Les marchés sont en pleine tourmente et l’inflation fait pression sur les consommateurs. Mais les gens continuent de voyager. Beaucoup.

Les voyages n’ont pas beaucoup ralenti après la fin de l’été, et les dirigeants des compagnies aériennes disent maintenant qu’ils s’attendent à ce que l’évolution et la reprise des tendances en matière de voyages les tiennent occupés pendant les vacances et l’année prochaine.

« Bon nombre des tendances de la demande que nous avons vues émerger pendant la pandémie deviennent plus cohérentes et déterminent notre orientation commerciale pour 2023 et au-delà », a déclaré Robert Isom, PDG d’American Airlines, aux journalistes et aux analystes lors d’une conférence téléphonique, jeudi, pour discuter des résultats financiers trimestriels du transporteur.

La compagnie aérienne se sent « très optimiste quant à la demande globale, même dans un environnement économique incertain », a-t-il ajouté. Les dirigeants de United Airlines et de Delta Air Lines partagent cet optimisme.

L’une des raisons principales est que la possibilité de travailler à distance, à temps plein ou partiel, a permis aux Américains de voyager davantage et de combiner voyages personnels et professionnels — une transformation qui semble durable et que les transporteurs planifient, selon les dirigeants.

« Il y a eu un changement structurel permanent dans la demande de loisirs en raison de la flexibilité que permet le travail hybride », a déclaré mercredi Scott Kirby, PDG de United, lors d’une conférence téléphonique avec des journalistes et des analystes.

Il ne s’agit pas d’une demande refoulée. C’est la nouvelle normalité.

Scott Kirby, PDG de United Airlines

D’autres tendances ont également contribué aux bons résultats financiers des trois compagnies aériennes au cours du trimestre qui s’est terminé en septembre. Les voyages d’affaires lucratifs et les voyages internationaux continuent de rebondir. Et même les revers ont un côté positif : les limites imposées à la croissance des compagnies aériennes ont permis de remplir les vols.

United a déclaré un bénéfice de 942 millions US, contre 695 millions US pour Delta et 483 millions US pour American. Toutes s’attendent à ce que les recettes et les bénéfices des trois derniers mois de l’année soient plus élevés que durant la même période en 2019, même si elles proposeront moins de vols.

Flexibilité accrue, réalités modifiées

Les avantages de la flexibilité des voyageurs vont au-delà des revenus. Les passagers ont commencé à étaler leurs déplacements, réduisant les fluctuations de la demande entre les week-ends chargés et les jours plus calmes en milieu de semaine. Les voyages pendant les vacances s’étalent également, selon les dirigeants.

Traditionnellement, le week-end de la fête du Travail marque la fin de la saison estivale, avec un ralentissement des voyages jusqu’à la reprise pour l’Action de grâce et Noël. Mais la flexibilité du travail à distance a encouragé les gens à continuer à prendre l’avion le mois dernier, selon United.

Certains jours de septembre, la compagnie a réalisé autant de recettes que pendant le pic de l’été, ce qui a contribué à faire de septembre le troisième mois de l’histoire de United en matière de recettes par siège et par mille parcouru, une mesure standard du secteur. Et le mois d’octobre est en passe de faire mieux que septembre.

PHOTO CARLOS BARRIA, ARCHIVES REUTERS

Les voyages n’ont pas beaucoup ralenti après la fin de l’été, constatent les compagnies aériennes, si bien que les modifications provoquées par la pandémie pourraient avoir opéré des changements drastiques au sein de l’industrie du voyage et du transport aérien.

Même les voyages intrajournaliers évoluent de manière à alléger la pression sur les compagnies aériennes. Chez American, les voyageurs ont longtemps préféré les vols partant avant 8 h ou après 16 h, et la compagnie a donc concentré ses vols sur les deux extrémités de la journée de semaine. Mais American a déclaré qu’elle avait commencé à constater un changement, petit mais notable, en faveur des voyages en milieu de journée.

Les clients qui combinent loisirs et voyages d’affaires ont également tendance à avoir une relation plus étroite avec la compagnie aérienne, a déclaré Vasu Raja, directeur commercial d’American, lors de la conférence téléphonique de jeudi. Ces clients sont deux fois plus susceptibles qu’un client d’affaires typique de s’inscrire au programme de fidélisation d’American et trois fois plus susceptibles de souscrire une carte de crédit de la marque American s’ils n’en ont pas déjà une.

Nous constatons que les gens voyagent avec beaucoup plus d’ambitions. Et lorsque cela se produit, ces mêmes clients sont beaucoup plus disposés à aller gagner des miles pour pouvoir emmener leur famille en vacances, par exemple.

Vasu Raja, directeur commercial d’American Airlines

Ce qui est une bonne nouvelle pour les compagnies aériennes peut être une mauvaise nouvelle pour les voyageurs à la recherche de bonnes affaires. Les tarifs ont baissé depuis les sommets atteints au printemps et en été, mais les prix des vols de vacances vont probablement commencer à augmenter rapidement, selon Hopper, un site de réservation de voyages.

United a déclaré cette semaine que la demande entre l’Action de grâce et Noël était en hausse, avec des ventes de vols pendant les deux premières semaines de décembre en avance par rapport à ce qu’elles étaient en 2019.

Des offres peuvent encore être disponibles, si les voyageurs sont flexibles sur le moment et l’endroit où ils volent. Certains vols à l’étranger sont notamment bon marché autour de l’Action de grâce, par exemple. Mais même ces vols se vendent rapidement.

Les transporteurs à l’étroit

Bien que la reprise des voyages internationaux et des voyages d’affaires, deux parties rentables de l’activité, ait été inférieure à celle des voyages intérieurs au cours des deux dernières années, les compagnies aériennes affirment que les deux rebondissent actuellement.

Les compagnies aériennes ont eu du mal à élargir leur flotte, Boeing et Airbus peinant à surmonter les retards dans la livraison de nouveaux appareils. American a déclaré jeudi qu’elle s’attendait à recevoir 19 Boeing 737 Max 8 l’année prochaine, contre 27 précédemment prévus. United prévoit de recevoir 179 avions l’année prochaine, mais reconnaît qu’il existe un risque de retard.

Les deux transporteurs ont fait valoir que le gouvernement fédéral avait également limité la croissance. United a déclaré que les contrôleurs aériens étaient trop sollicités, et American a affirmé que les retards dans l’approbation des visas pour les étrangers visitant les États-Unis, par rapport à 2019, avaient entravé la reprise.

Les contraintes pesant sur le secteur ont contribué à des effondrements opérationnels au cours des deux dernières années, dont certains au cours de l’été, alors que les compagnies aériennes tentaient de surmonter les perturbations causées par la météo et d’autres facteurs. Mais les transporteurs ont apporté quelques changements positifs.

Environ 1,4 % des vols ont été annulés le mois dernier, contre 2 % en août, selon FlightAware, un site web de suivi des vols. Un peu plus de 17 % des vols en septembre ont été retardés, contre plus de 22 % en août.

Après toutes les difficultés subies par le secteur aux premiers stades de la pandémie, c’est un moment que les dirigeants peuvent savourer, du moins pour l’instant.

« Nous ne voyons actuellement aucun signe de ralentissement de la demande à l’aube de la nouvelle année », a déclaré le PDG d’American Airlines. « Mais comme toujours, nous continuerons à suivre de près l’environnement macroéconomique. »

Cet article a été initialement publié dans The New York Times.