(Montréal) Le président et chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, n’a pas voulu dévoiler son jeu quant à l’acquisition potentielle de Freedom Mobile, mais il reconnaît que la saga familiale qui secoue Rogers amène son lot d’incertitude.

Rogers n’a pas encore obtenu le feu vert des autorités réglementaires pour son offre d’achat de 26 milliards pour Shaw. Les analystes anticipent qu’une condition de l’approbation sera la vente de Freedom Mobile. Québecor a exprimé son intérêt pour la division dans le cadre d’un plan d’expansion plus large à l’extérieur du Québec.

Or, une lutte de pouvoir digne d’un feuilleton télévisé ébranle Rogers. Ses concurrents Bell et Telus ont demandé mercredi au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de reporter les audiences en raison de ce conflit interne. Elles doivent commencer le 22 novembre.

« Nous avons de la difficulté à savoir ce qu’il advient avec Rogers et Shaw, a répondu M. Péladeau lors d’une conférence avec les analystes financiers visant à discuter des résultats du troisième trimestre. Nous n’allons pas ouvrir notre jeu. Nous croyons cependant que nous avons à notre disposition les meilleurs outils et moyens financiers pour Freedom Mobile. »

Le dirigeant n’a pas voulu dire si l’acquisition de Freedom Mobile était essentielle à son plan d’expansion à travers le Canada. Il a toutefois indiqué que l’entreprise avait plusieurs éléments à sa disposition pour poursuivre son expansion, notamment l’acquisition de 294 blocs de spectre à un prix de 830 millions réalisée l’été dernier, un jugement favorable du CRTC qui contraint Bell, Rogers et Telus à partager leur réseau avec un nouvel opérateur, et une plateforme numérique fonctionnelle.

M. Péladeau a souligné que le marché du Québec était désormais « assez mature » et dit croire que le reste du Canada, où la concurrence est moins forte, offrait des occasions d’affaires lucratives.

Les relations sont également tendues entre Rogers et Québecor en ce moment. La filiale Vidéotron a déposé une poursuite de 850 millions contre la société torontoise. Vidéotron affirme que Rogers a « provoqué artificiellement une impasse » dans une entente conclue entre les deux entreprises pour créer un réseau sans fil commun au Québec et à Ottawa.

Québecor aurait fait les efforts nécessaires pour régler le différend sans passer par les tribunaux, affirme M. Péladeau. « À la lumière de ce qui se passe chez Rogers, on comprend pourquoi nos discussions n’étaient pas prioritaires. Nous espérons que, lorsque les choses se seront calmées chez Rogers, nous aurons la chance de mener un dialogue constructif. »

Déception dans le secteur des télécommunications

Au troisième trimestre, les résultats globaux ont surpassé les attentes, mais le fait que la surperformance provienne du secteur médiatique tempère l’enthousiasme des analystes. À lui seul, le secteur des télécommunications de Québecor, avec ses 939,5 millions de dollars de revenus, représente la part du lion des recettes de l’entreprise, en hausse de 3,3 % à 1,15 milliard.

Le bénéfice ajusté par action atteint 0,73 $, comparativement à 0,69 $ à la même période l’an dernier. Avant la publication des résultats, les analystes anticipaient un bénéfice par action de 0,70 $, selon Refinitiv. Le bénéfice net attribuable aux actionnaires de 173,1 millions, ou 0,71 $ par action de base, est en hausse de 32,2 millions, ou 0,15 $ par action de base.

La filiale Vidéotron a une fois de plus affiché une progression importante de ses revenus au troisième trimestre, soit de 5,6 % pour les services d’accès internet et de 8 % pour la téléphonie mobile.

Vince Valentini, de Valeurs mobilières TD, croit tout de même que les investisseurs vont être déçus par les activités de télécommunications. Il note que la croissance du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) de Vidéotron est inférieure à ce qui a été affiché dans les récents trimestres.

M. Valentini admet que le fait que Fizz et Vidéotron accaparent 37 % des nouveaux branchements à la téléphonie mobile est « impressionnant ». « La question est de savoir si ces gains se font au détriment de la rentabilité et de la rationalité des prix. La réponse n’est pas claire, mais nous croyons que la question, en elle-même, amène assez d’incertitude pour freiner l’action. »

L’analyste craint qu’un ralentissement de la croissance au Québec amène les investisseurs à conclure que la société serait prête à prendre de plus grands risques financiers dans le reste du Canada pour assurer son expansion.

D’autre part, Québecor confirme que France Lauzière, qui avait entamé au printemps dernier une pause professionnelle de quelques mois pour des raisons familiales, quitte définitivement ses fonctions de présidente et chef de la direction du Groupe TVA et de chef du contenu de Québecor Contenu pour les mêmes raisons. Pierre Karl Péladeau continuera d’assumer sur une base intérimaire les responsabilités de Mme Lauzière.