Une autre tuile s’abat sur le promoteur d’une constellation de satellites de télécommunication qui fait miroiter d’importantes retombées au Québec. Télésat doit trouver plusieurs centaines de millions de dollars de plus pour mettre son projet en orbite, faisant une fois de plus grimper le degré d’incertitude.

Même si l’entreprise ontarienne a vu Québec et Ottawa lui promettre 2 milliards de dollars de fonds publics — sommes qui n’ont pas encore été versées —, il lui manquait 2,5 milliards pour concrétiser les ambitions de la constellation Lightspeed, qui avaient déjà été révisées à la baisse.

L’entreprise n’a pas voulu préciser à La Presse les moyens qu’elle comptait prendre pour surmonter ces imprévus financiers.

« Lightspeed représente une occasion d’investissement intéressante, mais il n’y a aucune garantie que ces discussions se concluront par un dénouement positif », s’est limité à dire aux investisseurs le président et chef de la direction de Télésat, Daniel Goldberg, la semaine dernière.

Télésat souhaite mettre des satellites en orbite basse — à plus de 1000 km au-dessus de la Terre — pour, entre autres, offrir l’accès à l’internet haute vitesse dans des régions éloignées.

En raison de l’explosion des coûts découlant de l’inflation, la constellation de 298 satellites sera finalement réduite à 188 unités. Ces satellites doivent être construits par Thales Alenia Space.

Ce régime minceur n’est pas suffisant. Il faudra des fonds supplémentaires pour financer cette constellation dont la facture était initialement estimée à 6,5 milliards. M. Goldberg n’a pas chiffré l’ampleur des dépassements de coûts. Il s’était limité à dire qu’ils étaient inférieurs à 10 % de la facture initiale de Lightspeed.

« Le plan original ne se concrétise pas », souligne Caleb Henry, analyste principal de la firme américaine Quilty Analytics, qui se spécialise dans l’aérospatiale, en entrevue téléphonique.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE QUILTY ANALYTICS

Caleb Henry, analyste principal de Quilty Analytics

Plus Télésat met de temps à progresser, plus ses concurrents ont le temps de construire et de lancer leurs propres satellites. C’est pourquoi cela risque de devenir de plus en plus difficile.

Caleb Henry, analyste principal de Quilty Analytics

Ces rivaux aux reins solides sont des acteurs comme SpaceX (Elon Musk) et Amazon, qui caressent de grandes ambitions, à l’instar d’autres promoteurs européens.

Soutien important

En février 2021, le gouvernement Legault avait promis 400 millions à Télésat en échange de la création d’environ 300 emplois dans la région de Gatineau, où l’entreprise promet de construire une demi-douzaine d’installations. Quelques mois plus tard, Ottawa avait consenti 1,5 milliard. Ensemble, les deux ordres de gouvernement acceptaient de financer environ 30 % de la facture initiale de la constellation.

Télésat souhaitait obtenir les 2,5 milliards manquants auprès d’agences comme Exportation et développement Canada (EDC) et Bpifrance, mais cela ne s’est toujours pas concrétisé. Bpifrance risque d’être actionnaire de OneWeb, une constellation rivale de Lightspeed, dans la foulée de sa fusion avec Eutelsat. L’agence française est le principal actionnaire d’Eutelsat. M. Henry se demande si cela pourrait refroidir l’agence française à l’égard des ambitions de Télésat.

L’analyste américain se demande aussi où l’entreprise canadienne récoltera les fonds manquants.

« SpaceX est capable de convaincre les marchés, Amazon est soutenue par Jeff Bezos, et OneWeb a un actionnariat diversifié, dit M. Henry. Je n’ai pas encore vu Télésat faire de même. »

Des questions

Selon nos informations, Télésat n’est pas encore retournée frapper à la porte des gouvernements Legault et Trudeau. L’hiver dernier, le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, avait laissé entendre que Québec avait suffisamment contribué à ce projet — toujours jugé important par les deux ordres de gouvernement.

Sous-traitante de Télésat, l’Ontarienne MDA, qui exploite une usine à Sainte-Anne-de-Bellevue, est responsable de la fabrication des antennes actives des satellites. Elle devait agrandir ses installations et embaucher 280 personnes grâce à un prêt de 50 millions. L’entreprise n’a pas voulu commenter la tournure des évènements chez Télésat.

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