Fitzgibbon, faisant allusion au transport lourd. L’hydrogène sera aussi nécessaire pour la production de l’acier vert.

« À court terme, on va prioriser les projets visant une consommation locale d’hydrogène vert et de bioénergie afin de maximiser la réduction des émissions de GES ici au Québec », a-t-il précisé. Le choix des projets reposera également sur l’acceptabilité sociale et la valeur de retombées économiques.

Selon François Legault, « l’hydrogène vert va être important » pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. « Pour l’instant, la rentabilité n’est peut-être pas là, mais on sait que les technologies vont beaucoup évoluer dans les prochaines années […]. C’est prometteur, et il faut être associé à l’innovation. »

Le Coradia iLint est en service depuis 2018 en Allemagne. Le pays a inauguré l’été dernier la première ligne ferroviaire au monde fonctionnant entièrement à l’hydrogène, grâce au partenariat avec Alstom. Le Coradia iLint est « zéro émission » de gaz à effet de serre ; il n’émet que de la vapeur d’eau et de l’eau condensée.