Temps plein ou temps partiel, les offres salariales diffèrent chez Air Canada

Des offres d’emploi aux salaires plus élevés pour les postes à temps plein, c’est possible même si la loi québécoise dit le contraire. Les entreprises de compétence fédérale peuvent toujours faire à leur tête. Air Canada fait partie des sociétés qui en profitent.

À la recherche de bagagistes et d’employés de piste à l’aéroport Montréal-Trudeau, le plus grand transporteur aérien au pays offre 16,60 $ l’heure pour un poste à temps partiel. Le taux horaire atteint 21,11 $ pour un poste à temps complet.

Capture d’écran du site web d’Air Canada

L’offre d’emploi d’agent de piste mise en ligne le 1er juin offre un salaire différent pour le même travail.

La Loi sur les normes du travail (LNT) interdit d’agir de la sorte, mais puisque l’entreprise est de compétence fédérale, elle est assujettie au Code canadien du travail, qui ne va pas aussi loin que l’article 41.1 de la loi québécoise. Cette disparité salariale n’est donc pas illégale, même si le gouvernement Trudeau a exprimé le souhait de corriger le tir – sans fournir d’échéancier.

« On fait exactement la même job et on a les mêmes responsabilités », dénonce Guillaume Lingat, président de la section 140 de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (AIMTA). « La différence, c’est qu’un employé fait 20 heures par semaine et l’autre, 40. »

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Les façons de faire d’Air Canada minent le climat de travail, affirme le syndicat.

On a des temps partiels qui sont là depuis 10-15 ans et qui voient un nouveau qui accepte un poste à temps plein et qui gagne plus qu’eux. Ils sont outrés.

Guillaume Lingat, président de la section 140 de l’AIMTA

Parmi les autres offres d’emploi consultées par La Presse pour des postes de bagagiste et d’agent de piste, aucune autre entreprise ne propose des salaires plus élevés aux employés qui optent pour un emploi à temps plein.

Chez Swissport et Avjet/TCAS, qui offrent des services de sous-traitance aux transporteurs aériens, le taux horaire est le même pour les nouvelles recrues. Dans un contexte de rareté de main-d’œuvre, ces deux entreprises auraient le droit d’imiter Air Canada puisqu’elles relèvent du Code canadien du travail. Ce sont les dispositions des contrats de travail qui sont différentes.

Pas de problème, dit l’entreprise

Dans un courriel, la porte-parole d’Air Canada Pascale Déry a défendu les pratiques de la société en soulignant qu’elles respectaient la convention collective en vigueur. L’AIMTA a confirmé cette affirmation.

M. Lingat affirme que ces clauses font partie des conventions collectives depuis la privatisation du transporteur aérien, à la fin des années 1980. Le syndicat est incapable de convaincre l’employeur d’y renoncer, ajoute M. Lingat.

« C’est plutôt inhabituel, en droit du travail, de voir des niveaux différents de rémunération pour le même poste », observe François-Nicolas Fleury, avocat chez Monette Barakett qui se spécialise dans le droit du travail. « C’est pour cette raison qu’au Québec, on a légiféré sur cette question. On parle de statuts, mais sur la fréquence de travail. »

Malgré le caractère particulier de la chose, MFleury n’a pas voulu commenter la stratégie de recrutement mise de l’avant par Air Canada à l’aéroport Montréal-Trudeau.

À quand le changement ?

Le gouvernement Trudeau avait annoncé, en 2018, qu’il souhaitait « interdire un écart entre les taux de salaire en fonction du statut d’emploi des employés », mais il tarde à passer de la parole aux actes. Des consultations sur la question viennent de se terminer, mais Emploi et Développement social Canada refuse de s’avancer sur un échéancier.

À court terme, Air Canada n’a pas l’intention de changer ses façons de faire.

« Notre approche respecte la loi telle qu’elle est aujourd’hui et les conventions collectives, affirme Mme Déry. Nous sommes au fait des intentions du gouvernement et suivons les développements. »

L’AIMTA s’explique mal comment près de quatre années ont pu s’écouler depuis les changements dévoilés par le gouvernement Trudeau. Le syndicat lui reproche de se traîner les pieds alors qu’il existe une solution afin de corriger une « injustice ».

« Sur des sites gouvernementaux, on suggère que [les disparités salariales] sont illégales, mais ce n’est pas en vigueur. Cela sert à quoi d’annoncer des changements quand ça ne sert à rien ? »

Le contrat de travail des agents de piste d’Air Canada représentés par l’AIMTA vient à échéance en 2026.