Les investisseurs manifestent plus de confiance face à la réalisation de la fusion de Shaw et Rogers au lendemain des conditions imposées par Ottawa et aussitôt acceptées par Québecor en lien avec cette transaction à laquelle doit participer la société mère de Vidéotron.

L’action de Shaw a bondi de 7 % mercredi à la Bourse de Toronto, alors que celle de Rogers a gagné 6 %.

L’appréciation boursière du jour est plus modeste chez Québecor, mais néanmoins de 2,5 %. L’action du conglomérat québécois dirigé par Pierre Karl Péladeau avait reculé ce mois-ci à son plus bas niveau des 52 dernières semaines, ce qui avait poussé le rendement du dividende à 5 %.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Karl Péladeau, PDG de Québecor

Le titre de Shaw a clôturé la séance de mercredi à 36,52 $, son plus haut niveau depuis le début du mois de juillet. Il demeure cependant encore loin de la valeur promise par Rogers. Selon l’entente de fusion évaluée à 26 milliards (dette de 6 milliards comprise), Rogers offre 40,50 $ par action aux actionnaires de Shaw.

Pour rendre acceptable leur projet de fusion, Rogers et Shaw s’étaient précédemment entendues pour céder la filiale de Shaw dans le sans-fil (Freedom Mobile) à Québecor pour 2,9 milliards.

Les conditions énoncées mardi soir par le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie sont perçues comme une façon d’exercer une forme de pression sur le commissaire de la concurrence.

Le ministre François-Philippe Champagne demande un engagement à long terme de la part de Vidéotron si Québecor souhaite acquérir de nouvelles licences. Il s’attend aussi à ce que les prix des services sans fil en Ontario et dans l’Ouest canadien soient comparables à ceux offerts par Vidéotron au Québec, qui sont, souligne-t-il, inférieurs de 20 %, en moyenne, à ceux dans le reste du pays.

Ces exigences sont aussi formulées alors que le processus de médiation impliquant le commissaire de la concurrence, Rogers, Shaw et Québecor débute ce jeudi et doit se poursuivre vendredi.

« La déclaration du ministre place indirectement une certaine pression sur le commissaire de la concurrence afin qu’il en vienne à une entente négociée durant la médiation », soutient l’analyste Aravinda Galapatthige, de la firme Canaccord.

Jusqu’ici, il était de plus en plus clair que la perspective d’une médiation réussie avait considérablement diminué. La question est maintenant de savoir à quel point les commentaires du ministre auront un impact sur la médiation ?

Aravinda Galapatthige, analyste de la firme Canaccord

Son camarade Maher Yaghi, de la Scotia, croit pour sa part que les propos du ministre agiront comme un catalyseur positif pour rapprocher les participants à la médiation. « Il est possible que les demandes du ministre ouvrent la porte à un accord. Et si le commissaire de la concurrence n’approuve pas le projet de fusion, le Tribunal de la concurrence devrait le faire le moment venu. »

La direction de Québecor a rapidement fait savoir mardi soir qu’elle s’engageait à détenir Freedom Mobile au moins 10 ans et à faire diminuer le prix des services de téléphonie mobile à l’extérieur du Québec.

Aravinda Galapatthige juge que la diminution du prix des services de téléphonie mobile est une condition difficile à interpréter. Les prix varient de région en région et même à l’intérieur d’une province, souligne-t-il. Ils sont aussi affectés par les campagnes de promotion ainsi que par les différents forfaits offerts. Cet analyste est donc tenté d’interpréter cette condition comme un engagement « général » que le ministre souhaite obtenir de la part de Québecor plutôt qu’une grille tarifaire spécifique.

Maher Yaghi estime que les probabilités de voir la transaction se réaliser augmentent maintenant à 90 %. Il recommande désormais d’acheter l’action de Shaw.

Cet expert pense que Québecor devrait débarquer dans les marchés de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique avec deux marques : Freedom et Fizz. De plus, ajoute-t-il, avec une capacité potentielle d’offrir internet, l’entreprise pourrait aussi vendre des produits en bouquets. « Je ne vois pas pourquoi Québecor ne parviendrait pas à obtenir une part de marché de 15 % dans le sans-fil dans ces provinces compte tenu de son expérience dans le service à la clientèle et en marketing. »

Même une vente de Freedom Mobile à Québecor n’éliminera pas la menace d’une diminution de la concurrence après une fusion de Rogers avec Shaw, selon le Bureau de la concurrence. Le commissaire de la concurrence avait laissé savoir plus tôt cette année qu’il craignait une hausse des prix, une qualité de service amoindrie et une perte de choix, notamment dans les services sans fil.