Le Cirque du Soleil a un nouveau PDG depuis la semaine dernière, lorsque Daniel Lamarre a cédé les rênes de l’organisation à son bras droit des cinq dernières années, Stéphane Lefebvre, qui est devenu illico presto le grand patron de l’entreprise mondiale de divertissement. Si le nouveau PDG s’active pleinement à la relance des activités du groupe dans les marchés où il est possible de le faire, son objectif à long terme est d’assurer la pérennité de l’entreprise et de lui redonner son lustre d’antan.

Vous vous êtes joint au Cirque du Soleil en 2016 à titre de chef de la direction financière après avoir occupé les mêmes fonctions chez CAE durant 10 ans. Comment s’est faite la transition entre l’aéronautique et les arts du cirque ?

Quand j’ai rejoint le Cirque, c’était pour former un partenariat de trois personnes avec Daniel Lamarre et Jonathan Tétrault et mettre en place une nouvelle stratégie de développement.

J’étais très bien chez CAE, où j’ai travaillé durant 10 ans au côté du PDG Marc Parent, mais j’ai toujours été fasciné par le Cirque. J’ai assisté à la création d’O à Las Vegas à l’époque. J’ai dit à Marc que je quittais un leader mondial pour me joindre à un autre leader mondial. Ce sont deux entreprises qui généraient beaucoup de liquidités, la transition s’est bien faite.

Au printemps 2020, tout s’est effondré, tous les spectacles ont été annulés, à peu près tout le personnel a été remercié, et vous vous êtes retrouvé à court de liquidités, forcé de vous mettre à l’abri des créanciers. Comment avez-vous vécu cette crise ?

Ç’a été de longs mois de travail, et on n’avait qu’un seul objectif en tête, celui de sauver le Cirque. Ç’a été un processus complexe, il y a eu plusieurs offres pour relancer l’entreprise. Ce qui était important, ce n’était pas juste le rachat du Cirque, mais d’avoir les fonds nécessaires pour relancer nos opérations.

On a réussi à obtenir de nos nouveaux partenaires financiers un fonds de 300 millions pour redémarrer progressivement la machine et c’est ce que l’on a entrepris de faire depuis le mois de juin dernier avec la reprise graduelle de nos spectacles.

Avant de nous parler de la relance de vos activités, expliquez-nous qui sont aujourd’hui les actionnaires du Cirque du Soleil ?

C’est un peu compliqué parce que plusieurs actionnaires du Cirque peuvent vendre leur participation en actions ou en dette, donc ça peut fluctuer. Il y a présentement une cinquantaine d’actionnaires, mais il y en a trois principaux qui ont des sièges au conseil d’administration, soit Catalyst Capital, CBAM Partners et Sound Point Capital, trois fonds d’investissement.

En mars 2020, lorsque la pandémie a éclaté, vous aviez 44 spectacles dans autant de villes dans le monde. Combien de spectacles avez-vous réussi à redémarrer aujourd’hui ?

Nos six spectacles permanents ont repris l’affiche à Las Vegas. Cela s’est fait graduellement depuis le mois de juin. Notre spectacle permanent a repris à Orlando, et Alegría a recommencé sa tournée à Houston. On a un spectacle sur le thème de Noël qui est présentement à l’affiche à Chicago et qui s’en va prochainement à New York.

On va avoir en janvier un autre spectacle qui va débuter à Londres. On a décidé d’avoir une approche prudente et d’ouvrir un spectacle quand on est certain que les conditions sanitaires, comme le passeport vaccinal, le permettent. On reste évidemment très attentif à l’apparition des nouveaux variants.

Pour que l’on ouvre un nouveau marché, cela prend trois conditions essentielles. Il faut que nos équipes soient bien préparées – il n’est pas question de prendre de risques –, que nos équipements soient aussi bien adaptés et que les conditions de financement le permettent.

Au moment de l’éclatement de la crise, vous réalisiez des revenus annuels de plus de 1 milliard US. Est-ce que vous prévoyez retrouver ce niveau de revenus un jour ?

Si vous me posez la question, c’est oui, je suis convaincu que le Cirque a le potentiel pour retrouver ce niveau de revenus, mais je suis incapable de vous dire quand cela arrivera.

On vient de reprendre nos activités et 2022 sera une année de relance et en 2023, on devrait être complètement opérationnel, si tout va bien et que la situation sanitaire se stabilise.

Il est envisageable que l’on retrouve le seuil de la rentabilité dès 2022, mais cela dépend de nombreux facteurs. On doit rester prudent.

Le Cirque du Soleil comptait 5000 employés dans le monde au moment du déclenchement de la crise en mars 2020. Combien de personnes avez-vous rappelées à ce jour ?

On est revenu à un niveau de 2500 employés dans le monde, dont 450 au siège social de Montréal. C’est ici que nos artistes viennent se préparer pour chacun des spectacles qui vont progressivement reprendre.

Vous aviez une dette de plus de 1 milliard US au moment où vous vous êtes mis sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies en juin 2020. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Notre dette s’élève à 600 millions US, mais on a les liquidités nécessaires pour bien réaliser notre relance sans affecter la dette. On ne pense pas devoir utiliser les 300 millions que nos partenaires financiers ont mis à notre disposition. Nos spectacles commencent déjà à générer des liquidités, et cela va aller en progression.

Est-ce qu’au plus fort de la crise, au printemps et à l’été 2020, vous avez appréhendé le pire pour la survie du Cirque du Soleil ?

Il y avait beaucoup d’incertitude, c’est vrai. Ç’a été de longs mois. Mais il y avait beaucoup d’acquéreurs potentiels, et cela nous confirmait que le Cirque avait encore un grand avenir devant lui.

Il fallait sauver l’entreprise, et c’est ce qu’on a fait. Là, on travaille à assurer la pérennité de ce leader mondial qu’est le Cirque du Soleil, et Montréal va rester le centre de décision et de création de cette grande marque internationale.