Depuis deux ans, la pandémie a réduit de 7 % l’utilisation de l’argent comptant, et cette nouvelle réalité est devenue l’occasion pour GardaWorld Transport de valeurs de transformer son modèle d’affaires, comme nous l’explique son PDG, Stéphane Gonthier.

En complétant, il y a deux semaines, l’acquisition de deux leaders mondiaux en gestion du numéraire et de l’automatisation sécurisée, l’entreprise vient de mettre sur pied une nouvelle entité, Sesami, qui lui permettra de poursuivre sa croissance partout sur la planète.

C’est au siège social montréalais de GardaWorld que j’ai rencontré lundi matin Stéphane Gonthier. La veille, il avait fait du ski à Mont-Tremblant, malgré le froid polaire qui sévissait dans les Laurentides. Tout un contraste pour le PDG de la division Transport de valeurs, dont le siège social est à Boca Raton, en Floride.

« J’arrive de Londres, où j’ai rencontré les deux équipes de direction de Tidel et de Gunnebo, les deux entreprises que l’on vient d’acquérir pour 900 millions [canadiens] et qui sont à la base de Sesami, la nouvelle plateforme technologique de gestion du numéraire que l’on va déployer partout dans le monde.

« Je repars aujourd’hui pour une tournée canadienne des sites de gestion et de transport du numéraire de la Banque CIBC que l’on vient d’acquérir. Après, je repars en Europe faire la tournée des centres d’excellence des deux entreprises que l’on vient d’acquérir », m’explique son PDG.

Si on connaissait bien GardaWorld pour ses activités de transport d’argent, l’entreprise développe depuis plusieurs années une plateforme logicielle pour la gestion du numéraire. Elle offre notamment aux banques et à leurs clients commerciaux tant au Canada qu’aux États-Unis un logiciel de prévisibilité de la demande d’argent liquide. C’est à partir de ces activités qu’est née la nouvelle plateforme Sesami.

Les banques cherchent à numériser leurs activités et à réduire leurs actifs bancaires associés à la gestion du numéraire. Moins on utilise d’argent, plus la gestion du numéraire leur coûte cher en temps et en main-d’œuvre qu’elles peuvent mieux utiliser ailleurs.

Stéphane Gonthier

« Notre nouvelle plateforme Sesami s’articule autour de trois activités : le développement de logiciels de gestion du numéraire, les appareils intelligents qui permettent aux clients commerciaux d’avoir l’équivalent d’une succursale bancaire dans leurs installations et un service de gestion de ces activités qui nous permet de vendre nos services partout dans le monde. On est devenu une fintech », résume Stéphane Gonthier.

D’autres acquisitions à venir

Les acquisitions de Tidel et de Gunnebo, annoncées il y a deux semaines, ont permis à GardaWorld de devenir l’acteur le plus important dans la gestion automatisée du numéraire au monde. Tidel, établie à Dallas, est le numéro un aux États-Unis, en Australie et au Mexique. L’entreprise développe des logiciels et fabrique des appareils intelligents.

Gunnebo, qui est née à Stockholm, est présente dans le même secteur d’activité et est, elle, numéro un en Europe, au Moyen-Orient–Afrique et en Asie-Pacifique.

« On compte sur une base de 300 ingénieurs qui développent des solutions numérisées pour faciliter la gestion du numéraire. On va pouvoir vendre nos solutions et les gérer pour les banques et leurs clients commerciaux partout dans le monde sans avoir à acheter ou bâtir des infrastructures coûteuses comme un parc de camions ou des centres de transfert, des activités que l’on va donner en impartition. »

Déjà, Tidel et Gunnebo, qui sont au cœur de Sesami, offrent leurs solutions aux plus gros acteurs du transport de valeurs dans le monde, soit Loomis, Brink’s et G4S.

Nos appareils intelligents permettent de déposer directement à la banque et de façon numérique tout l’argent comptant qu’un commerce cumule dans une journée, et les coûts de gestion sont inférieurs à ceux des transactions par cartes de crédit ou de débit. On numérise l’argent pour les banques et leurs clients.

Stéphane Gonthier

Cette nouvelle division de Garda pourrait générer jusqu’à 5 milliards de dollars de revenus annuels d’ici les 5 prochaines années, anticipe son PDG. Pour le moment, la division Transport de valeurs totalise des revenus annuels de 1,5 milliard.

« On vient de réaliser deux grosses acquisitions et on va en faire d’autres tout en générant de la croissance organique. Les banques veulent réduire leur coût de gestion du numéraire, mais le numéraire ne va pas disparaître. On prévoit même que l’argent comptant pourrait revenir proche de son niveau d’avant-pandémie.

« On enregistre une baisse des transactions en argent de moins de 1 % par année. Aux États-Unis, 40 millions de résidants n’ont pas de compte de banque. Au Canada, c’est 5 millions de résidants qui réalisent leurs paiements en argent comptant », souligne-t-il.

Une croissance pandémique

Il y a cinq ans, Stéphane Gonthier espérait augmenter la présence de GardaWorld au Canada, alors qu’aux États-Unis, le groupe assurait déjà le transport de tout le numéraire de Bank of America.

« Aujourd’hui, on fait le transport des valeurs pour la Banque Nationale, Desjardins, la TD, Scotia et pour plusieurs segments d’activité de la Banque Royale. On vient de décrocher le contrat de la CIBC.

« On a connu beaucoup de développement avec la pandémie. C’est une crise qui a forcé les banques à prendre des décisions et à impartir ces activités pour libérer leurs effectifs en succursale ou pour gérer leurs guichets automatiques ou leurs dépôts de nuit. Avec nos appareils intelligents, on offre même un service de coffret de sûreté », ajoute le PDG.

La pandémie a aussi forcé GardaWorld à revoir son modèle d’affaires et à se lancer dans la gestion automatisée du numéraire.

« Avant, on était un transporteur de valeurs. On a été impacté par la baisse de l’utilisation de l’argent comptant, mais on s’est transformé en spécialiste de l’écosystème de gestion de l’argent en acquérant les deux meilleures plateformes technologiques au monde », assure Stéphane Gonthier.

Et le bitcoin, est-ce une menace ?

« Absolument pas. Le bitcoin, ce n’est pas Visa ou Mastercard, c’est essentiellement une source de spéculation, pas vraiment une monnaie d’échange. Les banques centrales ne laisseront pas les cryptomonnaies privées dicter le marché.

« Les banques centrales vont peut-être développer leur propre monnaie virtuelle, mais elles ne laisseront pas les monnaies privées diriger le marché. La gestion de la monnaie, c’est un acte de souveraineté. »