Il y a peut-être des obstacles réglementaires qui se dressent devant la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) dans le cadre de sa tentative visant à acquérir la société américaine Kansas City Southern (KCS), mais la direction de l’entreprise montréalaise est d’avis que la plupart de ses principaux actionnaires estiment que le jeu en vaut la chandelle.

En plus du milliardaire Bill Gates, dont la firme d’investissement Cascade détient la plus importante participation dans le CN (12 %), la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) s’est également rangée derrière l’offre de 33,7 milliards US émanant du plus important transporteur ferroviaire au pays.

« La plupart [des actionnaires] sont enthousiastes à l’égard de ce qui est proposé », a observé mercredi le président-directeur général du Canadien National, Jean-Jacques Ruest, à l’occasion d’une conférence virtuelle organisée par Bank of America, où il a prononcé les noms de M. Gates et de la CDPQ.

M. Ruest avait été interrogé sur l’humeur des actionnaires à la suite des inquiétudes formulées mardi par TCI Fund Management, cinquième actionnaire en importance du CN et le plus important du Canadien Pacifique (CP) – qui lorgne également KCS.

Dans une lettre datée du 3 mai adressée à M. Ruest que La Presse a pu consulter, la Caisse estime que l’offre du CN, si elle se concrétise, permettrait de créer des emplois au sein d’une entreprise établie à Montréal en plus d’offrir de « nouveaux marchés aux compagnies québécoises exportatrices ».

Cette acquisition est alignée avec les objectifs de la CDPQ de soutenir les entreprises québécoises dans leur croissance internationale ainsi que d’appuyer la transition vers une économie faible en carbone.

Kim Thomassin, vice-présidente et cheffe des placements au Québec à la Caisse de dépôt

Le gestionnaire de régimes de retraite se classe au neuvième rang des principaux actionnaires du CN avec une participation d’environ 1,7 %, selon la firme de données Refinitiv. Il détient également 57 446 actions de KCS, soit moins de 1 % des titres en circulation.

Une échéance qui approche

KCS est au cœur d’un duel entre le CN et le CP, qui souhaitent chacun mettre la main sur le transporteur ferroviaire américain, essentiellement en raison de ses actifs ferroviaires au Mexique. Les deux chemins de fer souhaitent chacun être propriétaire d’un réseau qui traverse les États-Unis pour se rendre dans ce pays.

Toutefois, le temps presse pour le CP, qui a jusqu’à 17 h, ce jeudi, pour répondre officiellement au conseil d’administration de KCS, qui a décidé de se tourner vers l’offre du CN, jugée supérieure. Le 21 mars, l’entreprise ferroviaire établie à Calgary avait annoncé une entente de 25,2 milliards US avec KCS.

Pour sa part, le CN doit maintenant convaincre le Surface Transportation Board (STB) – l’organisme de réglementation américain qui régit les fusions de chemins de fer – de mettre sur pied une fiducie de vote pendant que la transaction se retrouve sous la loupe des autorités réglementaires.

L’entreprise devra verser 1 milliard US à KCS si le STB refuse sa demande. Le transporteur ferroviaire a déjà accepté de payer la facture des frais de résiliation estimée à 700 millions US si KCS met fin à son entente avec le CP.

De plus, le STB a décidé que la proposition du chemin de fer québécois devrait être évaluée à partir de règles plus strictes, alors qu’une exemption avait été accordée à son rival albertain.

Pour TCI Fund Management, un fonds spéculatif londonien dirigé par le milliardaire Christopher Hohn, ces risques devraient inciter le CN à abandonner son offre pour KCS.

« Nous croyons que nous pouvons gérer le risque réglementaire de manière convenable en y allant étape par étape », a estimé M. Ruest.

Dans un rapport publié mardi, Steve Hansen, de la firme Raymond James, estimait qu’à la lumière de la plus récente décision des autorités réglementaires, le fardeau de la preuve s’alourdissait pour le CN.

Néanmoins, l’entreprise ferroviaire espère obtenir l’approbation du STB vers le début du mois de juin pour sa fiducie de vote et espère avoir reçu le soutien de la majorité des actionnaires de KCS en juillet. Le processus d’approbation de la transaction devrait s’échelonner jusqu’à l’année prochaine.