Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC) a dévoilé mardi son programme de formation visant à outiller les milieux de travail.

La ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, a annoncé un investissement de 150 000 $ sur trois ans pour le projet Milieux de travail alliés contre la violence conjugale, lors d’une conférence de presse virtuelle. Selon elle, « tant les employeurs que les collègues peuvent contribuer à la lutte contre la violence conjugale », et « la meilleure manière d’aider, c’est d’être bien renseignés sur le phénomène ».

La formation est gratuite et disponible pour toute entreprise, syndicat ou organisme du Québec, quelle que soit sa taille, a affirmé la responsable du projet, Arina Grigorescu. Les participants peuvent recevoir trois niveaux de certification.

Le RMFVVC propose ainsi de venir donner des conférences de sensibilisation, afin de permettre aux collègues de reconnaître les signes de violence et de réagir de manière appropriée pour aider la victime.

Selon les témoignages de nombreuses survivantes, « l’importance qu’une seule personne peut avoir, avec une oreille attentive ou une attitude aidante, cela peut changer le cours d’une vie », a raconté Mme Grigorescu.

Selon les chiffres du Regroupement, « 71 % des employeurs ont déjà vécu une situation où ils devaient protéger une victime de violence familiale ».

Le Regroupement peut aussi former des personnes-ressources au sein de l’entreprise, ou aider à développer des mesures d’accommodement pour les victimes.

Ce peut être des gestes « pas si compliqués », a fait valoir Mme Grigorescu. Des exemples de mesures seraient de diriger la personne vers des ressources spécialisées, de changer son numéro de téléphone au bureau ou de lui donner du temps pour contacter des organismes d’aide durant son quart de travail.

Dernier bastion

« Pour de nombreuses femmes, leur emploi représente leur dernier bastion de liberté », a fait valoir la présidente du RMFVVC, Chantale Arseneault, rappelant que « les employeurs ont désormais l’obligation de prévenir la violence conjugale au travail ».

Malgré cela, le milieu de travail n’est pas une forteresse inébranlable, a prévenu Mme Grigorescu. En effet, le Regroupement calcule que « pour 53 % des victimes de violence conjugale, cette violence se poursuit au travail ».

Non seulement « les victimes subissent du harcèlement par téléphone ou par messages textes pendant les heures de semaine », mais certains agresseurs « se présentent même sur les heures de travail pour surveiller la victime ou pour parler à ses collègues ».

D’autres tentent de lui faire perdre son emploi, et donc son indépendance financière, en détruisant ses vêtements de travail ou en l’empêchant de dormir, a-t-elle expliqué. De plus, la victime a souvent de plus en plus de misère à remplir ses tâches à cause de son état de santé mentale.

Avec le télétravail, les victimes « se retrouvent de plus en plus isolées et à risque de subir de la violence, plus fréquente et plus grave ». Voilà pourquoi, selon elle, « il faut continuer à maintenir les contacts avec ses employés même s’ils ne sont pas au bureau, prendre le temps de les appeler, faire des téléconférences ».

Elle a mentionné l’emploi d’un système de mots codés pour communiquer avec une employée subissant de la violence conjugale alors que son conjoint est présent, ou même de demander à ce qu’elle retourne travailler au bureau.

Précurseurs

Déjà, Desjardins et la Ville de Laval ont reçu leur certification.

La responsable du Bureau du respect de la personne de Desjardins, Geneviève Mérette, a témoigné qu’au moins deux employées avaient quitté leur conjoint violent dans le sillage des mesures mises en place, qui incluent des conférences, une page intranet et la formation d’une équipe de personnes-ressources.

L’Association québécoise des centres de la petite enfance et le Syndicat des Métallos ont aussi mis la main à la pâte.

Chez les Métallos, le sujet frappe près du cœur : une militante syndicale, Nadège Jolicœur, a été happée par la vague de 13 féminicides de 2021. Tuée par son conjoint, qui s’est ensuite suicidé, elle a laissé dans le deuil ses cinq enfants.

Cette tragédie a été « un électrochoc », a confié la coordinatrice des communications, Clairandrée Cauchy. Dans une vidéo tournée le jour suivant le meurtre et partagée au sein du syndicat, le directeur Dominic Lemieux a raconté sa propre expérience avec un père violent et a lancé un appel à l’action.

Des représentantes du RMFVVC ont depuis fait le tour des regroupements régionaux, a dit Mme Cauchy.

Plus d’information est disponible sur le site du programme : milieuxdetravailallies.com.

Si vous vivez de la violence conjugale ou connaissez quelqu’un dans cette situation, vous pouvez contacter SOS violence conjugale au 1800 363-9010. Cette ligne est anonyme et disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.