Oxfam-Québec exhorte les pouvoirs publics à en faire davantage afin d’amener les institutions financières canadiennes à améliorer la transparence de leur empreinte carbone en offrant notamment le cadre réglementaire nécessaire à une finance durable et mieux adapté aux défis environnementaux.

L’organisme québécois de coopération internationale ayant la justice climatique parmi ses principaux champs d’action estime qu’un « virage majeur s’impose ».

Dans un rapport d’une centaine de pages devant être publié mardi, Oxfam-Québec présente six recommandations :

1. que les banques canadiennes divulguent l’empreinte carbone de l’ensemble de leurs prêts et investissements, et pas seulement celle de leurs opérations ;

2. qu’elles prennent en compte plus systématiquement le risque climatique dans leurs prêts et investissements ;

3. qu’elles aient l’obligation de publier d’ici 2025 un plan d’action visant à atteindre la carboneutralité de leurs portefeuilles en 2050, en détaillant de manière précise les moyens d’y arriver ;

4. que les gouvernements instaurent des normes claires pour réglementer les produits financiers considérés comme « verts », durables ou responsables, à l’instar de ce que fait l’Union européenne ;

5. que les gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que leurs sociétés de la Couronne et sociétés d’État, se désengagent totalement du secteur des énergies fossiles d’ici 2025 ; et

6. que les recommandations finales du Groupe d’experts sur la finance durable du Canada soient mises en œuvre et que le projet de loi fédéral sur la finance alignée sur le climat soit adopté et appliqué.

Le rapport soutient que les émissions totales financées en 2020 par huit institutions financières canadiennes (Desjardins, Banque Nationale, Royale, TD, Scotia, BMO, CIBC et Laurentienne) représentent plus de deux fois le poids carbone total du Canada.

Les actifs des banques représentent la plus grande source d’émissions polluantes du pays, bien avant les transports, lit-on dans le rapport.

« Si les huit principales banques canadiennes formaient un pays, celui-ci serait le cinquième plus grand émetteur de GES [gaz à effet de serre] du monde », est-il indiqué dans le document réalisé en collaboration avec l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC).

Oxfam-Québec affirme que c’est la première fois que les émissions de GES financées par l’ensemble des portefeuilles des grandes institutions de dépôt canadiennes sont quantifiées et comparées.

L’analyse effectuée tient compte des prêts aux particuliers, aux entreprises et au secteur public, des hypothèques résidentielles et commerciales, des portefeuilles fonciers et immobiliers, des investissements en équité au sein d’entreprises publiques et privées, ainsi que des obligations corporatives, gouvernementales et souveraines des institutions financières.

La carboneutralité dans la ligne de mire de tous

Le rapport précise que la compilation des émissions financées couvre entre 77 % et 95 % des actifs totaux de chacune des huit institutions.

Toutes les banques étudiées disent viser la carboneutralité, est-il mentionné dans l’étude, mais aucune n’a encore présenté de véritable plan en ce sens, et aucune n’a encore divulgué le total des émissions financées par ses portefeuilles de crédit et d’investissement, alors qu’elles se sont toutes engagées à le faire.

Les auteurs rappellent qu’aucune des huit grandes institutions ne s’est engagée à se retirer du secteur des énergies fossiles, ni à court ni à moyen terme. « Plus préoccupant encore, elles présentent toutes comme des projets de finance durable ou d’investissement "vert" des activités visant à décarboner les processus d’extraction, de transformation ou de consommation des énergies fossiles elles-mêmes. »

Chacune des huit institutions financières a reçu le rapport avant sa publication, affirme Oxfam-Québec, et sa porte-parole Catherine Caron soutient qu’aucune n’a contesté les chiffres présentés.

« On met de la pression pour qu’elles calculent leurs émissions financées de façon harmonisée et les divulguent plus vite. Mais aussi pour qu’idéalement, elles soient tenues légalement de le faire. »

Elle ajoute que les épargnants ont besoin d’une meilleure information sur les produits financiers considérés comme verts, durables ou responsables. « Sur mon sac de chips, j’ai les ingrédients et l’information nutritionnelle. Mais quand je magasine pour mon REER, j’ai les ingrédients, mais pas l’information nutritionnelle de l’impact sur la planète. On a droit à cette information qui n’est pas calculée de manière égale d’une institution à une autre. »

Il est par ailleurs noté qu’il serait faux de dire que les grandes institutions financières du pays ne font aucun effort concret, sur le plan financier, pour soutenir et accélérer la transition verte.

« En font notamment foi leurs rapports de responsabilité environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) et autres documents de stratégie climatique », est-il souligné.

Oxfam-Québec estime que le secteur bancaire est un acteur incontournable de la discussion et dont la contribution est nécessaire pour réussir l’atteinte des cibles climatiques et une transition juste.