(Longueuil) Agropur n’essaie pas de contourner les règles de l’accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique en changeant la recette de la poudre de lait écrémé vendue aux États-Unis, assure le chef de la direction de la coopérative laitière, Émile Cordeau.

Le dirigeant réagissait à des commentaires faits par le président de la coopérative, Roger Massicotte, lors d’une présentation virtuelle en décembre et dont le contenu a été éventé par le média spécialisé La Vie agricole.

M. Massicotte avait dit que ce mélange, qu’il appelle « le blend », permettait de ne pas afficher le produit comme du lait écrémé, soumis à des quotas. « C’est un mélange que les Américains nous ont montré comment faire, avait-il dit. Ils mélangent d’autres choses et ça ne s’appelle plus du produit laitier. On a mélangé d’autres choses avec et on a exporté ces produits-là, mais ça ne veut pas dire qu’on ne se le fera pas reprocher par les Américains. »

Agropur est « totalement conforme » avec les normes de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), répond M. Cordeau, en entrevue avec La Presse Canadienne, en marge de la 83e assemblée générale annuelle de la coopérative laitière.

La direction n’aurait pas eu le choix de « se retourner sur un dix sous » pour composer avec les quotas plus sévères de l’ACEUM, entré en vigueur en 2020. « C’est certain que l’accord a provoqué un changement de modèle opérationnel. On n’a pas eu le choix de s’adapter. Ça fait des dizaines d’années qu’on est dans les ingrédients laitiers. Donc, on est allé piger dans notre portefeuille de produit. On avait des recettes, des solutions qui existaient. »

M. Cordeau n’a pas voulu dire ce qui se trouvait dans la recette du « blend » pour des raisons concurrentielles.

Agropur veut rester à Longueuil

Peu importe si elle décide de vendre son siège social à Longueuil, Agropur entend conserver des bureaux physiques dans la région, assure Émile Cordeau.

« C’est certain, si on vend, on va essayer de déménager pas loin du bureau, dit-il. La majeure partie de nos membres sont au Québec et on l’intention de rester ici ça, il n’y a pas de doutes. »

La direction n’avait pas l’intention de vendre le siège social inauguré en 2016, mais devenu trop grand dans un contexte d’adoption massive du télétravail, nuance le dirigeant. Le plan initial était de louer 50 % de la superficie et d’occuper l’autre moitié du bâtiment, évalué à 94 millions par la Ville de Longueuil.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le siège social d’Agropur

Un des visiteurs a fait une offre d’achat non sollicitée, raconte M. Cordeau. « Il est trop tôt dans le processus pour dire si nous allons le vendre. La décision n’a pas été prise. On est en évaluation de l’offre. »

Lorsque ce sera possible, Agropur a l’intention d’adopter un modèle hybride, où l’horaire sera partagé moitié-moitié entre le présentiel et le télétravail. Pour aider ses employés à s’adapter à la transition, l’employeur leur donnera plus de temps que l’échéance de la fin du télétravail obligatoire le 28 février. « On y va vraiment de façon graduelle. On laisse quelques semaines pour absorber. On revient à une journée, puis après ça on arrivera au 50 %. Ça devrait se faire cet hiver, je l’espère, ou au printemps. »

Dans une meilleure situation financière

Agropur a fait un « excellent bout de chemin » dans l’amélioration de ses résultats financiers et de son bilan, se félicite M. Cordeau, qui est entré en fonction en octobre 2019.

Le dirigeant a atteint deux objectifs financiers qu’il s’était fixés, soit de réduire l’endettement de la coopérative et d’améliorer sa rentabilité.

En 18 mois, la dette d’Agropur a été réduite de 1,1 milliard, ou 45 %, pour atteindre 1,3 milliard. Le ratio de la dette globale par rapport au bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) passe ainsi de 6,3 fois à 3,3 fois.

La marge BAIIA est également en légère hausse en 2021 par rapport à 2020, passant de 6 % à 6,4 %. Ce chiffre était de 5 % en 2019.

M. Cordeau souligne que les activités « entreprises pour entreprises » sont en croissance. Ce segment, qui comprend les marques privées, l’emballage, la vente aux hôtels et restaurants, représente le trois quarts de ses activités.

Pour les catégories de produit en décroissance, comme le lait de consommation, Agropur va miser sur de nouveaux produits à « valeur ajoutée » pour fouetter les ventes. Il donne l’exemple du lait sans lactose Natrel Plus, qui contient plus de protéine. Ce type de produit ouvre « un canal de croissance » pour s’adapter à la « tendance mondiale » de déclin du lait, explique-t-il.