Le plan d’Annie Titheridge est d’arriver au centre commercial avant son ouverture, d’acheter des cadeaux pour tout le monde sur sa liste et d’éviter la circulation aux heures de pointe de l’après-midi.

« Mon mari et ma fille pensent que je suis folle de faire du magasinage le Vendredi fou », confie celle qui se rendra en voiture de King City, au nord de Toronto, jusqu’au centre commercial Yorkdale, dans la métropole, pour la journée.

« Il y a beaucoup de monde, mais je préfère quand même faire mes courses dans les magasins, explique-t-elle. Je préfère toucher et sentir les produits avant d’acheter. »

Le plus grand évènement de magasinage de l’année arrive vendredi, une série d’aubaines annoncée par une avalanche de courriels promotionnels, de publicités en ligne et de circulaires papier.

Le Vendredi fou a évolué ces dernières années, passant d’un évènement d’une journée — lorsque les acheteurs faisaient la queue toute la nuit devant les magasins à grande surface pour profiter des ventes limitées dès l’ouverture des portes — à une saison entière de soldes.

« Il s’agit moins d’une journée que d’une période plus longue », observe Eric Morris, directeur général du commerce de détail chez Google Canada.

« Cela s’est vraiment transformé au Canada, du Vendredi fou et du Cyberlundi en de très nombreuses semaines d’activité commerciale accrue. »

Pourtant, de nombreux Canadiens prévoient de rechercher des offres pendant la journée même du Vendredi fou, alors que les achats dans les magasins physiques font un retour après deux saisons des Fêtes pandémiques.

De plus petits budgets

Une nouvelle étude de la firme de services professionnels JLL suggère que les acheteurs canadiens seront plus économes cette saison des Fêtes, mais aussi qu’ils auront davantage le goût de faire des achats en magasin.

Selon les résultats d’un sondage réalisé auprès de 982 Canadiens, de la fin octobre à la mi-novembre, 90 % des répondants prévoyaient de passer du temps dans les centres commerciaux, même si la plupart avaient l’intention de faire d’abord des recherches en ligne.

« Les acheteurs vont dans le commerce de détail physique (magasins) comme en 2019 », indique le rapport d’enquête JLL 2022 sur les vacances au détail. « Moins d’acheteurs hésitent à faire leurs achats en personne. »

Malgré tout, les budgets pour les cadeaux devraient baisser de 13 %, car les Canadiens dépensent plus d’argent pour les dépenses de base comme le loyer, l’épicerie et l’essence.

En effet, les deux tiers des répondants à un récent sondage de Comptables professionnels agréés du Canada ont indiqué que l’inflation rendrait plus difficile l’achat de cadeaux pendant la période des Fêtes.

Plus d’un Canadien sur cinq s’attend également à s’endetter pour payer des cadeaux, selon le sondage de CPA Canada auprès de plus de 2000 Canadiens, réalisé par Ipsos plus tôt cet automne.

Mme Titheridge compte sur de bonnes trouvailles pour son Vendredi fou au centre commercial de Yorkdale, l’un des plus grands de Toronto.

« J’espère faire de bonnes affaires parce que les choses sont plus chères maintenant, explique-t-elle. Mon mari a récemment pris sa retraite, nous essayons donc de faire plus attention à la façon dont nous dépensons notre argent. »

Dans ses perspectives de vente au détail pour les Fêtes de 2022, Deloitte Canada a souligné que les dépenses globales des Fêtes devraient baisser cette année dans un contexte de montée en flèche de l’inflation, de crainte de récession et de taux d’intérêt plus élevés.

Avec moins d’argent à dépenser en cadeaux, les Canadiens seront plus sensibles aux prix que d’habitude, a estimé Marty Weintraub, associé et leader national des services-conseils au détail chez Deloitte.

« La chasse aux aubaines atteindra probablement un niveau record alors que les Canadiens cherchent à étirer leur budget des Fêtes », a-t-il déclaré.

Même pour le Vendredi fou, les Canadiens devraient être plus sélectifs dans leurs dépenses cette année.

Les Canadiens qui rencontrent des « frictions » lors de leurs achats, comme un problème de disponibilité des produits ou un prix non concurrentiel, passeront rapidement à autre chose, a estimé Elliot Morris, chef de l’épicerie et des biens de consommation emballés chez EY Canada.

« Le coût de cette friction aujourd’hui est que les gens retardent ou renoncent complètement à un achat, a-t-il expliqué. Le prix et la disponibilité sont essentiels […] il ne faudra pas grand-chose pour que les gens passent à autre chose. »

Plus de stocks que prévu

Pendant ce temps, de nombreux détaillants se retrouvent avec plus de stocks que prévu — une conséquence des maux de tête connus par la chaîne d’approvisionnement plus tôt dans l’année, qui a incité les magasins à commander des marchandises plus tôt que d’habitude, juste au moment où la forte inflation commençait à faire baisser la demande des consommateurs.

Cette situation pourrait conduire à une forte activité promotionnelle tout au long des Fêtes, y compris en décembre et même après Noël.

« Alors que l’économie ralentit, il y a des secteurs où les stocks se sont clairement accumulés chez les détaillants, a souligné M. Morris. Alors que nous traversons le reste de la saison des Fêtes, si ces stocks continuent de rester sur les étagères […] nous allons voir des remises plus importantes. »

Pendant ce temps, Mme Titheridge a environ 15 personnes sur sa liste de courses pour lesquelles elle prévoit d’acheter à l’occasion du Vendredi fou.

Plusieurs d’entre eux sont des membres de sa famille au Royaume-Uni, où elle passera les Fêtes, explique-t-elle.

« J’espère que Roots et Hatley auront de bonnes ventes, ce sont des marques difficiles à trouver au Royaume-Uni, souligne-t-elle. Je prévois également d’offrir des cadeaux à mon mari chez Banana Republic, j’espère qu’ils offriront un gros pourcentage de réduction. »

Et si le prix est bon, elle pourrait même s’acheter un petit quelque chose pour elle, ajoute Mme Titheridge.

« Si les offres sont bonnes et que quelque chose me saute aux yeux, comment pourrais-je résister ? »