(Londres) Deuxième chaîne de cinémas mondiale, Cineworld a annoncé mercredi déposer le bilan aux États-Unis afin de restructurer son passif et de tenter de trouver de nouvelles liquidités en pleine crise des salles obscures.

« Cineworld et certaines de ses filiales ont démarré une procédure de mise sous la protection de la loi sur les faillites (“chapter 11” ) au tribunal fédéral des faillites du district sud du Texas », selon un communiqué de l’entreprise britannique.

Le groupe compte sur le soutien de ses créanciers pour se désendetter, solidifier ses comptes et accélérer sa stratégie, qui vise notamment à moderniser et améliorer ses cinémas, ajoute-t-il dans son communiqué publié à la Bourse de Londres.

« La pandémie a été une période incroyablement difficile pour notre entreprise, avec la fermeture forcée des cinémas et une énorme perturbation des programmations de films qui nous ont conduits au point où nous en sommes », selon le directeur général de Cineworld, Mooky Greidinger, cité dans le communiqué.

Le groupe britannique assure que ses activités continueront sans interruption pendant sa réorganisation et précise qu’il bénéficie de liquidités de 1,94 milliard de dollars de ses créanciers pour y parvenir.

Cineworld espère sortir « au cours du premier trimestre 2023 » de cette procédure qui concerne ses entités aux États-Unis, au Royaume-Uni et à Jersey, tandis que ses filiales ailleurs dans le monde sont pas concernées.

Cette restructuration va se traduire, comme le groupe l’avait déjà annoncé, par une dilution importante de la valeur de ses actions, une information qui avait fait s’effondrer son cours à la Bourse de Londres il y a quelques semaines.

Son titre ne valait plus que 4,29 pence mercredi, en hausse de 10 % sur la séance boursière. Le titre s’est écroulé de 87 % depuis le début de l’année.

Montagnes de dette

Pour Eric Snyder, spécialiste des faillites au cabinet Wilk Auslander, les créanciers « ne donnent pas beaucoup de temps » à l’entreprise pour se réorganiser ou prendre la décision de se vendre.  

Cineworld ne dispose pas de la manne financière de sa concurrente américaine AMC, qui a profité de l’engouement des boursicoteurs pour lever de l’argent frais, remarque le spécialiste.

Le groupe gère plus de 9000 écrans sur 751 sites dans 10 pays, notamment sous les marques Cineworld et Picturehouse au Royaume-Uni et en Irlande ou encore Regal Cinemas aux États-Unis.

L’entreprise a déploré fin août une reprise de la demande plus lente que prévu depuis la réouverture des salles post-confinement, que Cineworld attribue à un manque de « blockbusters », ces films à grosses entrées.

Si le groupe a pris la pandémie de plein fouet, son ambition démesurée avec une accumulation de montagnes de dettes, pour payer notamment l’achat de la chaîne américaine Regal, a contribué à sa perte.

Cineworld avait racheté Regal Entertainment en 2018 pour quelque 5,8 milliards de dollars et avait en outre tenté dès l’année suivante, malgré son endettement déjà lourd, de mettre la main sur la chaîne canadienne Cineplex.

La fusion était ensuite tombée à l’eau et le groupe s’était vu infliger une lourde amende par un tribunal de l’Ontario lui ordonnant de payer près de 1,3 milliard de dollars canadiens de dommages et intérêts à Cineplex, ce dont Cineworld a fait appel.

L’an dernier, Cineworld avait divisé par cinq sa perte massive de 2,7 milliards de dollars enregistrée en 2020, au plus fort de la pandémie, profitant notamment fin 2021 du succès de « Spider-Man », sans toutefois revenir aux niveaux pré-COVID-19.

Mais la dette du groupe avait encore enflé, à 8,9 milliards de dollars.

Un film comme Top Gun : Maverick –qui a déjà récolté quelque 1,4 milliard de dollars au box-office cette année – a redonné espoir dans une renaissance du grand écran. Mais si d’autres grosses machines comme Mission Impossible 7 ou Avatar 2 sont attendues d’ici à la fin de l’année, les observateurs estiment que ce ne sera pas encore suffisant.

« Prendre le temps d’aller au cinéma, pour un film qui dure deux ou trois heures, et y dépenser 20 ou 25 dollars, n’est plus une activité attractive pour de nombreuses personnes, en particulier les plus jeunes », remarque ainsi Eric Snyder.