(Calgary) À quelques semaines de la décision finale d’un organisme de réglementation américain, le chef de la direction du Chemin de fer Canadien Pacifique a assuré que la société était « prête à lancer » son projet de fusion avec le chemin de fer américain Kansas City Southern.

Keith Creel, chef de la direction du transporteur ferroviaire établi à Calgary, a fait ce commentaire lors d’une conférence téléphonique avec des analystes plus tôt cette semaine, au cours de laquelle il a confirmé qu’une décision du Surface Transportation Board (STB) des États-Unis était attendue ce trimestre.

« Ce sera une année très spéciale pour nos deux sociétés légendaires, a déclaré M. Creel. Nous avons hâte de nous mettre au travail pour combiner ces deux grandes entreprises et créer de la valeur pour nos clients et nos employés dans l’économie nord-américaine. »

La décision du STB est le dernier obstacle que le CP doit franchir dans son offre d’achat de KCS pour 31 milliards US – un accord qui créerait le seul chemin de fer à ligne unique reliant les États-Unis, le Mexique et le Canada.

Si le STB donne son feu vert à l’accord, le chemin de fer fusionné sera rebaptisé Canadien Pacifique Kansas City (CPKC). M. Creel en sera le chef de la direction et Calgary sera l’hôte de son siège mondial. Le siège social américain de la nouvelle entité se trouvera à Kansas City, au Missouri, et le siège social mexicain sera divisé entre Mexico et Monterrey.

Alors que CPKC restera le plus petit des six grands chemins de fer en service aux États-Unis au chapitre de revenus, il exploitera près de 33 000 kilomètres de rails – s’étendant au Canada, aux États-Unis et au Mexique – et emploiera près de 20 000 personnes.

« Je ne peux pas devancer le STB. Le STB est l’autorité ici et nous avons besoin de son approbation », a affirmé M. Creel, ajoutant que si la décision allait dans le sens du CP, la société prévoyait d’organiser une journée des investisseurs en juin pour fournir plus de détails sur l’avenir du chemin de fer fusionné.

« Je pense que nos faits sont très solides, que c’est une création de valeur très convaincante pour toutes les parties prenantes et qu’elle permet la croissance et tout ce que nous avons dit depuis le début […], mais en fin de compte, c’est à eux de décider. »

Une bataille contre le CN

La route a été longue et semée d’embûches pour en arriver là. Le CP et son concurrent, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), établie à Montréal, étaient tous deux intéressés par l’acquisition de KCS et se sont livré une bataille en coulisses pendant des mois avant que le CP et le chemin de fer américain n’annoncent une entente amicale en mars 2021.

Un mois plus tard, KCS a changé d’alliance en déclarant que l’offre en espèces et en actions du CN, évaluée à 33,6 milliards US, était supérieure.

Cependant, KCS a renouvelé son soutien au CP et à son offre plus tard, après que l’organisme de réglementation des transports américain a refusé au Canadien National l’utilisation d’une fiducie de vote pour la transaction, estimant que ce serait mauvais pour la concurrence.

Le CP, qui avait déjà obtenu l’autorisation d’utiliser une fiducie de vote en vertu d’anciennes règles, a pu conclure sa proposition d’accord en décembre 2021. Depuis lors, les actions de KCS se trouvent dans la fiducie de vote, ce qui permet au chemin de fer américain de fonctionner de manière indépendante pendant que le STB des États-Unis achève son examen.

Le Canadien Pacifique a soutenu que la fusion créerait un réseau ferroviaire plus efficace et plus concurrentiel et offrirait aux clients une option de transport plus fiable et économique desservant les flux commerciaux nord-sud critiques.

Cependant, le CN a demandé au STB d’exiger que la société fusionnée se départisse de certaines des lignes ferroviaires de KCS si l’accord devait être autorisé.

La division antitrust du département américain de la Justice a également exprimé ses inquiétudes au sujet du projet de fusion, avertissant dans une récente lettre au STB que l’accord constituait une menace pour la concurrence et que le régulateur devait « examiner toute transaction qui pourrait affaiblir notre système de fret ».

Pour sa part, le CP a assuré que les clients ne connaîtraient pas de réduction du choix de chemin de fer dans la foulée de la transaction et s’est engagé à maintenir toutes les passerelles ferroviaires de fret existantes ouvertes à des « conditions commercialement raisonnables ».

Impact environnemental

Le CP a également fait valoir que la fusion serait bonne pour l’environnement. Selon lui, le nouveau chemin de fer combiné réduirait les émissions de gaz à effet de serre en aidant les expéditeurs de fret à extraire des autoroutes environ 64 000 camions par an.

Lors de la conférence téléphonique de mardi, le directeur du marketing du CP, John Brooks, a affirmé que le chemin de fer et le KCS avaient déjà effectué des tests en prévision de la décision du STB, faisant circuler des trains du Midwest américain au Mexique sur une base interligne.

« Ces marchés sont desservis aujourd’hui à 100 % par des camions et présentent une formidable occasion de conversion pour le CPKC », a fait valoir M. Brooks.

« Nous avons travaillé avec les clients pour identifier des économies d’émissions de gaz à effet de serre d’environ 60 % à 75 % par rapport à leur mode actuel sur ces déplacements spécifiques. »

Le CP a indiqué que l’accord, s’il devait se concrétiser, sera relutif pour ses résultats dès la première année. Dans une note aux clients cette semaine, l’analyste Walter Spracklin, de RBC Marchés des capitaux, a souligné que si l’incertitude économique et le potentiel d’une récession cette année constituaient des menaces pour le secteur du transport ferroviaire, la « nature structurelle » de la croissance du CP isolait le transporteur des facteurs macroéconomiques « comme aucun autre chemin de fer, à notre avis ».

« De plus, nous considérons que les avantages de l’intégration sont réels et susceptibles d’être revus à la hausse », a poursuivi M. Spracklin.

L’analyste Steve Hansen, de la firme Raymond James, a pour sa part indiqué dans une note à ses clients que la décision du STB pourrait intervenir dès la mi-février, avec une « voie vers le contrôle total du CP » sur KCS attendue d’ici la mi-mars.