Bombardier a un nouveau secteur dans sa ligne de mire pour vendre ses jets privés : la défense. À terme, cette industrie pourrait permettre à l’avionneur de générer des revenus supplémentaires de 1 milliard US par année, ce qui pourrait représenter jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires annuel.

Comment l’entreprise compte-t-elle y arriver ? En tentant de convaincre les forces armées à travers le monde de délaisser les gros porteurs actuellement utilisés pour les missions de surveillance et de reconnaissance au profit de ses avions d’affaires qui peuvent être convertis.

« Les équipements de télécommunication que l’on installe dans les avions sont devenus de plus en plus petits », a souligné le président et chef de la direction de Bombardier, Éric Martel, mardi, en marge d’un évènement organisé par Aéro Montréal.

Il participait au Forum innovation aérospatiale international 2022 pour parler entre autres de l’Écojet, un projet de recherche d’aéronef à fuselage intégré à l’aile. C’est au cours d’un échange sur scène que M. Martel a évoqué ses ambitions – jamais dévoilées auparavant – à l’endroit du secteur militaire.

Bombardier ne divulgue pas ses ventes actuelles d’avions qui sont ensuite convertis à des fins militaires. Elles ne représentent qu’une « fraction » des revenus de l’entreprise, selon son patron.

« Oh oui, clairement, a lancé M. Martel lorsqu’il lui a été demandé si la défense pouvait un jour représenter 10 % des recettes de l’entreprise. On livre trois, quatre, cinq, six avions par année. Nous pouvons voir cette croissance devenir beaucoup plus importante et atteindre, je ne sais pas, 1 milliard [de dollars] et peut-être même plus. »

Bombardier s’attend à engranger des revenus de 7,5 milliards US en vendant davantage de luxueux jets privés et grâce à la contribution de sa division des services après-vente. Il faudra vraisemblablement un certain temps pour observer une contribution importante du secteur militaire.

Un virage amorcé

La multinationale place déjà ses pions.

En avril dernier, elle a créé la division Bombardier Défense, établie à Wichita, au Kansas, où s’effectuait autrefois l’assemblage du Learjet. C’est à cet endroit que l’on réalisera les changements de vocation pour les Global et Challenger. Son Global 6000 – qui peut parcourir plus de 11 000 kilomètres dans sa configuration originale – a été retenu par Saab dans le cadre du programme GlobalEye, un système aéroporté de surveillance à distance. La semaine dernière, un avion de la même famille a été livré à l’armée de l’air américaine dans le cadre d’un contrat annoncé l’an dernier.

« C’est sûr que les tensions géopolitiques actuelles ont accéléré les choses, affirme M. Martel. Les gens souhaitent travailler avec nous. On ne fournit pas que l’avion, mais aussi l’ingénierie. Il y a un segment de services-conseils qui vient avec cela et nous sommes extrêmement bien placés pour le faire. »

Le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine a déjà incité plusieurs pays, dont le Canada, à augmenter leurs dépenses militaires. Les dépenses militaires des 30 pays membres de l’OTAN devraient se chiffrer à 1051 milliards US cette année, estime l’organisation. Cette tendance est appelée à s’accélérer dans les prochaines années.

Puisque la conversion des jets d’affaires s’effectue au sud de la frontière, il est difficile, pour l’instant, de chiffrer l’impact d’éventuelles retombées québécoises d’une percée de Bombardier dans la défense.

Richard Aboulafia, directeur général de la firme AeroDynamic Advisory, croit que cet intérêt grandissant à l’endroit de l’industrie militaire aurait dû se manifester il y a plusieurs années chez Bombardier. L’analyste américain se demande cependant si les revenus seront toujours stables.

« Le plateau du milliard de dollars peut être atteint avec la vente d’une dizaine de jets à large cabine, dit-il. Mais c’est un marché irrégulier. Certaines années, cela pourrait représenter plusieurs milliards de revenus, alors que d’autres, on parlerait de centaines de millions. »

Besoin d’immigrants

Prenant soin de ne pas alimenter le débat sur les seuils d’immigration alors que la campagne électorale bat son plein au Québec, M. Martel a été invité à se prononcer sur la contribution des nouveaux arrivants dans le secteur aéronautique.

Avec plus de 500 postes disponibles au Québec et peu de recrues dans les écoles de formation, la contribution des immigrants est névralgique, plaide le dirigeant de l’avionneur.

« Peut-être qu’il faudrait attirer davantage de jeunes à venir vers l’aéronautique, mais je pense que l’on voit aussi des signes que l’immigration va être importante », croit-il.

À la Bourse de Toronto, mardi, le titre de Bombardier a clôturé à 30,80 $, en recul de 5 cents, ou 0,16 %.

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    source : bombardier